DÉBAT
ACTU
Auteur(s) : MICHAELLA IGOHO-MORADEL
Les nouveaux outils numériques abreuvent le marché vétérinaire, les pratiques changent, les chaînes de cliniques se mettent en place et les attentes des jeunes diplômés évoluent. La profession pourra-t-elle s’adapter ? Pour en parler, embarquement avec le laboratoire MSD Santé animale, pour ses rencontres du 11 mars.
Une balade sur l’eau pour anticiper le futur. Le 11 mars, sur un bateau naviguant sur la Seine, le laboratoire MSD Santé animale a souhaité donner la parole à des acteurs clés pour échanger sur l’avenir de la profession vétérinaire, à l’occasion du lancement de son premier e-congrès de la santé animale. La question du recrutement a ouvert le débat. Pour Isabelle Chmitelin, directrice de l’école nationale vétérinaire de Toulouse, l’heure n’est plus au constat, mais aux solutions. « Ce ressenti de pénurie doit être caractérisé pour tenter de l’objectiver », a-t-elle indiqué. Les écoles vétérinaires travaillent en étroite collaboration avec le Syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral (SNVEL) et le Conseil national de l’Ordre des vétérinaires (CNOV) pour endiguer le problème. Une étude conduite par le CNOV et confiée à un cabinet d’études tentera de répondre à cette question complexe.
Par ailleurs, des travaux de recherche sont menés au sein des écoles, notamment une thèse qui s’intéresse aux processus de recrutement dans les entreprises vétérinaires et les difficultés qu’elles rencontrent. Des solutions concrètes ont également été apportées, telles que l’augmentation significative du numerus clausus. « Nous passons à des promotions de 160 étudiants », souligne Isabelle Chmitelin. Autre solution qui fait débat : l’intégration d’un oral de motivation lors du concours d’entrée en école vétérinaire. « Il s’agit de savoir si les candidats n’ont pas une vision “télévisuelle” du métier de vétérinaire. » Les stages en cours de scolarité sont également une voie privilégiée par les écoles. « L’augmentation du nombre de diplômés doit être regardée à la lumière de ce que doivent faire les vétérinaires de demain », précise-t-elle, avant d’ajouter qu’il est nécessaire de revoir la rémunération des jeunes diplômés « qui sont actuellement moins payés que les ingénieurs agronomes qui ont fait deux ans d’études de moins. »
Pour Éric Lejeau, vice-président du SNVEL, la problématique du recrutement révèle aussi un changement du rapport au travail. Selon lui, les jeunes diplômés sont en quête d’un équilibre entre vie privée et vie professionnelle : « Il faut que nous soyons capables, dans nos structures, de tenir compte de ces changements si l’on veut intéresser les talents de demain. » L’organisation des tâches devra progressivement être revue et passera certainement par une délégation des actes à d’autres membres de l’équipe. « La délégation de soins fait partie des solutions envisagées pour que le vétérinaire se recentre sur son cœur de métier. » Face au développement du numérique, le vétérinaire de demain sera aussi confronté à un changement de paradigme dans sa façon d’exercer son métier. Pour le représentant du SNVEL, cette évolution ne devrait pas être une source d’inquiétude pour la profession. « C’est un fait, le vétérinaire va devoir s’adapter. Mais il ne semble pas en avoir pris conscience », souligne-t-il. La profession doit être accompagnée dans ce changement. « Il est indispensable d’être au cœur de la donnée et d’en disposer. Dans la révolution numérique, les données récupérées vont être nécessaires pour que le vétérinaire mise sur la prévention plutôt que sur le soin et l’aspect curatif. »
Du côté des industriels aussi, il est rappelé que le praticien doit prendre toute sa place dans ce débat autour du numérique. «
L’animal est maintenant communicant. Or, il y a 50
ans, le vétérinaire était le seul à pouvoir le faire parler. Ces nouvelles technologies viennent élargir le circuit d’informations. Le vétérinaire doit démontrer sa valeur ajoutée
», indique Jean-Louis Hunault, président du Syndicat de l’industrie du médicament et réactif vétérinaires (SIMV). Cette évolution permettra sans aucun doute au vétérinaire de confirmer son virage vers la prévention. «
L’industrie est là pour l’accompagner. C’est un enjeu de monter en gamme
», ajoute-t-il. Cette volonté est partagée par MSD Santé animale. Pour son directeur général, Loïc Jegou, ce changement est déjà entamé. «
MSD y croit tellement que nous comptons investir 3
milliards de dollars pour incorporer une compétence qu’on puisse apporter au monde vétérinaire, afin qu’il accède à un certain nombre de données d’animaux connectés
», annonce-t-il. En outre, la formation continue des praticiens ne devrait pas se limiter aux éléments techniques, mais aussi incorporer des enseignements sur l’utilisation des données issues de l’intelligence artificielle.
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FAUT-IL AVOIR PEUR DE L’“UBÉRISATION” ?