Des premières pistes de développement pour les races locales porcines - La Semaine Vétérinaire n° 1801 du 09/03/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1801 du 09/03/2019

RECHERCHE

PRATIQUE MIXTE

L'ACTU

Auteur(s) : TANIT HALFON  

Le projet de recherche européen Treasure a fourni un premier aperçu des performances des systèmes de production de 20 races locales de porcs, dont le porc gascon et basque pour la France.

Les races de porcs locales sont marginales en Europe et représentent seulement moins de 5 % de la production. Or, elles bénéficient d’une meilleure image auprès du consommateur. Maintien de la biodiversité agricole, systèmes de production adaptés aux conditions agro-géo-climatiques locales et représentants d’une tradition ou identité régionale, les races locales de porcs ne manquent pas d’attrait dans un contexte de rejet de la production porcine intensive moderne. Pourtant, comme l’a expliqué la chercheuse slovène Marjeta Čandek-Potokar aux 51es journées de la recherche porcine les 5 et 6 février derniers, certaines de ces races sont en danger, et ne sont pas maintenues de manière durable. En outre, les connaissances manquent tant sur les besoins nutritionnels et les potentiels des animaux que sur la qualité des produits obtenus. De ces constats est né le projet de recherche Treasure1. Coordonné par l’Institut d’agriculture de Slovénie, il a réuni 24 partenaires européens de neuf pays avec pour objectif de favoriser le développement et la durabilité des élevages de races locales porcines. Les études suivaient quatre thématiques : la caractérisation phénotypique et génotypique des races locales, l’évaluation de la performance des truies et de leur impact environnemental, l’évaluation de la qualité des produits et la caractérisation des préférences des consommateurs.

Un taux de croissance réduit

Une quinzaine d’essais, dont quelques-uns dans des conditions expérimentales, associés à une revue des données de la littérature, ont permis d’évaluer la performance des races locales. L’idée sous-jacente étant de pouvoir évaluer leurs besoins nutritionnels et d’optimiser la production. Mais comme l’a rappelé la conférencière, ces résultats ne doivent pour autant pas occulter le fait que l’objectif du projet n’est pas d’améliorer la croissance, mais bien « d’optimiser et de préserver les différences existantes. » Malgré une période de lactation plus longue, ces races ont un taux de croissance en lactation en général légèrement plus faible que pour les races modernes élevées en système intensif (GMQ global = 205 g/jour, 101-363). En post-sevrage, le GMQ global est également légèrement inférieure à celle des races modernes et ibériques (354 g/j), mais les valeurs maximales observées (165-555 g/j) reflètent leur potentiel de croissance et l’amélioration possible des performances. En engraissement, le GMQ est également plus faible, et très hétérogène en inter et intra-race, en lien avec des différences dans les conduites d’élevage et les niveaux d’apports alimentaires. De plus, il est apparu que les races locales avaient une capacité d’ingestion relativement élevée.

Des voies d’amélioration possibles

Plusieurs études ont permis de mettre en évidence des potentielles marges de progrès. Pour exemple, l’analyse multicritère des facteurs de durabilité de la filière AOP Noir de Bigorre a montré que la réduction du gaspillage alimentaire et l’accès favorisé aux abreuvoirs en plein air sont deux paramètres pour améliorer la situation des élevages ayant la plus faible durabilité. Une autre étude sur le porc gascon a révélé que si la saison influence peu la performance, elle impacte de nombreux caractères de qualité de la viande. Une finition au printemps et à l’automne est plus favorable à la bonne qualité des produits. En outre, le pâturage au printemps augmente les teneurs en acides gras polyinsaturés n-3 dans les tissus musculaires et adipeux, essentiels pour la qualité nutritionnelle de la viande. Ces résultats varient cependant suivant l’élevage étudié reflétant l’influence des pratiques sur les animaux et les produits. Un travail sur l’information aux consommateurs permettrait aussi d’améliorer le potentiel de développement des filières locales. « Un des buts importants du projet était de permettre le développement de marques commerciales, ce qui nous a amené à étudier des stratégies marketing », a souligné Marjeta Čandek-Potokar. Pour exemple, une analyse des attentes des consommateurs menée à Toulouse sur 124 personnes ayant l’habitude de manger régulièrement du jambon sec de haute qualité. Trois produits issus de porcs locaux ont été testés, avec une étiquette plus ou moins précise. Si la dégustation en aveugle ne relève pas de différence, un étiquetage plus précis change la donne. Les jambons accompagnés d’une information complète sur les pratiques d’élevage et d’affinage sont plus appréciés.

1 treasure.kis.si

DEUX QUESTIONS À MARIE-JOSÉ MERCAT, INGÉNIEURE À L’IFIP-INSTITUT DU PORC, QUI A PARTICIPÉ AU PROJET


• Que retenir du projet ?
Le projet donne une vision globale des caractéristiques des races locales, de leurs filières de production et des attentes des consommateurs. Les produits issus de races locales sont reconnus pour leur qualité, ce qui a été confirmé dans les différentes études. Néanmoins, une sélection sur la qualité de viande est possible. Cela suppose de recueillir des mesures de façon régulière et standardisée. C’est dans cet objectif qu’une base de données et un site web dédiés aux caractères de croissance, de carcasse et de qualité de viande ont été développés.


• L’aspect sanitaire a-t-il été étudié ?
Non, le projet était axé sur l’aspect développement des filières. Malgré tout, il est certain que le contexte sanitaire actuel préoccupe ces filières de production plein air qui œuvrent pour protéger leurs élevages.