SÉCURITÉ SANITAIRE DE L’ALIMENTATION
ACTU
Auteur(s) : TANIT HALFON
Dans son dernier rapport public, la Cour des comptes souligne les progrès des autorités en matière de contrôles de la sécurité sanitaire de l’alimentation. Des insuffisances persistent pourtant, notamment en lien avec une gouvernance sanitaire complexe.
Notre politique de sécurité sanitaire de l’alimentation serait-elle sur la bonne voie ? C’est en tout cas ce qui ressort du dernier rapport de la Cour des comptes publié en février 2019. « Des progrès ont été réalisés dans la programmation, le ciblage et les suites données aux inspections », soulignent les auteurs du rapport. Changement de ton donc comparé au précédent rapport en date de février 2014, qui faisait état de l’existence « d’anomalies graves », du fait de « l’absence de contrôle à un niveau significatif et l’absence de sanctions suffisantes ». Plusieurs points de progrès sont listés. Ainsi, même si le nombre de contrôles de la DGCCRF1 a diminué de 20 % entre 2013 et 2017, aboutissant à un niveau de couverture2 très bas (4 % en 2017), le nombre d’entreprises contrôlées avec des anomalies a augmenté (42 à 49 % entre 2013 et 2017). Une preuve pour la Cour des comptes d’un travail accru d’analyses de risque permettant de mieux cibler les établissements à contrôler. Même constat du côté de la DGAL3, qui a appliqué la démarche au secteur des végétaux, apparus délaissés dans le précédent rapport. De plus, depuis 2015, le nombre d’inspections effectuées par les agents de la DGAL est stable, de même que le taux d’anomalies4. à ces constats, s’ajoute une révision de la politique des suites.Ainsi, entre 2013 et 2017, les avertissements ont augmenté de 67 %, les établissements les recevant systématiquement dès la note B (niveau de maîtrise des risques « acceptable »). Les suites plus contraignantes, telles que les fermetures partielles ou totales des établissements et les sanctions pénales ont augmenté, elles, de 37 %, tout en restant bien moins nombreuses que les avertissements5.
Comme cela avait déjà été constaté dans le rapport de 2014, il est apparu que les professionnels et les laboratoires persistent à ne pas transmettre les résultats des auto-contrôles non conformes. Ce n’est que la récente affaire Lactalis qui va probablement permettre de faire évoluer ce point, l’obligation de transmission étant rendue obligatoire par la loi du 30 octobre 2018. Le rapport pointe aussi du doigt une insuffisance de contrôle dans les établissements bénéficiant d’une dérogation à l’obligation d’agrément sanitaire. Or, ces derniers augmentent, passant de 9 659 en 2013 à 13 845 en 2017. Le manque d’effectifs est encore noté. En 2014, la Cour signalait une baisse de plus de 300 équivalents temps plein entre 2009 et 2012 (– 6,8 %), à l’origine d’une baisse du nombre de contrôles, au détriment des établissements de remise directe. En 2019, ces derniers restent toujours peu ciblés : un établissement de restauration est ainsi contrôlé en moyenne tous les 15 ans. Enfin, les auteurs soulignent l’inefficacité des mesures de retrait et de rappel des produits, comme en a témoigné l’affaire Lactalis. Néanmoins, en juillet 2018, ce point a fait l’objet d’un rapport du Conseil national de l’alimentation, qui a proposé plusieurs recommandations pour l’améliorer.
Pour la Cour des comptes, un des leviers de progrès de la sécurité sanitaire de l’alimentation serait d’en clarifier la gouvernance. à la différence des autres pays européens qui fonctionnent avec un unique organisme de contrôle central, la France a réparti l’organisation des contrôles entre trois administrations, d’où un manque de lisibilité et de cohérence. «
Le fractionnement des compétences entre plusieurs acteurs en charge de la sécurité de l’alimentation et la complexité qui en découle rendent nécessaires la rationalisation et la modernisation du dispositif
», soulignent les auteurs du rapport. Pour y remédier, ils proposent de nommer un «
chef de file de l’ensemble du dispositif
». Renforcer les missions des Directions régionales sur les Directions départementales interministérielles (DDI)6 leur apparaît aussi nécessaire. Si elles exercent en théorie un rôle de pilotage et d’animation, elles l’assument difficilement en pratique, les services départementaux dépendant hiérarchiquement du préfet du département. Dès lors que les crises sanitaires concernent en général plus d’un département, et «
dans un domaine où la gestion de crise appelle le déploiement de chaînes de commandement simples et claires
», il s’agit pour les auteurs de lever «
cette ambiguïté
». La rationalisation de la gouvernance passerait aussi par une mutualisation des laboratoires impliqués dans les contrôles sanitaires. Enfin, les auteurs regrettent comme en 2014 que les redevances servant à financer les contrôles, pourtant autorisées par la réglementation européenne, ne soient pas suffisamment appliquées. Pour exemple, si les redevances sanitaires d’abattage et de découpage atteignent les 55 millions d’euros, elles ne couvrent que 17 % du coût des contrôles effectués. Ainsi, en France, la participation financière des professionnels est de 10 %, contre 28 % aux Pays-Bas et 47 % au Danemark.
•
1DGCCRF : Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.
2 Nombre d’entreprises contrôlées dans un secteur, rapporté au nombre total d’entreprises dans ce même secteur.
3DGAL : Direction générale de l’alimentation.
4 Constat à nuancer pour les auteurs, car les anomalies d’une gravité moyenne ou majeure restent faibles (12 à 14 % de l’ensemble des anomalies en 2016 et 2017).
5 En 2017, près de 25 000 avertissements et 12 000 suites contraignantes ont été recensés.
6 Au niveau départemental, les services des ministères de l’Agriculture et de l’économie en charge des contrôles sanitaires de l’alimentation sont regroupés au sein d’une même DDI.
LES CINQ RECOMMANDATIONS DE LA COUR DES COMPTES :
« LE RAPPORT INSISTE TROP PEU SUR LE MANQUE D’EFFECTIFS »