Santé des volailles en élevage de poulets de chair bio - La Semaine Vétérinaire n° 1795 du 27/01/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1795 du 27/01/2019

CONFÉRENCE

PRATIQUE MIXTE

Formation

Auteur(s) : TANIT HALFON  

En élevage biologique, le cahier des charges impose d’utiliser en priorité les thérapies non conventionnelles (phytothérapie, homéopathie et oligoéléments). Hormis la vaccination et les antiparasitaires, un seul traitement à base de médicaments vétérinaires allopathiques chimiques de synthèse ou d’antibiotiques est autorisé pour les animaux à « cycle de vie productive inférieure à un an » (règlement n° 889/2008). C’est pour comprendre ces spécificités et identifier les éléments visant à maîtriser la santé dans ces élevages qu’une enquête épidémiologique a été menée entre janvier 2014 et avril 2015 auprès d’un échantillon représentatif de 85 éleveurs volontaires de poulets de chair biologiques1, dont 70 appartenant à une organisation de production et 15 éleveurs indépendants (tableau 1). L’objectif était triple : établir un état des lieux de l’utilisation des traitements alternatifs, décrire l’état de santé et de bien-être des animaux et identifier les conditions influençant cet état de santé pour pouvoir proposer aux éleveurs des mesures préventives. Pour ce faire, un questionnaire a permis de récolter des informations sur l’exploitation, les pratiques d’élevage et les données sanitaires. Deux visites, réalisées à 3 semaines (avant la sortie sur le parcours) et 11 semaines d’âge, ont permis de suivre un lot de poulets pour évaluer le bien-être des animaux, leur atteinte parasitaire2 et l’état du bâtiment d’élevage (examen de la litière et analyses bactériologique et chimique de l’eau). Dans cet article, seuls les résultats de santé et de bien-être de l’élevage sont présentés3. À noter : 74 lots ont été vaccinés contre les coccidioses au couvoir. De plus, les animaux sont sortis sur les parcours en moyenne à 42 jours (de 25 à 53 jours).

Un état sanitaire globalement satisfaisant

Les éleveurs ont signalé que 32 lots sur 85 avaient rencontré des problèmes sanitaires, majoritairement digestifs, à savoir 18 lots avec entérites (non précisées), 4 avec entérites nécrotiques et 2 avec coccidioses, ainsi que 3 lots avec des troubles locomoteurs, 3 avec des problèmes du démarrage et 2 avec des difficultés respiratoires. La mortalité moyenne des lots à 77 jours était de 2,8 %, associée aux complications sanitaires rencontrées par les éleveurs. Ce taux se situe en dessous de la mortalité moyenne des élevages de poulets biologiques, estimée à 4,93 %4. Cependant, cette dernière correspond aux pertes totales jusqu’à l’abattage et pas au bout de 77 jours, ce qui expliquerait le taux plus faible relevé dans cette étude. Des coccidies ont été retrouvées dans la plupart des lots (tableau 2) en visites 1 (76 lots) et 2 (62 lots). Leur présence pourrait s’expliquer soit par un recyclage des coccidies vaccinales, soit par une circulation de coccidies sauvages. De plus, très peu de lésions coccidiennes ont été observées5, probablement en lien avec la vaccination contre la coccidiose. La présence d’helminthes (Heterakis et/ou Ascaridia) a été constatée dans 50 lots lors de la visite 2 et deux lots durant la visite 1. Parmi les indicateurs de bien-être évalués, la dégradation du plumage et les lésions des tarses ont été rarement constatées. Par ailleurs, au cours de la visite 1, 14,5 % de poulets avec des lésions de pododermatite ont été observés, dont 9,4 % avec des lésions minimes. La visite 2 a révélé 44,1 % d’animaux atteints de pododermatites, dont 21,5 % comportant des lésions minimes. Enfin, concernant l’état de la litière, 12 élevages, lors de la visite 1, affichaient au moins un score humide, contre 28 lors de la visite 2, et seuls 15 présentaient une absence de contamination bactérienne de l’eau.

L’hygiène et la biosécurité sont essentielles

L’analyse statistique a permis d’identifier deux groupes d’élevages (tableau 3). Le groupe 1 correspond uniquement à des élevages appartenant à des organisations de production, qui disposent plutôt de bâtiments fixes et, pour la plupart d’entre eux, d’un sol bétonné au niveau de la zone de sortie sur parcours, avec une litière plutôt sèche. Dans ce groupe, il y a moins de pododermatites, moins d’helminthes et un taux moyen de mortalité de 2,2 %. Ces éleveurs changent plutôt de chaussures avant d’entrer dans le bâtiment. Ils réalisent le plus souvent un traitement de l’eau de boisson en cours d’élevage, au moins une analyse d’eau par an et une désinfection de leur bâtiment au vide sanitaire. Le groupe 2 correspond à des élevages indépendants (15) et en organisation de production (25). Il y est constaté plus de pododermatites, plus d’helminthes et un taux moyen de mortalité de 3,5 %. Les conditions d’élevage les caractérisant sont les modalités inverses du groupe 1. Pour les auteurs, la mise en évidence de deux groupes permet d’identifier les facteurs d’élevage influant sur l’état de santé et de bien-être des animaux. Ainsi, un renforcement des mesures d’hygiène, de la biosécurité et de la qualité de l’eau de boisson, un aménagement de la zone de sortie sur parcours, la préconisation d’un vide sanitaire complet sur le site et le développement de l’accès au conseil technique pour les éleveurs indépendants apparaissent comme des points clés pour améliorer la santé et le bien-être des poulets biologiques.

1 Exploitations de plus de 250 animaux.

2 30 poulets par visite ont été notés pour le bien-être. Une recherche parasitaire a été effectuée pour cinq poulets à chaque visite.

3 Un deuxième article, à paraître prochainement dans La Semaine Vétérinaire, présentera le bilan des traitements alternatifs utilisés.

4 Données 2016 de la chambre d’agriculture du Grand Ouest.

5 Les coccidies peuvent être présentes dans l’intestin sans signe clinique.

Rozenn Souillard Chercheuse à l’Anses. Article rédigé d’après une présentation faite lors des journées de la recherche avicole et palmipèdes à foie gras, en 2017.