PROFESSION
ACTU
Auteur(s) : FRÉDÉRIC THUAL
Décidément, 2019 sera l’année du bouleversement du paysage vétérinaire français. Quelques semaines seulement après l’arrivée du réseau suédois Anicura, c’est au tour du groupe britannique Independent Vetcare-Evidensia de poser le pied en France.
ÀVilleneuve-d’Ascq (Nord), le centre de cancérologie vétérinaire Oncovet et du plateau technique VetoTech (de radiothérapie, notamment) viennent de succomber à la tentation. « Nous sommes une structure de référé pure », explique François Serres, l’un des trois vétérinaires actionnaires de la clinique Oncovet, spécialisée en cancérologie vétérinaire, créée en l’an 2000. Soumise à de lourds investissements, la clinique s’est adossée, en 2016, à des investisseurs privés pour créer VetoTech, le premier plateau technique anti-cancer vétérinaire partagé, équipé d’un scanner, d’un accélérateur de particules, capable d’effectuer des opérations de brachythérapie, d’iodothérapie, de scintigraphie… « Pour les plus gros équipements, ce sont des investissements de l’ordre de 300 000 à 400 000 € . Ce qui représente des frais fixes énormes », résume le dirigeant d’Oncovet, où sont employées 25 personnes, dont neuf vétérinaires. « On recherchait un groupe qui puisse prendre en charge ces investissements », explique-t-il.
Approché par plusieurs groupements français et étrangers, dont le réseau suédois Anicura depuis trois à quatre ans, Oncovet a choisi, en juin 2018, de convoler avec Independent Vetcare (IVC) Group-Evidensia. Les noces ont été officialisées le 1er janvier. Le groupe britannique reprenant 49 % du capital d’Oncovet et 100 % de VetoTech. « Nous avons choisi la solution qui nous semblait la plus favorable. Leurs conditions de rachat étaient plus avantageuses. Les engagements pris en matière de développement aussi. Au regard de notre activité, le réseau d’Evidensia était mieux implanté en Belgique, d’où provient 40 % de notre patientèle. De plus, Anicura dispose d’un réseau de cliniques importantes où nous aurions été une grande parmi d’autres. Chez Evidensia, nous sommes la seule structure de spécialistes et allons faire figure de navire amiral. En ce sens, ils nous chouchoutent, reconnaît François Serres. Ils vont nous épauler, nous décharger de la comptabilité, de la communication… tout ce que l’on ne sait pas bien faire ou que l’on n’a pas le temps de faire. C’est un confort indiscutable. »
Après un audit où IVC a conseillé d’instaurer un règlement intérieur, d’investir dans du matériel pour assurer un nettoyage plus poussé des locaux, de changer les tenues dépareillées ou de modifier le site internet pour se protéger des failles de sécurité, Oncovet et IVC sont tombés d’accord sur un business model et un plan d’investissement. « “Vous avez besoin de quoi pour travailler mieux et atteindre vos objectifs”, nous ont-ils demandé, se rappelle François Serres. Nous avons ainsi pu recruter les deux
Asv
qui nous manquaient, notamment pour assurer les gardes de nuit le week-end.
» D’ici à la fin de l’année, un ou deux vétérinaires supplémentaires devraient être embauchés. « Ce qui a changé, c’est que nous n’avons plus besoin d’attendre d’avoir la trésorerie pour lancer nos actions. Nous avons pu acquérir du matériel à des tarifs plus avantageux
», observe-t-il. Les protocoles de soins n’auraient, en revanche, pas changé. Le personnel non plus. Et Oncovet, qui a su se tailler une certaine notoriété, conserve son nom. D’ici à la fin de l’année, la clinique devrait finalement fusionner avec le plateau technique VetoTech et devenir une seule et même entité. «
Le groupe
IVC devrait annoncer une deuxième acquisition en juin prochain », confie Patrick Govart, directeur du développement, en charge de la filiale française du leader européen des groupements de cliniques.
