DÉVELOPPEMENT PERSONNEL
ÉCO GESTION
Auteur(s) : ANNE-CLAIRE GAGNON
La nouvelle action &Me de Mind Matters, initiative pluridisciplinaire des professionnels de santé au Royaume-Uni, qui s’étend à la profession vétérinaire, est un appel à s’exprimer, notamment sur les maladies mentales. Trois professionnels ont témoigné de leurs souffrance.
Dire les choses, celles qu’on cache, dont on a honte, que le regard des autres peut stigmatiser, notamment les maladies mentales, voilà le but de la nouvelle action &Me de Mind Matters (encadré). En cette matinée du 7 avril 2018 à Birmingham (Royaume-Uni), au congrès de la British Small Animal Veterinary Association (BSAVA), l’étonnement, l’émotion, la compassion et l’attention ont été grandes. Car, successivement, une ancienne présidente de la British Veterinary Association (BVA), un confrère militaire, une psychiatre et une femme médecin sont venus chacun témoigner du jour où ils se sont écroulés, et des traitements qu’ils ont pris et suivent encore.
Nicky est vétérinaire et a raconté comment en 2000, alors que tout lui semblait génial, un dimanche, elle s’est dit : « Demain, je ne vais pas retourner travailler. » Son généraliste, qui la connaît bien, a suggéré qu’il était temps qu’elle accepte de voir un spécialiste, pour ce quatrième épisode de mal-être. Elle a pleuré, mais est retournée travailler, puis a craqué de nouveau tout en refusant l’arrêt de travail proposé par son médecin. Elle a alors attaqué les antidépresseurs et serré les dents. Le soutien de son mari a été déterminant, jamais dans l’injonction.
« Le pire, a-t-elle dit, c’était de se sentir coupable d’aller si mal alors que tout allait bien. » Elle a donc continué à assumer ses responsabilités, tout en sachant qu’à l’intérieur d’elle quelque chose s’était cassé. « La sérotonine a été un merveilleux sparadrap. » Quand son association a fusionné avec une autre voilà cinq ans, elle a participé à la restructuration de l’activité jusqu’au moment où le niveau de responsabilité l’a à nouveau plongée dans ce mal de vivre indéfinissable. Aujourd’hui, elle prend toujours ses médicaments, a peur de la retraite, d’arrêter d’exercer, mais elle témoigne pour alterter sur la situation de ces collègues qui vont trop bien et peuvent s’écrouler sans crier gare. « Parlez, demandez de l’aide. La santé mentale, ce n’est pas aussi simple qu’une prise de sang, un diagnostic, avec une solution pour le problème. »
Rob est un confrère orthopédiste, qui a travaillé pour la Royal Army. Un matin il n’a pas pu se lever. Il est resté cloué dans son lit six heures durant, en état de panique. En tant que militaire, reconnaître une maladie mentale, c’était un aveu d’échec. Il s’en est sorti grâce à un médecin, à une psychologue et à son réseau professionnel et amical. Il a compris qu’être perfectionniste n’était pas compatible avec sa charge de travail ni son métier, qu’il ne pouvait pas sauver tout le monde. Après huit semaines d’arrêt de travail, il a pu admettre combien son travail était stressant et se réorienter. Il est aujourd’hui un enseignant vétérinaire heureux, qui encourage les autres à parler.
Louise est médecin, a travaillé 20 ans en milieu associatif, et sait à quel point les docteurs comme elles font de la résistance. « Les médecins (et les soignants en général) sont de mauvais patients. » Et ne sont pas traités par les leurs avec l’humanité témoignée aux “vrais” patients. Son premier épisode dépressif lui a coûté son poste. Deux épisodes et un deuil plus tard, elle est toujours médecin, grâce à son médecin généraliste et à son mari. « Si je reste dans ce domaine, c’est parce que j’y suis passée et que c’est essentiel de faire des campagnes de communication pour témoigner qu’une vraie vie est possible après. » Angelica a fait un premier épisode dépressif en 2003, pendant ses études de psychiatrie, sans chercher d’aide thérapeutique, car on lui avait fait comprendre que ce genre de maladie n’était pas bonne pour le CV ni la carrière… Une année après (ce qui est remarquable comme délai pour cette maladie), elle est diagnostiquée bipolaire par son généraliste. À l’époque, elle est terrifiée par les médicaments, qu’elle a apprivoisés depuis, dit-elle en souriant, et qu’elle prend toujours. Ses collègues sont au courant et sa bipolarité n’a pas été un frein à sa carrière.
Comme la psychiatre américaine Kay Redfield Jamison1, elle appelle à parler, sans honte ni tabou, de sa santé mentale. Un message relayé depuis quelques années par l’Organisation mondiale de la santé, avec une animation baptisée Black Dog
2, le nom que Winston Churchill avait donné à sa dépression.
•
DES INITIATIVES DES DEUX CÔTÉS DE LA MANCHE