Retraites : un régime unique ne répond pas aux besoins des libéraux - La Semaine Vétérinaire n° 1802 du 15/03/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1802 du 15/03/2019

PROFESSION

ACTU

Auteur(s) : JEAN-PAUL DELHOM 

L’union fait la force : les caisses de retraite des libéraux, dont celle des vétérinaires, s’unissent, avec la création de Pro’action retraite, pour préserver leur régime spécifique face au débat sur la mise en place d’un régime universel des retraites. Ce projet gouvernemental, système unique et uniforme, n’est en effet pas adapté.

Le président Emmanuel Macron a promis, dans son programme, une refonte des différents régimes de retraite par la création d’un système universel avec un même calcul des pensions pour tous. Une perspective qui ne répond pas aux spécificités des professions libérales, comme l’exprime Pro’action retraite, qui vient d’élaborer un livre blanc.

La faiblesse de la consultation du haut-commissaire à la réforme des retraites, Jean-Paul Delevoye, le sentiment d’un scénario préétabli et une volonté de passer en force ont décidé cinq caisses de retraite (notaires, pharmaciens, dentistes, vétérinaires et experts-comptables) à se rapprocher pour mettre en commun leur expertise, leur savoir-faire et leurs relations privilégiées avec leurs affiliés. L’association Pro’action retraite a été créée en juillet 2018, bien décidée à se battre pour que les spécificités des indépendants et des libéraux soient prises en compte dans le futur régime.

Sa présidente, Béatrice Créneau-Jabaud, par ailleurs à la tête de la Caisse de prévoyance et de retraite des notaires, a expliqué le 14 mars, en conférence de presse à Paris, les différents points dont il faut tenir compte dans le débat actuel.

Des spécificités propres à certaines professions

« Nous voulons que notre liberté d’entreprendre au service de nos concitoyens soit reconnue comme une spécificité. » Ainsi, en début de carrière, la priorité est d’investir dans l’outil de travail. La liberté de choix des professionnels indépendants et des libéraux (temps de travail, départ à la retraite, organisation), la capacité d’investir dans son activité professionnelle en même temps que dans sa protection sociale sont des attentes fortes : un alignement des cotisations se traduirait par une augmentation significative pour de nombreux professionnels libéraux, qui n’auraient plus de marge de manœuvre.

Cette réforme doit conserver le même niveau de confiance des affiliés dans la pérennité de leur retraite ; toute atteinte aux réserves constituées au fil des années l’altérerait. Les affiliés ne comprendraient pas et n’accepteraient pas que ces réserves soient mutualisées au profit de professions qui n’ont pas fait les mêmes efforts. En effet, ces régimes ont su s’adapter, évoluer, anticiper avec la mise en place d’un système par points.

D’autre part, la solidarité interprofessionnelle doit être juste. Les libéraux et les indépendants demandent en moyenne la liquidation de leur retraite vers 67 ans et ne souhaitent pas contribuer sans contrepartie au financement de pensions servies à des personnes parties à la retraite à 57 ans, hors situation de pénibilité, n’ayant pas fait le même effort qu’eux.

L’affectation des réserves prudentielles constituées par certains et pas par d’autres peut conduire à s’interroger sur l’équité d’un mécanisme de transfert de ressources et de charges pendant des décennies au regard du poids de droits passés.

à cet égard, l’expérience des pays européens qui ont mis en place un régime universel doit être exploitée. L’universalité ne signifie pas unicité ni uniformité et il faudra tenir compte des particularités et des spécificités propres à certaines professions.

Dans le programme présidentiel, il est question de renforcer les solidarités, l’équité du système, d’apporter la garantie d’une visibilité de leur droit futur et de renforcer la confiance en tous.

Une réflexion qui repose sur les résultats d’un livre blanc

Aujourd’hui, Pro’action retraite regroupe six caisses dont les fondateurs sont élus démocratiquement. Il s’agit d’un groupe de réflexion reposant sur les résultats d’un livre blanc à la suite d’une enquête menée du 26 septembre au 6 novembre 2018 (encadré et infographies).

Pour faire entendre tous ces arguments et peser dans le débat, ce document sera remis le 17 avril prochain au gouvernement, à Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé, ainsi qu’à Jean-Paul Delevoye, avec un scénario opposable construit à la suite des différents débats avec les partis prenantes et les experts.

La volonté de Pro’action retraite est « d’imaginer l’avenir ensemble, de contribuer activement à la réforme par un apport structuré, ouvert, légitime et engagé. »

L’ENQUÊTE DE PRO’ACTION RETRAITE

Notre confrère Gilles Désert, président de la Caisse autonome de retraite et de prévoyance des vétérinaires (CARPV), et Claude Jaquet, président honoraire de la Caisse de prévoyance et de retraites des notaires (CPRN) et conseiller auprès de la présidente de Pro’action retraite, ont présenté les résultats du livre blanc, d’après l’enquête réalisée du 26 septembre au 6 novembre 2018. Le taux de participation de 29,28 % (47 977 réponses) montre l’intérêt des affiliés pour ce sujet.
Une grande majorité ne pense pas qu’un régime unique puisse répondre aux besoins des libéraux.
À 89 %, les affiliés estiment que le futur régime doit préserver les spécificités du régime professionnel de retraite (gestion par points, grande souplesse dans la modulation de l’âge de départ à la retraite, système de réversion avec option, cumul emploi/retraite adapté).
Les professionnels interrogés apprécient que ces régimes soient gérés par leurs pairs.
Ils sont fortement attachés à la préservation des réserves prudentielles constituées par le régime et, à 80 %, ne souhaitent pas qu’elles soient mutualisées dans un régime unique.
Une majorité considère qu’une partie des cotisations pourraient être capitalisée pour compléter les pensions de retraite.