ACTU
Depuis quelques mois, la question du déremboursement de l’homéopathie par la Sécurité sociale a conduit à de nombreux débats, témoignages, pétitions et tribunes pour ou contre les médecines dites “alternatives”. Régulièrement, l’argument de l’inexistence de l’effet placebo chez les animaux et la supposée efficacité de l’homéopathie vétérinaire sont mises en avant par ses défenseurs.
Ce sujet déborde largement de la question des médecines dites “alternatives” : nous ne prêtons pas assez attention à la notion de placebo. Tout comme à celle d’imputabilité.
Est-ce que ce chien va mieux grâce à mon traitement ? Que signifie ce symptôme ou ce résultat d’analyse dans le cadre de sa maladie ? Est-ce vraiment parce qu’il est vieux qu’il a un coup de mou ?
Et puis : que suis-je en train de faire ? À quoi cela sert-il ? Est-ce aussi utile que je le crois ? Que je l’ai cru ?
Il existe plusieurs définitions de l’effet placebo. L’amélioration des symptômes d’un patient associée à l’administration d’une substance inerte. Plus largement, et j’aime mieux cette définition, à l’amélioration des symptômes d’un patient, attribuable à la rencontre thérapeutique, avec ses rituels, symboles et interactions. Mais cela marche aussi sur le soignant, le propriétaire, le vétérinaire qui observe l’animal et ses symptômes, et qui espère sa guérison ! On parle d’effet placebo sur le soignant (caregiver placebo effect).
Dans une étude de 2012, Conzemius et ses collègues ont étudié les résultats du groupe placebo d’une vaste étude prospective, randomisée en double aveugle, évaluant l’innocuité et l’efficacité d’un anti-inflammatoire dans le traitement de boiteries secondaires à l’arthrose. Les chiens ont été évalués grâce à des plateformes de force pendant sept semaines, capables de mesurer les différences d’appui du chien sur ses quatre membres (et donc d’objectiver la boiterie). Les propriétaires des animaux avaient un questionnaire à remplir pour évaluer la boiterie, et des vétérinaires spécialistes en orthopédie étaient chargés de juger plusieurs critères concernant celle-ci et la douleur manifestées par les chiens. Ces évaluations subjectives ont été comparées aux données objectives fournies par les plateformes de force.
Pour près de 60 % des chiens qui recevaient un placebo, leurs maîtres ont estimé que leur boiterie s’était améliorée alors que les plateformes de force ne relevaient aucun changement.
Pour près de 40 % des chiens qui recevaient un placebo, les vétérinaires spécialistes, dont le diplôme est l’un des plus exigeants de la planète, ont estimé que la boiterie s’améliorait alors que les plateformes de force ne détectaient aucune amélioration.
Soyons réalistes : nous sommes mauvais pour déterminer l’efficacité réelle d’un traitement administré à nos patients, et leurs propriétaires sont encore pire. Nous voulons qu’ils aillent mieux.
Comment éviter ou limiter cet écueil ? En ayant conscience de son existence ! En admettant que nous sommes bourrés de biais, d’attentes, d’espoirs. Nous voulons que nos patients aillent mieux, au risque de nous leurrer. Nous avons confiance en nous et en nos traitements, nos clients aussi. Et puis, il est plus confortable pour nous de penser que nous sommes utiles et efficaces, surtout quand nos patients s’améliorent !
Nous devons douter de nos observations, de notre expérience personnelle. Nous devons baser notre pratique sur des données objectives, celles de la science, des études bien conduites.
Nous devons autant que possible nous appuyer sur des observations objectives, et non sur des témoignages ou des données subjectives.
C’est un enjeu critique en médecine vétérinaire, peut-être plus qu’en médecine humaine, car nous ne pouvons pas accepter que les propriétaires d’un animal souffrant, ou son vétérinaire, se félicitent d’une amélioration illusoire tandis que la maladie ou la douleur ne sont pas correctement soignés.
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Pour aller plus loin, je recommande le blog du Dr Brennen McKenzie : skeptvet.com.
SYLVAIN BALTEAU (T 04)