ANALYSE
PRATIQUE MIXTE
Formation
Auteur(s) : TANIT HALFON
Comme pour l’année 2010 et 2013, l’Ifip, Institut du porc, a constitué un panel Inaporc1 pour l’année 2016, afin de décrire finement la consommation en antibiotiques et l’évolution des usages entre 2010 et 2016.
L’enquête révèle une réduction de 52 % de l’Alea (Animal level of exposure to antimicrobials) entre 2010 et 2016. Cette baisse est particulièrement marquée entre 2013 et 2016 (- 49 %, contre - 7 % entre 2010 et 2013). Si ce résultat est proche de celui de l’Anses-ANMV2 (- 47%), les pourcentages obtenus par l’agence sont toujours supérieurs à ceux du panel, avec des écarts plus ou moins importants suivant les années (28 % d’écart en 2010, 14 % en 2013 et 38 % en 2016). En 2016, ces différences sont particulièrement vraies pour les prémélanges et les injectables, ainsi que pour les triméthoprime-sulfamides, les pénicillines, les aminosides et les tétracyclines. Elles seraient liées à une surestimation de l’utilisation de plusieurs antibiotiques chez les porcs par les laboratoires pharmaceutiques lors des déclarations de vente à l’Anses. La baisse de l’Alea est en rapport avec une diminution significative chez les porcs en maternité (- 28% de la durée d’exposition des animaux), en post-sevrage (- 70%) et en engraissement (- 71%).
Chez les truies, les usages baissent légèrement, avec une consommation globale d’antibiotiques de seulement - 7 % entre 2010 et 2016. L’utilisation des injectables, des fluoroquinolones et des antibiotiques pour un motif urogénital accuse un net recul entre 2010 et 2016. Ce constat serait lié à une baisse des traitements pour les métrites ou les infections urinaires, dont l’origine reste encore à explorer. Néanmoins, l’usage de tétracyclines pour ce motif reste aussi fréquent en 2016 qu’en 2013, reflétant un problème persistant de leptospirose lié à la mise en groupes de truies (déjà évoqué dans le panel 2013). En parallèle, l’usage pour un motif “troubles locomoteurs” augmente de manière significative, en quantité d’antibiotiques et en taux d’élevages concernés, en lien avec la mise en groupe des truies gestantes. Le constat est le même pour le motif “digestif”, mais le nombre d’élevages concernés reste faible (9 %).
Chez les porcelets, l’analyse des données montre un arrêt complet de l’administration d’antibiotiques par prémélanges, et une tendance à la hausse de l’usage des poudres ou solutions orales. Ce résultat est préoccupant, car le risque de sous-dosage d’antibiotiques est le même pour les poudres et les prémélanges. Chez les porcs en post-sevrage, la part d’élevages utilisateurs de prémélanges passe de 84 à 32 %. Pour les prémélanges à base de colistine, le taux est de 13 % d’élevages utilisateurs en 2016, contre 78 % en 2010, en lien avec la décision de 2015 de la Commission européenne qui a interdit le traitement par voie orale pour un usage préventif et limité le traitement à 7 jours. Mais à la différence des porcelets, cette réduction n’amène pas à augmenter l’usage des autres voies orales (usages stables, avec 47 % d’élevages utilisateurs en 2013 et 48 % en 2010), ni d’autres antibiotiques à visée digestive. Pas de report non plus sur l’oxyde de zinc, qui apparaît peu consommé, avec seulement 16 % des élevages qui l’utilisent en 2016, illustrant le fait que les maladies digestives sont gérées par d’autres mesures, comme la vaccination, l’alimentation ou la conduite d’élevage.
L’emploi des fluoroquinolones diminue significativement pour les porcelets en maternité (- 83 % entre 2010 et 2016, 19 % d’élevage utilisateurs en 2016, contre 44 % en 2010). Cette situation concerne aussi les céphalosporines, particulièrement pour la période 2010-2013. Chez les truies, la diminution est également notée pour les fluoroquinolones, les quinolones et les céphalosporines. Ces résultats s’expliquent à la fois par le consensus établi par les vétérinaires et les éleveurs dès 2010 pour les céphalosporines et par le décret de 2016, qui a élargi la restriction d’usage aux fluoroquinolones.
À noter que le taux d’élevages utilisateurs d’antibiotiques reste très élevé au moins une fois dans l’année, pour chaque catégorie d’animaux : il monte jusqu’à 94 % pour les truies et 80 % pour les porcs en post-sevrage. En effet, l’objectif n’est pas de viser l’arrêt total des usages d’antibiotiques dans les élevages, mais de le réduire jusqu’à une limite acceptable selon leur statut sanitaire.
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1 Échantillon représentatif de la production nationale.
2 Agence nationale de sécurité sanitaire-Agence nationale du médicament vétérinaire.