ENTRETIEN AVEC CHRISTELLE FOURNEL
ACTU
Auteur(s) : PROPOS RECUEILLIS PAR TANIT HALFON
Ancienne enseignante-chercheuse en sciences de gestion et de management vétérinaire à l’école nationale vétérinaire d’Alfort (ENVA), la vétérinaire Christelle Fournel a récemment soutenu une thèse en sciences de gestion sur la qualité de service en consultation vétérinaire canine. Elle nous en parle.
Pouvez-vous expliquer l’objet de vos recherches ?
En marketing, il est d’usage de dire que pour créer de la valeur, l’idéal est de la co-créer (cf. encadré). Cette co-création est possible à des niveaux élevés de coproduction, c’est-à-dire si le prestataire de services et le client produisent le service à deux. Cela concerne de fait aussi l’activité vétérinaire, qui est une activité de service. Donc la question que je me suis posée était de savoir si elle opérait lors de la consultation vétérinaire. En outre, il s’agissait d’identifier les facteurs favorisant cette pratique. L’idée sous-jacente à cette thèse était aussi d’affirmer que la consultation constitue le cœur de l’activité vétérinaire, comme l’avait bien montré notre regretté confrère Yannick Poubanne. Aujourd’hui, sous couvert de vouloir améliorer la satisfaction client, on a tendance à vouloir mettre en place des opérations marketing, comme des envois de mailing ou des enquêtes de satisfaction. Mais si la base du métier, c’est-à-dire le temps de consultation, mais aussi celui de l’accueil du client, n’est pas assurée, ces démarches ont peu d’impact.
Comment avez-vous procédé ?
J’ai décidé de me focaliser uniquement sur l’activité canine. Mes objectifs étaient d’identifier les compétences mobilisées par le vétérinaire et le propriétaire au cours d’une consultation, et d’identifier les moments de coproduction. Pour ce faire, j’ai filmé plusieurs consultations chez différents vétérinaires en région parisienne, l’intérêt du procédé étant d’interférer le moins possible et de pouvoir revoir à volonté les dialogues et comportements de chacun des protagonistes. Pour exemple, l’analyse vidéo pouvait montrer une situation dans laquelle un praticien parle 60 % du temps de la maladie, alors que le propriétaire ne s’exprime que 10 % du temps, reflétant de fait un dialogue déséquilibré, peu compatible avec la coproduction.
Quels sont les résultats ?
Pour résumer, la présence d’échanges entre le praticien et le propriétaire, la prise en compte des idées et des demandes du propriétaire pour le diagnostic et le traitement, ainsi que l’écoute attentive du vétérinaire, permettent l’émergence de la coproduction. Assez étonnamment, comparé à ce qui se dit en sciences de gestion ou en médecine, la qualité de la relation entre le vétérinaire et son client n’est pas primordiale. En clair, parler des vacances du client n’apporte pas de plus-value. Pour créer de la valeur, l’important est de rebondir sur des sujets qui concernent l’animal et la maladie, de manière à partager les points de vue et les décisions.
Quelles recommandations pourriez-vous faire pour la profession ?
Il faudrait déjà affiner le référentiel de compétences de l’enseignement vétérinaire, et revoir la formation théorique et pratique des vétérinaires pour les familiariser à la notion de coproduction, qui apparaît aujourd’hui globalement absente de la profession. Proposer de nouvelles formes d’évaluation de la qualité des services serait aussi à réfléchir, l’idéal étant que cela soit fait par des vétérinaires sensibilisés à cette « approche coproduction ». Ayons à l’esprit que l’objectif de cette coproduction est de réduire l’asymétrie d’information, de telle façon que vétérinaire et propriétaire puissent efficacement soigner l’animal. C’est aussi cela, la bien-traitance !
LA BONNE SANTÉ D’UNE ENTREPRISE DE SERVICES REPOSE SUR LA COPRODUCTION