Gestion d’un cas d’adultération des cires - La Semaine Vétérinaire n° 1805 du 06/04/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1805 du 06/04/2019

CONFÉRENCE

PRATIQUE MIXTE

Formation

Auteur(s) : TANIT HALFON  

Christophe Thenault, vétérinaire diplômé en apidologie et pathologie apicole, a présenté, lors de l’édition 2018 des journées vétérinaires apicoles, son rôle dans la gestion d’un cas d’adultération des cires. L’adultération est une pratique frauduleuse qui consiste en l’ajout d’un produit de moindre valeur à un autre produit. En apiculture, elle concerne notamment le miel (adjonction de sirop après récolte, nourrissement excessif proche des miellées). Dans ce cas, notre confrère a été appelé par un producteur d’essaims situé dans le Loiret, en avril 2018, afin d’établir un constat vétérinaire pour des anomalies de cires gaufrées, et d’exclure toute maladie. L’apiculteur professionnel rencontre, depuis avril 2017, des anomalies sur ses cires, à la suite d’un changement de cirier, et il souhaite entamer une procédure judiciaire à l’encontre de ce dernier.

Réaliser des observations de terrain

Au préalable, notre confrère a examiné les documents de l’éleveur en lien avec la cire, à savoir les e-mails de l’acheteur, les factures des ciriers, la publicité du dernier cirier et les résultats d’analyses. Le constat : l’absence de numéro de lot sur les factures du nouveau cirier, ainsi que la mention “Cire pure d’abeille” sur la publicité. De plus, la visite des ruchers a révélé un effondrement des cires dans les cadres. En revanche, l’examen clinique n’a rien montré d’anormal (pas de maladies du couvain, pas de signes de varroose).

Procéder à des examens complémentaires

La confirmation d’une adultération est encadrée réglementairement. Aussi, il est préférable de réaliser les prélèvements avec un technicien des services vétérinaires. De plus, dans un contexte de poursuite judiciaire, son intervention permet aux analyses obtenues d’être plus recevables du point de vue juridique. En pratique, quatre plaques de cire ont été mélangées entre elles (450 g ; les découper en petits morceaux) et réparties dans trois sacs plastiques scellés. Un sac a été envoyé au laboratoire Ceralyse en Allemagne, pour un coût d’environ 200 €. Les deux autres ont été conservés, en cas de contestation du cirier, par le vétérinaire et le service vétérinaire qui en gardaient chacun un. Les analyses demandées étaient le point de fusion, les indices d’acide, de saponification et d’ester, le taux d’hydrocarbures, ainsi que la nature des chaînes carbonées par chromatographie en phase gazeuse.

Interpréter les résultats

Les analyses ont montré une diminution du point de fusion, des indices d’ester et de saponification, associée à une augmentation du taux d’hydrocarbures, révélant une adultération majeure. La cire n’était donc pas une cire pure d’abeille et sa composition a été estimée à 74 % de cire d’abeille (62 °C), 20 % de paraffine (56 °C) et 6 % de suif (45 °C). De manière générale, si les analyses de laboratoire permettent de confirmer facilement une suspicion d’adultération, la relier aux potentiels signes observés sur les cadres est moins évidente. Dans notre cas, le laboratoire a confirmé que les résultats d’analyses pouvaient expliquer les anomalies des cires. De plus, aucun signe clinique n’a été observé sur le couvain.

LA PRODUCTION DES CIRES EST RÉGLEMENTÉE

Christophe Thenault Vétérinaire à Châteauneuf-sur-Loire (Loiret). Article rédigé d’après une présentation faite lors des journées vétérinaires apicoles à Oniris, les 11 et 12 octobre 2018.

La cire d’abeille est considérée comme un sous-produit apicole de catégorie 3 (produit le moins à risque pour la santé publique). Sa production nécessite l’obtention d’un agrément sanitaire, délivré par la préfet du département, reposant sur l’établissement d’un plan de maîtrise sanitaire. En effet, la cire peut être potentiellement un agent de diffusion de la loque américaine, listée dans les dangers sanitaires de 1re catégorie. Selon une thèse vétérinaire1 de 2016, seul un cirier dispose d’un agrément sanitaire en France, notamment parce que des connaissances scientifiques et techniques manquent quant aux critères à appliquer pour maîtriser les risques sanitaires, plus particulièrement en ce qui concerne les barèmes de stérilisation de la cire par rapport aux spores de loque américaine. Selon cette même thèse, les pratiques rencontrées d’adultération de la cire consistent en l’ajout d’autres cires d’origines végétale (cire de carnauba, de jojoba, etc.), animale (suif de bœuf, entre autres) ou industrielle à faible coût (paraffine ou cire microcristalline). Des agents blanchissants de la cire peuvent être également détectés, car le visuel obtenu évoque une cire de meilleure qualité.
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