GASTRO-ENTÉROLOGIE
PRATIQUE CANINE
L'ACTU
Auteur(s) : ALEXIS LECOINDRE
Un consensus de l’Acvim émet un avis sur l’administration rationnelle de protecteurs de la muqueuse gastro-intestinale.
Les protecteurs gastro-intestinaux sont des médicaments qui diminuent l’acidité gastrique ou favorisent les mécanismes de protection de la muqueuse. Un récent consensus1 du Collège américain de médecine interne vétérinaire (Acvim) conteste la pratique consistant à les administrer chez les chiens et les chats sans s’interroger sur leur utilité et leurs risques. En effet, les dernières études consacrées à ce sujet en médecine humaine montrent des effets néfastes des antiacides en cas d’utilisation à long terme. Les auteurs soulignent que les bienfaits des gastroprotecteurs reposent en grande partie sur l’extrapolation de la médecine humaine ou d’études chez des animaux en bonne santé. Plus d’informations sont ainsi nécessaires pour définir la posologie optimale, les doses et le choix des produits.
Les antiacides comprennent les sels inorganiques d’aluminium, le carbonate de calcium et l’hydroxyde de magnésium. L’effet indésirable le plus courant des antiacides contenant de l’aluminium est la constipation. En cas d’insuffisance rénale, une toxicité après l’administration d’hydroxyde d’aluminium a été documentée chez le chien. Lors d’administration simultanée per os, les antiacides interfèrent avec l’absorption d’autres médicaments (tétracyclines, fluoroquinolones et digoxine). Ces agents peuvent être difficiles à administrer avec la fréquence nécessaire pour contrôler l’acidité gastrique.
Les antagonistes des récepteurs à l’histamine de type 2 (cimétidine, ranitidine, et famotidine) inhibent la sécrétion acide en bloquant de manière compétitive les récepteurs H2 sur la cellule pariétale. Leur activité reste inférieure au traitement avec les inhibiteurs de la pompe à proton (IPP). Il n’existe aucune preuve montrant l’avantage de l’administration associée d’un antihistaminique H2 avec un IPP pour la guérison des ulcères, cette combinaison pouvant diminuer l’efficacité de l’IPP.
Ce sont des médicaments qui ciblent la voie finale commune de la production d’acide. Les IPP (oméprazole, pantoprazole, ésoméprazole, lansoprazole) sont nettement plus efficaces que les récepteurs H2RA pour augmenter le pH gastrique, prévenir et guérir des lésions tissulaires liées à l’hypersécrétion acide. L’effet inhibiteur maximal est atteint environ deux à quatre jours après l’administration. Sur la base des preuves provenant d’études chez l’homme et chez l’animal de recherche, les IPP administrés deux fois par jour ont une efficacité supérieure aux autres gastroprotecteurs. Une diminution progressive des doses est recommandée en cas d’administration de plus de trois semaines. La prolifération bactérienne de l’intestin grêle est une conséquence néfaste de l’administration chronique d’IPP chez l’homme. En effet, ces médicaments augmentent la survie des bactéries avalées et sont à l’origine d’une diminution de la vidange gastrique, d’une modification de la composition du mucus épithélial, du pH, et augmentent le risque de translocation bactérienne. Alors que certaines bactéries jouent un rôle protecteur contre les lésions de la muqueuse intestinale induites par les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), la dysbiose intestinale résultant de l’administration d’IPP augmente le risque de lésion intestinale induite par les AINS.
Le misoprostol est un analogue synthétique de la prostaglandine E1. Il a une capacité à diminuer les lésions gastriques chez les chiens traités par aspirine, son efficacité pour prévenir les lésions gastro-intestinales associées à l’administration d’autres AINS chez le chien et le chat est inconnue.
Le sucralfate est un sel complexe de saccharose et d’hydroxyde d’aluminium. Il forme des complexes stables avec les protéines comme le fibrinogène, l’albumine ou des globulines provenant de l’exsudat d’un ulcère ou des cellules endommagées. L’administration concomitante de certains médicaments (ciprofloxacine, théophylline, tétracycline, doxycycline, phénytoïne et digoxine) entraîne une biodisponibilité considérablement réduite. Aucune preuve ne montre un avantage ou une interaction lorsque le sucralfate est administré en même temps qu’un antihistaminique H2 ou un IPP.
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1 Stanley L. Marks Peter H. Kook Mark G. Papich M. K. Tolbert Michael D. Willard, Acvim consensus statement : support for rational administration of gastrointestinal protectants to dogs and cats, J. Vet. Intern. Med. 2018;32(6):1823-1840.