ACTU
L’apprentissage des gestes techniques nécessaires à la pratique de la médecine et de la chirurgie vétérinaire est un processus long. Il nécessite un engagement important de la part des enseignants, soumis à un emploi du temps souvent contraint. Pour les étudiants, le temps disponible pour l’apprentissage de ces gestes est limité par le nombre de connaissances et de compétences à acquérir en un temps restreint. Ces contraintes justifient une stratégie d’optimisation des méthodes pédagogiques employées.
En outre, une dimension éthique est à prendre en compte dans l’apprentissage de ces gestes. Le bien-être animal est en effet devenu un enjeu sociétal important. Or, la manipulation de l’animal vivant par le débutant comporte des risques, liés à l’inexpérience dans la pratique du geste, et expose l’animal à des conséquences potentiellement graves ou douloureuses. Cette situation semble de moins en moins acceptable aux yeux de notre société, qui réclame une prise en compte plus affirmée du respect de l’animal. Dans ce contexte, le recours à des méthodes alternatives émerge depuis une quinzaine d’années en Europe, dont notamment le développement de la simulation médicale. Celle-ci permet de former à des procédures et à des gestes techniques, ou d’enseigner des compétences non techniques (travail en équipe, communication entre professionnels, etc.). Elle peut être utilisée en formation initiale ou continue, pour acquérir ou réactualiser des connaissances et des compétences. Ces outils permettent également d’aborder des situations particulières, “à risque pour le patient”, ou de reconstituer des événements indésirables afin de mettre en œuvre des actions d’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins.
“Jamais la première fois sur le patient”
En médecine humaine, la Haute Autorité de santé travaille depuis 2010 à promouvoir cette méthode de formation, sous le slogan “Jamais la première fois sur le patient”. L’apprentissage sur simulateurs est désormais considéré comme un modèle valide, et représente une méthode incontournable pour la formation des médecins et des équipes de soins. En médecine vétérinaire, la simulation médicale se développe dans de nombreuses écoles et universités européennes de standard européen. En France, deux écoles, l’école nationale vétérinaire d’Alfort (ENVA)1 et Oniris, sont actuellement dotées de plateformes de simulation médicale, équipées de mannequins et de modèles inertes qui reproduisent des animaux, des pièces anatomiques ou des situations cliniques, dans un environnement contextualisé.
En pratique, l’étudiant est invité à réaliser les activités proposées, en suivant une progression adaptée à son niveau d’étude. Un grand nombre de gestes techniques peuvent être découverts sur des mannequins. Même lorsque leur aspect semble éloigné de la réalité, ces outils permettent à l’étudiant de découvrir la sensation proprioceptive nécessaire à un mouvement efficace et précis.
Adapter l’apprentissage au profil de chaque étudiant
Les bénéfices de ce mode d’enseignement sont d’ordre éthique (absence d’exposition de l’animal vivant), fonctionnel (meilleure sécurité de l’étudiant, absence de danger permettant une meilleure concentration de l’étudiant sur la tâche à accomplir) et économique (diminution de la consommation en consommables lors des soins sur animal vivant en raison d’une meilleure efficacité de l’étudiant), mais c’est sur le plan pédagogique qu’ils s’avèrent les plus intéressants.
En effet, cette méthode de formation permet la répétition des gestes autant de fois que nécessaire jusqu’à leur acquisition complète, et offre la possibilité d’adapter l’apprentissage au profil de chaque étudiant. Elle permet aussi le découpage de gestes complexes, automatisés par le professionnel en plusieurs séquences d’apprentissage, plus faciles à acquérir pour le débutant.
Un “tuilage” entre la théorie et la pratique
La simulation médicale permet à l’étudiant de travailler sans se soucier des conséquences d’une éventuelle erreur sur l’animal, ce qui l’affranchit du stress et le place dans des conditions plus propices à son apprentissage. Par ailleurs, autoriser l’erreur dans un domaine où elle n’est normalement pas souhaitable permet à l’étudiant d’en tirer parti pour progresser, voire d’expérimenter pour mieux en délimiter les conséquences.
La formation sur mannequins et modèles inertes intervient donc en complément de l’enseignement clinique sur animal vivant. Son objectif est de permettre à l’étudiant de se familiariser en amont avec les gestes dont il aura besoin en situation réelle, pour pouvoir, une fois en clinique, focaliser son apprentissage sur les pans de la formation vétérinaire qui ne sont accessibles qu’au contact de l’animal : démarche médicale, raisonnement clinique, singularités biologiques et variations raciales, cas cliniques complexes ou multidisciplinaires, ou aléas imputables au comportement des animaux. Ainsi, sans remplacer le modèle clinique, cette approche permet d’instaurer un “tuilage” entre la formation théorique dispensée au cours des premières années de formation et la formation pratique clinique. En outre, le nombre d’animaux vivants nécessaires à l’apprentissage s’en trouve réduit, et les étudiants formés par ces méthodes s’avèrent plus assurés et plus efficaces dans leur pratique clinique.
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1 L’ENVA a développé la plateforme de simulation médicale VetSims sous la responsabilité d’Henry Chateau.
ANNE GOGNY (N 92)