La rémunération ne paye plus ! - La Semaine Vétérinaire n° 1803 du 23/03/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1803 du 23/03/2019

FINANCES

ÉCO GESTION

Auteur(s) : FRANÇOISE SIGOT  

Le cabinet Hays, spécialiste du recrutement, vient de publier son enquête annuelle sur les tendances du marché de l’emploi. Avec un enseignement à la clé : la rémunération n’est plus le premier moteur pour changer d’emploi.

Réalisée auprès de plus de 5 000 candidats et clients, l’enquête annuelle du marché du recrutement du cabinet Hays livre les dernières tendances sur les attentes des candidats. Et même si cette étude privilégie les retours d’expériences des cadres de grandes entreprises et d’entreprises de taille intermédiaire, le secteur vétérinaire, où les ressources humaines sont de plus en plus rares et les talents bien difficiles à satisfaire, ne peut en rien les ignorer. Ainsi, un enseignement majeur se dessine, plutôt se confirme à l’analyse de cette étude : le salaire n’est plus l’argument décisif pour les candidats à l’embauche. Et ce, qu’ils recherchent un premier emploi ou qu’ils souhaitent changer de poste. « C’est un réel changement. L’intérêt du poste proposé et la qualité de vie sont dés ormais une priorité », notent les auteurs de cette étude. Pourtant, selon les entreprises qui ont répondu à l’enquête, les rémunérations sont en progression, puisque 90 % d’entre elles ont déclaré avoir augmenté leurs collaborateurs sur l’année dernière. Un paradoxe ? Peut-être pas, car même si la qualité de vie au travail prime, les candidats ne sont pas prêts à totalement sacrifier leur niveau de vie.

La qualité de vie au travail devient le graal

Si l’on veut trouver des collaborateurs, il faut donc désormais manier une savante alchimie composée d’un niveau de salaire attractif et d’un environnement de travail encore plus attractif, la fameuse qualité de vie au travail (QVT). « La QVT représente une opportunité stratégique pour les entreprises. L’engagement des salariés d’une entreprise dans leur travail est à l’origine de gains de performance, d’innovation, et donc d’avantages concurrentiels », relève Christophe Dulhoste, manager chezHays Executive. Selon les auteurs de l’étude, les entreprises ont tout intérêt à investir sur la qualité de vie au travail, car elle a un réel impact positif sur les performances des collaborateurs et, au final, sur la satisfaction des clients. « D’un point de vue social, le challenge est de développer du lien entre les salariés et d’instaurer un climat de confiance entre les différents membres de l’entreprise », résume le manager de Hays Executive. Reste que pour beaucoup, la notion de QVT n’est pas toujours facile à cerner. D’autant qu’elle peut s’interpréter différemment suivant les profils des collaborateurs. Le cabinet Hays parvient toutefois à dresser les bases à mettre en place pour s’orienter vers une bonne qualité de vie au travail. « Un des premiers fondements est le contenu du travail lui-même avec l’autonomie, le degré de responsabilité et la variété des tâches du salarié qui en découlent. La notion de partage, de création de valeur et le développement professionnel sont le deuxième focus d’une stratégie QVT à long terme. Les relations sociales et de travail sont également des variables sur lesquelles les dirigeants doivent travailler. La reconnaissance envers les salariés, les techniques de management employées, le dialogue social et les relations avec les collègues sont des paramètres clés dans lesquels ils doivent inscrire leur société », estime Christophe Dulhoste. Enfin, le spécialiste du recrutement note également une forte montée en puissance du sens. « Les gens veulent travailler pour des entreprises engagées et responsables qui respectent l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle », explique-t-il.

La rémunération est néanmoins prise en compte

Décidés à privilégier un environnement de travail attractif, les candidats à l’embauche et ceux qui sont en poste ne sont quand même pas totalement détachés de la rémunération. Ainsi, si 53 % d’entre eux (les plus nombreux) placent l’intérêt du poste comme la première motivation pour changer d’emploi, le salaire arrive juste derrière avec 44 % de répondants recherchant une rémunération plus attractive. Presque autant que ceux qui sont en quête de perspectives d’évolution (41 %). Près de 60 % des salariés privilégieraient la mobilité interne s’ils le pouvaient. Les principales raisons invoquées sont le fait de bien connaître l’entreprise, d’acquérir de nouvelles compétences ou encore de conserver les avantages liés à l’ancienneté. La mobilité externe, quant à elle, permet de découvrir un nouvel environnement et de développer de nouvelles compétences, relève l’étude de Hays. L’herbe n’est donc plus forcément plus verte ailleurs, l’important est que l’organisation au sein de laquelle on travaille soit capable de conjuguer salaire et qualité de vie attractifs. Presque un passage obligé d’ailleurs, si l’on en croit Christophe Dulhoste. « Cette approche centrée sur l’être humain définit le nouveau modèle des sociétés qui arriveront à attirer et à retenir les meilleurs talents. Et ce, d’autant plus dans les marchés de l’emploi sous tension », explique-t-il. Sans peut être aller jusqu’à copier les pratiques des start-up et d’un nombre croissant de grandes entreprises qui recrutent des chief happiness officer, un nouveau métier à la frontière entre les ressources humaines et la communication, les cliniques vétérinaires vont donc devoir se mettre au diapason de cette nouvelle donne pour espérer recruter et fidéliser.

TROIS QUESTIONS À  PIERRE-MARIE CADOT 

L’étude de Hays montre que la qualité de vie au travail (QVT) supplante désormais la rémunération. Les cliniques sont-elles conscientes de ces nouveaux enjeux ?
Bien sûr, nous nous trouvons face à un mouvement générationnel qui concerne le monde vétérinaire comme les autres secteurs d’activité. Pour les générations Y et Z, l’attente sociétale est très importante et elle se porte sur la QVT comme sur leur qualité de vie personnelle, d’ailleurs. Ils souhaitent travailler au sein d’équipes soudées, dans une bonne ambiance et selon des horaires adaptés à leurs attentes, pour pouvoir s’organiser comme ils l’entendent.

Certaines cliniques commencent-elles à déployer des actions pour améliorer la QVT ?
De plus en plus de cliniques mettent en place une organisation capable de répondre à ces attentes. L’acuité de ces situations varie en fonction des zones géographiques. Dans certains territoires, cela devient même indispensable de s’adapter à cette nouvelle donne pour pouvoir recruter. À défaut, les cliniques peuvent attendre plusieurs mois avant d’avoir une candidature. Nous n’avons donc plus guère de choix. D’autant plus que l’offre d’emploi est supérieure aux profils disponibles. Ceux qui ignorent encore ce phénomène souffrent donc beaucoup pour recruter.

Les initiatives favorisant la QVT sont-elles payantes, d’après les constats que vous pouvez faire aujourd’hui ?
Il est certain qu’à partir du moment où l’on s’intéresse aux candidats potentiels et donc où l’on adapte son organisation pour coller aux attentes de ces candidats, on optimise véritablement la capacité à recruter. Et ce faisant, il est alors possible de recruter, mais surtout d’avoir le choix entre différents profils.