CONGRÈS
PRATIQUE MIXTE
L'ACTU
Auteur(s) : TANIT HALFON
Lors des 13 es journées de la recherche avicole et palmipèdes à foie gras, la compréhension des attentes des consommateurs et des pratiques des éleveurs est apparue comme un préalable essentiel pour l’avenir des filières.
Aux 13es journées de la recherche avicole et palmipèdes à foie gras, les enjeux des filières ont été fortement abordés sous l’angle des sciences humaines et sociales. Pourquoi ? Car l’étude des facteurs humains semble être un bon moyen pour aider l’élevage à évoluer dans la bonne direction. Actuellement, l’élevage est controversé. « La controverse est un conflit public, avec deux parties qui s’affrontent et un public juge. Elle se structure autour d’incertitudes, qui favorisent l’émergence de points de vue différents », a expliqué Elsa Delanoue, agronome et sociologue pour les trois instituts techniques des filières animales. Dans le cadre du projet de recherche Accept, mené entre 2014 et 2018, quatre grandes sources d’incertitude ont été identifiées : impact environnemental, bien-être animal, aspect sanitaire et modes de production. De plus, une enquête a permis de caractériser cinq profils types de citoyens, avec un groupe majoritaire et représentant la moitié de l’échantillon défini comme « progressiste ». « Ils ont envie de continuer à consommer des produits animaux, mais ont besoin d’être rassurés sur les pratiques d’élevage qu’ils ne connaissent pas. » De plus, « le système intensif et le logement des animaux étaient systématiquement abordés lors de nos enquêtes. C’est donc sur ces deux points que l’élevage doit réfléchir ».
Pour François Attali, directeur commercial et marketing de Terrena, les controverses qui traversent l’élevage s’inscrivent dans un contexte social plus global. Entre les problématiques environnementales, sanitaires (hausse des cancers, des maladies immunitaires, etc.) et les fractures sociales, culturelles et économiques qui « entretiennent une partie des controverses », le monde actuel est devenu fortement « anxiogène ». S’ajoute à cela une crise globale de la confiance. « Pour moi, c’est une crise de la représentation, dont un des moteurs est le décalage entre ce qu’on dit et ce qu’on fait. » Dans le secteur agroalimentaire, il s’agit des images enjolivées du marketing qui brouillent la réalité. « On triche, et après il est facile pour d’autres acteurs de pointer du doigt ce décalage. » De plus, pour lui, les revendications en matière de bien-être animal ne sont qu’une « projection du mal-être humain », dont le secteur de l’élevage doit tenir compte pour bien préparer sa réponse. Justement, comment répondre ? « Pas de façon exclusivement technique, pas en cachant, ni en étant agressif. Il faut travailler ensemble dans le respect de la réalité, en premier lieu économique, et rendre le consommateur acteur. » En d’autres termes, sortir de « l’opposition stérile entre la réalité économique et l’imaginaire d’une nature idéalisée ».
Faire évoluer les filières d’élevage implique aussi de connaître ses acteurs, notamment les éleveurs. Parmi les points d’intérêt, celui de l’usage des antibiotiques a été présenté par Mathilde Paul, maître de conférences en épidémiologie et gestion de la santé des élevages avicoles et porcins à l’École nationale vétérinaire de Toulouse. Comme elle l’a rappelé, plusieurs facteurs interviennent dans le recours aux antibiotiques en élevage, tels que la réglementation, les facteurs économiques ou encore humains, dont les traits de personnalité et les connaissances. Même si, pour les filières avicoles, les études sont encore peu nombreuses, la conférencière a cité plusieurs leviers d’action possible. «
Pour accepter de prendre des risques et changer les usages, il faut se sentir capable de le faire, a-t-elle souligné. Il faut aussi savoir que les alternatives sont disponibles, facile à mettre en œuvre et être convaincu de leur efficacité. Enfin, cela dépend des succès et des échecs des expériences passées.
» L’éleveur n’est pas le seul acteur à appréhender. «
Un autre acteur central est le vétérinaire, et des études montrent que les facteurs qui influencent la prescription sont les mêmes qu’en médecine humaine
», par exemple, l’attente des éleveurs. Pour autant, l’approche individuelle a ses limites, en témoigne des études en santé humaine qui indiquent que la surprescription est liée à l’organisation des systèmes de santé. Ainsi, la «
sociologie de l’organisation
» ne doit pas être négligée. Sans oublier l’impact potentiel des normes privées (cahiers des charges) sur les pratiques. Au final, même si l’implication de l’ensemble des acteurs dans les stratégies de réduction des antibiotiques apparaît essentielle, le premier levier majeur reste de l’ordre financier.
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L’ÉLEVEUR EST AU CŒUR DU BIEN-ÊTRE ANIMAL