ANALYSE
PRATIQUE MIXTE
Formation
Auteur(s) : SAMUEL SAUVAGET
La biochimie sanguine est un examen complémentaire très fréquent en médecine individuelle. Bien qu’historiquement peu utilisée en productions hors sol, et notamment pour les lapins de chair, de nombreux intérêts existent que ce soit pour les maladies infectieuses ou dans la gestion des troubles purement métaboliques, en témoigne le cas clinique ci-dessous, d’une situation de baisse de fertilité. Depuis plusieurs mois, l’éleveur constate une baisse régulière du taux de palpation de ses femelles, descendu à moins de 70 % au cours de la dernière bande. Dans le même temps, il a observé une augmentation modérée mais régulière du poids des lapines. De plus, l’éleveur décrit deux populations de femelles : soit des lapines (qualifiées de saines) qui n’ont jamais connu d’épisodes d’infertilité, soit des lapines (qualifiées de malades) qui ont connu un ou deux épisodes d’infertilité autour de la deuxième ou troisième gestation. Un bilan sanitaire et technique réalisé par le vétérinaire de l’élevage n’a pas révélé de causes infectieuses évidentes. Dans ce contexte, une exploration des causes métaboliques et nutritionnelles susceptibles d’expliquer les problèmes de fertilité a été suggérée.
Pour ce faire, un bilan sanguin biochimique est proposé et deux groupes de lapines sont constitués, à savoir un lot de femelles de rang 6 n’ayant jamais subi d’épisode d’infertilité (lot témoins) et un lot de femelles de rang 3 ayant subi au moins un épisode d’infertilité (lot malades). L’analyse des résultats (voir tableau) révèle une différence statistiquement significative concernant le calcium, le phosphore, le rapport phospho-calcique et la créatinine. L’ensemble est cohérent avec une souffrance rénale, mais pas une insuffisance rénale à proprement parler, les valeurs en créatinine notamment restant basses. La différence avec le lot témoins montre néanmoins que la fonction rénale est plus sollicitée sur les lapines ayant connu l’épisode d’infertilité.
Une augmentation significative des phosphatases alcalines (PAL) est également observée, en faveur d’un défaut de perméabilité des voies biliaires. Tous les sujets malades ont des valeurs deux fois supérieures ou plus aux sujets sains. Enfin, une tendance à des valeurs plus élevées en triglycérides sur les sujets malades est notée, même si la différence n’est pas statistiquement significative. Cette tendance est cohérente avec le constat d’un embonpoint plus marqué des femelles. L’ensemble de ces éléments est en faveur de désordres métaboliques contemporains de dysfonctionnements du système reproducteur. Dans ce cadre, deux mesures ont été adoptées : un apport d’un traitement protecteur hépatique et rénal, favorisant aussi l’absorption des graisses dans les jours précédents l’insémination artificielle, ainsi qu’un passage à un aliment moins énergétique. Au bout de trois bandes, le taux de palpation a retrouvé un niveau satisfaisant (85 %), validant les mesures mises en place.
Les professionnels de la filière cunicole sont habitués aux troubles infectieux et la démarche initiale consiste généralement à rechercher des agents pathogènes. En absence de lésions infectieuses ou de détection de ces germes, ou encore en cas de mauvaise réponse aux traitements anti-infectieux, la biochimie sanguine permet de détecter des causes métaboliques et des dysfonctionnements organiques. Certaines situations pathologiques non élucidées par les examens et analyses habituelles peuvent être ainsi expliquées. De plus, dans le cadre de la démédication engagée dans la filière cunicole, l’examen biochimique apporte des éléments objectifs permettant de justifier le recours dans certaines situations à des produits diététiques en complément ou en alternative aux traitements anti-infectieux habituels. Cet examen peut être également envisagé en dehors d’un cadre pathologique pour faire un bilan de santé de l’élevage au même titre que lorsqu’il est fait pour un seul individu. Le prélèvement de 5 à 10 sujets permet d’obtenir une photographie représentative de la situation métabolique de l’élevage. Un bilan de santé satisfaisant permet de garantir le bien-être physiologique du troupeau et de considérer que les conditions d’alimentation et de maintenance n’altèrent pas le fonctionnement biologique des animaux.
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