ENTREPRISE
ÉCO GESTION
Auteur(s) : CHRISTELLE FOURNEL 1
EIRL, EURL, SARL, SELARL, SCP… Il existe de si nombreux statuts juridiques qu’il est difficile, au moment d’entreprendre, de faire son choix. Nous proposons ici d’en présenter les grandes caractéristiques pouvant aider dans une discussion avec un expert-comptable.
Lorsque l’on décide de rompre avec le statut de salarié, plusieurs choix d’exercice s’offrent à nous. Il convient alors de se poser les bonnes questions, et dans un ordre pertinent : exercice en solo ou à plusieurs, niveau de protection du patrimoine, niveau de partie des bénéfices, possibilités d’investissement de l’entreprise. De plus, les vétérinaires font partie des professions libérales réglementées, ce qui signifie qu’outre le fait d’avoir un statut juridique particulier, spécifique du statut libéral, ils doivent informer l’Ordre des vétérinaires de la création de l’entreprise.
- Pour les vétérinaires qui souhaitent exercer seuls, le choix est limité. L’entreprise individuelle ou exercice en nom propre n’est pas une société commerciale à proprement parler, car aucune entité juridique distincte n’est créée. L’entreprise individuelle à responsabilité limitée (EIRL) permet de constituer un patrimoine d’affectation, donc distinct du patrimoine personnel, et d’opter pour l’impôt sur les sociétés (IS). Enfin, l’entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) est une SARL unipersonnelle, c’est-à-dire une société commerciale qui dispose de sa propre personnalité juridique. Elle a un gérant qui peut être l’associé unique. L’associé peut opter pour l’impôt sur le revenu (IR) ou l’IS. Les démarches administratives sont donc plus complexes que pour l’exercice en nom propre ou l’EIRL. à noter que le statut de collaborateur libéral s’inscrit aussi dans le cadre d’un exercice individuel, mais il prévoit un ou des contrats de collaboration avec le praticien qui accueille le collaborateur dans sa structure. De plus, il n’existe pas de statut d’autoentrepreneur pour les praticiens libéraux.
- Lorsque l’on choisit de s’associer, il faut choisir entre deux états d’esprit. Certains statuts considèrent que les professions libérales sont indépendantes et génèrent du revenu grâce à leur savoir. Il s’agit des sociétés dites “sociétés de personnes” et la rémunération provient uniquement du travail. Les statuts que l’on trouve souvent dans la profession vétérinaire sont la société civile de moyens (SCM), la société civile professionnelle (SCP) ou la société de fait (SDF). D’autres statuts considèrent que l’entreprise peut investir et produire des bénéfices grâce au travail des salariés. Il s’agit de “sociétés de capitaux” et, pour les associés, la rémunération provient du travail mais aussi du capital investi, via les dividendes. Il s’agit alors des SEL, et en particulier de la SELARL.
- Les associés peuvent choisir de partager des moyens comme un local, du matériel, un service de garde ou certains coûts de fonctionnement (principe de base de l’association) sans pour autant partager leurs honoraires. Ils créent alors une SCM. Dans ce cas, les parts sociales sont évaluées en fonction des immobilisations de la SCM. Celle-ci engage les dépenses et les investissements que les praticiens décident de mettre en commun.
- Au contraire, lorsque les associés décident de partager leurs bénéfices, ils créent une SCP. L’activité est exercée en commun, moyennant quoi, si l’un des associés cesse de travailler durant plusieurs mois, il perçoit une rémunération comme s’il travaillait, c’est-à-dire que les autres associés travaillent en partie pour lui. De plus, la SCP soumet ses associés à une responsabilité illimitée et solidaire vis-à-vis des tiers en cas de difficultés financières. Enfin, les associés sont soumis à l’impôt sur le revenu sur leur part de bénéfice.
Dans une SCM comme dans une SCP, la responsabilité des associés par rapport aux dettes de la société est illimitée.
- Statut à part, la SDF résulte du simple comportement des associés. L’écrit est toujours recommandé. L’esprit de ce type d’association est de mettre les ressources en commun, mais aussi de s’entraider et d’assurer la continuité des soins.
- Pour finir, la SEL, et donc la SELARL, permet aux professions réglementées de s’associer au sein d’une société de capitaux, c’est-à-dire de limiter la responsabilité des associés au montant de leurs apports dans la société, en cas de difficultés financières. Néanmoins, chaque associé reste personnellement responsable sur l’ensemble de son patrimoine pour ses actes professionnels. Enfin, la SELARL est soumise à l’IS.
- Certaines structures permettent de payer un IS (EIRL, SELARL) et d’autre non (SCP). Pour schématiser, en rassemblant tous les revenus générés par l’activité, ceux-ci peuvent être payés en revenu par le travail ou par le capital. En percevant son revenu par le travail, le vétérinaire paie ses cotisations et empoche un revenu sur lequel il paie son IR. Il empoche un revenu d’autant plus important si le statut juridique de son entreprise ne prévoit pas de revenu par le capital, donc si sa société ne paie pas d’IS, dividendes et IS allant généralement de paire.
Rappelons que la tranche marginale de l’IR est de 45 % actuellement, quand l’IS reste inférieur à 30 %, pour l’activité vétérinaire. De plus, les dividendes sont soumis à environ 17 % de prélèvements sociaux et à 40 % d’abattement dans le cadre de l’IR. Aussi, pour les hauts revenus ou pour les couples dont le conjoint gagne déjà bien sa vie, la SCP, par exemple, ne semble pas être une bonne option.
- Par ailleurs, le compte de résultat d’une société soumise à l’IS fait apparaître des charges financières et des amortissements. Autrement dit, ce type de société permet d’investir par l’emprunt bancaire : les intérêts sont déduits de l’impôt à payer et les achats peuvent être amortis, ce qui réduit encore le résultat courant sur lequel est calculé l’IS. Donc si les associés veulent acheter du matériel coûteux, il sera plus opportun d’opter pour une société soumise à l’IS.
Il convient donc pour chacun de considérer sa situation personnelle : situation familiale, salaire global du foyer, et d’échanger avec ses associés pour choisir le statut juridique le plus adapté par rapport à l’optimisation fiscale et son envie d’entreprendre.
à noter : sur le plan social, dans la majorité des cas, le professionnel libéral fait partie de la catégorie des travailleurs non salariés. Il est affilié au Régime social des indépendants (RSI) en ce qui concerne l’assurance maladie-maternité, à la section de la Caisse autonome de retraites et de prévoyance des vétérinaires (CARPV) en ce qui concerne l’assurance vieillesse, l’assurance invalidité et décès, et enfin à l’Urssaf, en matière d’allocations familiales, de CSG, de CRDS et de formation professionnelle. Il ne cotise donc pas pour l’assurance chômage et ses charges sociales sont différentes de celles du vétérinaire salarié.
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1 Vétérinaire (A 01), EMBA ESCP Europe 2012, docteur en sciences de gestion.
Sources :
- Service-public.fr : bit.ly/2UlOcIE.
- Veterinaire.fr : bit.ly/2GsnBpq.
- Urssaf.fr : bit.ly/2DjiciL.
- Le Baut E. Les formes juridiques d’exercice professionnel des structures vétérinaires en France. Thèse de doctorat vétérinaire, ENVA, 2012.
Pour en savoir plus :
- L’essentiel sur les bénéfices non commerciaux (BNC) : bit.ly/2XqJWcT.
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