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« NOUS AVONS LA CAPACITÉ D’APPORTER UNE SOLUTION AU MARCHÉ FRANÇAIS »
UN REGARD CROISÉ SUR LES DEUX GRANDS RÉSEAUX VÉTÉRINAIRES EN EUROPE
EVIDENSIA FACE AUX “ANICURIENS”
Face à l’accélération d’Evidensia qui, en trois ans a attiré 65 cliniques, Valedo préfère se retirer. Le fonds suédois EQT entre en scène. Il fusionnera avec le groupe britannique IVC en 2016. « Quand j’ai démarré, nous étions sept vétérinaires, ils sont 40 aujourd’hui. C’est un particularisme suédois. Là-bas, les cliniques sont grandes et le nom d’Evidensia figure sur la façade, contrairement à la Grande-Bretagne et apparemment à la France », explique Christophe Bujon. Très vite, les bénéfices de ces regroupements sont apparus. « On a vu que l’on pouvait acheter plus d’équipements, avoir de meilleurs prix sur les seringues, les compresses, les consommables ou les médicaments. Les cliniques du réseau peuvent s’échanger du personnel, des savoir-faire… Ça a rendu le marché plus intéressant pour les fabricants et les distributeurs, qui ont vu grossir les cliniques. Aujourd’hui, il est plus simple de voir la taille du marché. À l’inverse, certaines personnes n’apprécient pas la mainmise de grandes compagnies financières, craignant que les bénéfices partent dans les paradis fiscaux. Mais, ici, tous les bénéfices sont réinvestis. Le département chirurgie est aussi bien équipé qu’en humaine », assure le chirurgien. Si, pour lui, les professionnels s’appellent toujours pour un conseil, quelle que soit l’enseigne du réseau, il reconnaît que le sentiment de compétition est exacerbé. À chaque groupe, sa personnalité. « Anicura fut la première à avoir recruté un responsable de la qualité. Evidensia a préféré asseoir une marque, avoir une image et être la première dans son domaine. Elle a davantage travaillé sur les comptes en local, Anicura a évolué de façon plus centralisée », observe l’ex-rédacteur en chef.DE PATRON À EMPLOYÉ
« PAS UN “MCDO” VÉTÉRINAIRE »
Méconnu du grand public, Evidensia, arrivée après d’autres grandes chaînes vétérinaires, préfère miser sur la différence. « Quand d’autres entreprises, dans la lignée des grands réseaux d’opticiens, optent pour des publicités à la télé, IVC préfère proposer la visite de ses cliniques et mettre en avant ses labels de qualité. C’est de cette façon que ces structures font leur marketing, ce n’est pas juste une façade. Ils n’essaient pas de faire un “McDonald’s” vétérinaire », témoigne-t-il. Tout en laissant carte blanche aux équipes vétérinaires, le changement du système informatique s’impose rapidement pour avoir un œil sur les comptes et pouvoir opérer des statistiques. Ce qui était difficile à mettre en œuvre seul est devenu plus aisé. « Et le chiffre d’affaires a progressé grâce à la mise en place de la prise de rendez-vous en ligne, via Internet et sur smartphone, le déploiement d’un système de prélèvement mensuel automatique pour les plans de traitement préventif, etc. En tant qu’indépendant, c’est très compliqué. On ne possède ni le temps ni les compétences techniques pour le faire. Seul, je pouvais difficilement m’assurer de la solvabilité des clients et ai subi de nombreuses impayés », reconnaît Yves Gisseleire. « Au moment de la vente, mon comptable ma dit : “Tu es fou !” Dans sept ans, tu auras autant d’argent qu’avec la vente. Mais ce n’est pas lui qui allait continuer à travailler 60 heures par semaine et risquer une crise cardiaque ! », soutient Yves Gisseleire, satisfait aussi que, malgré les facilités de recrutement offertes ailleurs, l’ensemble de l’effectif est resté. De retour après trois semaines en Éthiopie, Yves Gisselière en convient : « Avant, ce genre d’escapade était impossible ! »