CONFÉRENCE
PRATIQUE CANINE
Formation
Auteur(s) : JULIEN MICHAUT-CASTRILLO
Lors d’une anesthésie générale, le réveil est la phase la plus à risque de complications et représente 47 à 64 % de la mortalité peranesthésique. Les complications doivent être limitées en mettant en place des mesures préventives, comme l’oxygénation, la lutte contre l’hypothermie et l’hypotension, et prises en charge le plus précocement possible grâce à un monitorage adapté1. Cela est d’autant plus vrai pour certains sujets comme les brachycéphales.
Le réveil du système nerveux central
Le réveil anesthésique est parfois plus long qu’attendu. À l’inverse, il peut aussi se produire de manière anormalement rapide et entraîner une agitation, des mouvements mal coordonnés, des vocalisations, jusqu’à de l’agressivité. C’est souvent le cas après l’utilisation de molécules anesthésiques vite éliminées par l’organisme (gaz anesthésiques, sédatifs ou anesthésiques à courte durée de vie ou antagonisés), sur des animaux anxieux en période préanesthésique. La douleur au réveil favorise cet état, de même qu’une envie de déféquer ou d’uriner, ou un bandage mal toléré. Pour prévenir ces “réveils paniques”, une prémédication dans le calme est préconisée, et des conditions de réveil adaptées sont à organiser : réveil au calme en contrôlant les stimuli sonores et visuels, après une vidange vésicale et en oxygénant et réchauffant l’animal. Malgré cela, si l’animal s’agite de manière excessive, une contention chimique est à privilégier à la contention physique. Une très faible dose de l’α-2-agoniste utilisé en prémédication (1/10e de la dose) peut être utilisée, de même qu’un hypnotique à courte durée d’action comme le propofol, en s’assurant que la gestion analgésique soit adaptée.
Le réveil de la fonction respiratoire
La rémanence des molécules anesthésiques entraîne souvent une hypoventilation qui persiste au réveil, résultat d’une diminution de l’amplitude et de la fréquence respiratoires. Un monitorage de la fonction respiratoire et de l’oxygénation pendant le réveil de l’animal est donc indispensable. Une oxygénation lors du réveil au masque, à l’aide d’une sonde nasale, en cage ou en flow-by est à mettre en place immédiatement, et en préventif sur les animaux à risque comme les brachycéphales ou les chats sujets au laryngospasme. De plus, les échanges gazeux sont favorisés par un retour en position sternale et en étendant le cou de l’animal. En cas d’obstruction des voies respiratoires supérieures, la réintubation doit être rapide (si ce n’est pas possible, une trachéostomie provisoire doit pouvoir être réalisée sans attendre).
Le réveil de la fonction cardiovasculaire
Les effets dépresseurs, notamment cardiovasculaires, des molécules anesthésiques peuvent persister durant le réveil et entraîner des complications majeures, comme une insuffisance prérénale par hypoperfusion rénale, un iléus par hypoperfusion digestive, ou un ralentissement de la cicatrisation par hypoperfusion périphérique. Le monitorage cardiovasculaire au réveil se fait de manière simple par une surveillance de la fréquence cardiaque, de la pression artérielle, de la couleur des muqueuses et du temps de recoloration capillaire. Pour prévenir ces complications, l’utilisation de l’antagoniste des molécules cardiodépressive (comme l’atipamézole pour la médétomidine) peut être envisagée. Maintenir la fluidothérapie en postopératoire permet également de réduire les risques d’hypoperfusion par hypotension et hypovolémie.
Le réveil du métabolisme
L’hypothermie est la complication anesthésique la plus fréquente, favorisée par une faible taille de l’animal. Cela entraîne notamment une augmentation de la consommation de l’oxygène, une vasoconstriction périphérique, une diminution de l’efficacité des systèmes enzymatiques et immunitaires. Il est donc important de lutter contre l’hypothermie, ce qui est possible de manière préventive. L’utilisation d’un tapis chauffant, de bouillotes, d’un réchauffeur de fluide ou d’une soufflerie d’air chaud est à systématiser, en particulier chez les animaux de petite taille. L’hypoglycémie est à contrôler si le réveil tarde, en particulier chez les sujets à risque (pédiatriques, diabétiques et polytraumatisés).
Le syndrome brachycéphale, caractéristique des races brachycéphales, est un ensemble de malformations ORL (allongement et épaississement du palais mou, sténose des narines), souvent associées à d’autres anomalies respiratoires, cardiovasculaires et digestives, qui prédisposent ces individus à des complications anesthésiques.
