ÉTHIQUE
PRATIQUE CANINE
L'ACTU
Auteur(s) : LORENZA RICHARD
La notion de bien-être animal est complexe et subjective. Pour pallier cette difficulté, l’association Zoopsy travaille à l’élaboration d’une grille capable d’en évaluer le niveau « pour progresser et non pour juger le propriétaire » .
Le bonheur au travail … les chiens aussi ? » était la question posée lors du Jeudi de Zoopsy, le 20 décembre 2018, à Lyon (Rhône). « Travailler, pour un chien, consiste à remplir une tâche spécifique, explique Nathalie Marlois, présidente de l’association Zoopsy. La définition du travail évolue dans le temps. Certains courants de pensée actuels s’opposent au travail de l’animal et la question du bien-être et du bonheur se pose ». Jérôme Michalon, sociologue, déclare « qu’on n’a jamais autant parlé de bien-être au travail, mais également de souffrance. Chez l’homme, la reconnaissance du travail par autrui est nécessaire pour qu’il soit un plaisir ». Transformer le travail des animaux en une collaboration avec l’humain serait une façon de ne plus les réduire à des victimes.
Astrid Dresse, zoopsychiatre, remarque qu’il existe deux types de travail demandés aux chiens. Le premier est une exacerbation d’un comportement pour lequel l’animal possède une appétence (notamment la chasse), avec la réalisation de séquences cognitives simples et rapidement récompensées. Le second est un apprentissage complexe, où une performance cognitive élevée est demandée. Les chiens guides d’aveugles, par exemple, doivent intégrer des schémas de connaissances (comme le trottoir) et d’action (que faire face au trottoir), avec parfois des objectifs compliqués (retrouver son chemin). Leur responsabilité est permanente, sans possibilité de fuite en situation difficile, sans récompense systématique, etc. Il convient alors de développer la motivation et la confiance en soi chez ces chiens.
Toutefois, « le risque de demander trop de travail est que l’animal s’épuise, en analogie avec le burn-out observé chez les humains, et qui touche 45 % des vétérinaires », d’après Liliane Chalaye, psychologue.
Pour Sylvia Masson, zoopsychiatre, la souffrance d’un chien au travail peut être d’origine diverse : un travail permanent, des méthodes d’éducation inappropriées, un trouble de l’attachement, une maladie organique, etc. La consultation d’un chien de travail est particulière ; notre consœur conseille « d’expliquer au propriétaire que nous ne connaissons pas forcément sa discipline et que nous sommes experts seulement de la santé de son chien. » Pour elle, il convient ainsi de s’adapter à la situation, et avant tout d’observer le chien pour déterminer s’il souffre. « Le bien-être dépend de la perception de l’animal, et c’est son point de vue qui compte. Il faut ainsi chercher les signes de plaisir et les remettre en place. »
De plus, Guillaume Sarcey, zoopsychiatre, a présenté une grille d’évaluation du bien-être du chien en cours d’élaboration par plusieurs membres de Zoopsy. Elle est amenée à évoluer, et sera, une fois finalisée, mise à la disposition de l’ensemble des vétérinaires. «
L’objectif est de créer un outil numérique évolutif qui soit un support dans les consultations, explique notre confrère. L’enjeu est que les vétérinaires deviennent des référents du bien-être des chiens.
» L’outil est constitué de trois feuilles Excel : l’identité du chien, le questionnaire, qui contient 28 items, et les résultats, classés de A (optimum) à D. Ces derniers sont divisés en six dimensions qui reprennent les cinq libertés fondamentales (besoins physiologiques, santé physique, environnement, relation au monde, santé mentale) et une “mission” pour les chiens qui effectuent des tâches. Toutefois, « la difficulté est la différence de représentation du bien-être du chien par son maître, par le vétérinaire et par le chien. Le bien-être est un état momentané, mais la qualité de vie s’inscrit dans le temps, et il convient de tenir compte des choix des clients sans les juger ». C’est également l’avis de Nathalie Marlois : « Mesurer le bien-être du chien, c’est s’engager pour progresser et non pour juger le propriétaire. Il convient d’être dans l’empathie et la bienveillance, et de se présenter en tant qu’accompagnateur pour améliorer les pratiques.
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