BIODIVERSITÉ
ACTU
Auteur(s) : CLOTHILDE BARDE
Alors que le gouvernement indiquait en février que le prélèvement de loups serait certainement revu à la hausse en 2019, les préoccupations relatives au prédateur ont nourri les discussions lors de la première édition de la journée de la filière ovine, le 14 mars.
La prédation des troupeaux de moutons par les loups a été une nouvelle fois au centre des discussions des 160 acteurs de la filière ovine réunis lors du premier Grand Angle consacré à la production ovine et organisé par l’Institut de l’élevage (Idele) à Paris, le 14 mars.
En effet, le problème est majeur en France et régulièrement au cœur de l’actualité. Comme l’a indiqué Michel Meuret, directeur de recherche à l’Institut national de la recherche agronomique : « Selon des experts internationaux de la conservation des loups (…), la France détiendrait le record d’Europe du nombre d’animaux prédatés chaque année en élevage » 1, malgré des mesures de protection des troupeaux parmi les plus élaborées sur le continent. Et ce chiffre n’a fait que croître depuis 2008, avec plus 1 030 animaux tués par an en 20182 et un coût global moyen estimé à 80 000 € par an sur les cinq dernières années3.
Or, selon Michel Meuret, ce constat s’explique par la forte dynamique de croissance de la population de loup observée dans le même temps en France. Depuis 1992, les zones de présence permanentes de loups se sont multipliées en France (quelques-unes en 1992 versus 85 zones en 2017-été 2018) et il en est de même pour le nombre d’individus sur le territoire4. « La recolonisation des loups connaît un véritable succès sur l’ensemble du territoire car, en 2018, ce sont 40 départements où la présence de loups a été détectée, atteignant même dans les Alpes une densité de meutes égale à celle du parc de Yellowstone aux États-Unis ! », a-t-il indiqué. Une partie d’entre eux ont migré d’Italie, où ils sont plus fortement braconnés (200 à 300 loups tués par an5), et ils sont adaptés au territoire français.
Pour concilier la préservation de la biodiversité animale et l’agropastoralisme, il conviendrait, selon les résultats d’étude6 présentés par Michel Meuret, d’« instaurer ou de rétablir des relations de réciprocité entre les populations de loups et les élevages afin de maintenir une distance acceptable ». Cette réciprocité implique notamment de tenir les prédateurs éloignés lorsque leur comportement représente une menace (loups situés à proximité des fermes, des villages et/ou des troupeaux domestiques) par l’utilisation de moyens létaux (tir et/ou piégeage) avant, pendant ou juste après une attaque. Selon lui, l’efficacité des mesures de protection et de répulsion non létaux devrait alors s’en trouver améliorée, en raison du rétablissement de la peur des loups à l’égard des humains7.
Or, «
ces mesures de gestion devront être gérées collectivement et à l’échelle des territoires
», a-t-il ajouté. De plus, comme l’a expliqué, le 8 mars, Humberto Delgado Rosa, député européen, les zones de coexistence doivent être conservées, car «
toute approche impliquant des zones exemptes de loups ne serait pas conforme au droit de l’Union s’il existe d’autres mesures qui peuvent être appliquées pour prévenir ou réduire les dommages pour le bétail, ou pour les compenser
». C’est pourquoi le 15 février, le gouvernement français a indiqué, lors d’une réunion du Groupe national loup8, que «
les mesures du PNA 2018-2023
9
devraient évoluer afin de ralentir significativement la croissance de l’espèce, et de diminuer drastiquement la prédation ». «
Le ministère a pris des dispositions très claires pour adapter le niveau des prélèvements, et passer de 10-12
% à 17-19
%
», a confirmé le président Emmanuel Macron, interpellé à ce sujet le 8 mars. Cependant, face aux craintes des associations de protection de l’environnement, le ministre de la Transition écologique et solidaire, François de Rugy, a précisé que cela sera décliné «
avec beaucoup de souplesse, et que, pour chaque département, la réponse sera attachée aux réalités du terrain
». Il a enfin ajouté que le quota de loup à prélever en 2019 passera à 17 % « sous réserve que la population française de loups compte plus de 500
individus pour ne pas remettre en cause la viabilité démographique de l’espèce
».
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1 Linnell et Cretois, 2018.
2 Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal) de la région Auvergne-Rhône-Alpes.
3 Dreal de la région Auvergne Rhône-Alpes et Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS).
4 ONCFS réseau Loup-Lynx.
5 Galaverni et coll., 2015, Hindrikson et coll., 2016, Boitani, 2017.
6 Lescureux, 2007, Lescureux et Linnell, 2010, Lescureux et coll., 2018.
8 Plan national d’action : bit.ly/2HLRGCf.
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