Un risque anesthésique augmenté
Le risque anesthésique est plus important chez les chiens brachycéphales du fait d’un ensemble d’éléments anatomiques primaires (hyperplasie du palais mou, sténose nasale, macroglossie, hypoplasie trachéale) et secondaires (inflammation de la muqueuse oropharyngée, éversion des ventricules laryngés, collapsus laryngé) limitant le passage de l’air spontané, en particulier de l’induction au réveil, et favorisant l’hyperthermie. De plus, une atteinte pulmonaire et cardiovasculaire secondaire est fréquente. Les précautions peranesthésiques sont donc indispensables face à ce risque, surtout si associé à des troubles digestifs (régurgitation, vomissement, reflux gastro-œsophagien), à un tonus vagal augmenté et à un état de stress. Une prémédication (acépromazine, dexmédétomidine, glycopyrrolate, butorphanol) limite le stress et permet une préoxygénation efficace. L’intubation doit être systématique et l’extubation la plus tardive possible.
Obstruction des voies respiratoires en période postopératoire
Il s’agit de la première complication postopératoire. Les causes sont multiples : inflammation consécutive à la chirurgie (palatoplastie), déhiscence de plaie, collapsus laryngé, glaires. Un simple clapping peu permettre de décoller les sécrétions. Des corticostéroïdes peuvent être administrés, associés à une oxygénation nasotrachéale et à une perfusion de butorphanol et de dexmédétomidine pour limiter le stress. En cas de détresse respiratoire obstructive, l’animal doit être de nouveau induit afin de trouver la cause et la traiter. Pour prévenir ces risques, le geste chirurgical doit être le moins inflammatoire possible et l’extubation tardive.
Bronchopneumonie
Le risque de bronchopneumonie par aspiration est accru en cas de troubles digestifs et d’anomalie radiographique thoracique préopératoire. Il doit être suspecté lors de vomissement et de régurgitation associés à de la toux, à un abattement, à une hyperthermie. L’auscultation respiratoire révèle des craquements et des sifflements en zone ventro-craniale le plus souvent. Une hépatisation du parenchyme pulmonaire peut être visible radiographiquement. Le traitement consiste en une oxygénothérapie, une fluidothérapie contrôlée, ainsi qu’en l’administration d’un traitement antibiotique large spectre, de corticoïdes et de bronchodilatateur. Une aspiration trachéale peut être réalisée si la régurgitation est récente. Afin de réduire le risque de bronchopneumonie, une mise a jeun de 24 heures est conseillée (sauf chez les chiots), ainsi qu’un traitement médical préventif des troubles digestifs : anti-émétique (maropitant), prokinétique (métoclopramide), anti-acide (oméprazole), pansement digestif (phosphate d’aluminium). Une endoscopie digestive haute préopératoire peut être proposée pour adapter au mieux le traitement.
Ces deux périodes peuvent être à risque pour le personnel vétérinaire. Une habituation dès le plus jeune âge de l’animal peut permettre de limiter les risques.
Plusieurs profils d’animaux difficiles
Parmi les chiens et les chats hospitalisés, certains, de part leur comportement, sont plus difficiles à prendre en charge. Ils peuvent être classés en plusieurs catégories pour pouvoir ensuite mieux les gérer. Le “peureux inhibé” reste au fond de sa cage en bavant et en urinant sous lui. Attention, car il peut avoir un comportement agressif s’il se sent lui-même agressé. La catégorie “agité” regroupe les chiens et les chats atteints du syndrome hypersensibilité-hyperactivité (HSHA), qui souffrent d’un déficit d’autocontrôles, mais aussi les chiens phobiques ou anxieux qu’il est important de différencier. Le “bruyant”peut être un animal qui ne supporte aucune contrainte, ou un HSHA hyperstimulé. Enfin, l’“agressif” réagit par peur ou par irritation.
En hospitalisation
Il est recommandé d’administrer un anxiolytique ou une molécule à visée anxiolytique (phéromones, phytothérapie) avant l’hospitalisation à l’“agité” pour le calmer. Face à l’“agressif”, il est conseillé de détourner le regard et de proposer de la nourriture ou la laisse en se plaçant de trois quarts pour ne pas qu’il se sente pris au piège et en faisant des gestes lents. L’acépromazine produit un effet variable et peut désinhiber l’animal. L’azapérone, dont l’autorisation de mise sur le marché est destinée au porc avec une administration intraveineuse, peut être administrée par voie orale à 4 mg/kg (1 ml/10 kg) et permettre d’avoir une sédation en 5 à 10 min si l’animal est calme. Le goût est cependant très amer. Il est préférable d’anesthésier le chat “agressif” directement dans une boîte à induction sans prémédication préalable pour limiter les contraintes. Il est conseillé de ne jamais se battre avec un chat qui n’apprendra jamais à obéir mais à agresser plus rapidement la fois suivante !
Au réveil
Parfois, les difficultés commencent au réveil avec une phase d’excitation anormale. Il est rapporté que la kétamine utilisée comme inducteur sur un animal excité peut entraîner au réveil une hyperesthésie, une photophobie, des hallucinations et une anxiété se traduisant par des agressions par peur. La xylazine provoque parfois un comportement agressif chez le chien. Un “délire morphinique” est décrit chez le chat en cas de surdosage de morphine.
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1 Voir La Semaine Vétérinaire n° 1795 du 8/2/2019, page 20.