CAS CLINIQUE
PRATIQUE CANINE
Formation
Anamnèse, examen clinique
Un labrador retriever femelle, stérilisé, âgé de 12 ans, est présenté pour vomissements, régurgitations et amaigrissement depuis 3 mois. L’examen clinique révèle une hyperthermie modérée (39,5 °C), une dyspnée mixte, ainsi qu’une tachypnée (60 bpm). Des crépitements sont audibles à droite lors de l’auscultation pulmonaire. Un bilan biochimique et une numération et formule sanguines sont réalisées. La biochimie sanguine est sans anomalie, l’hémogramme montre une neutrophilie et une déviation à gauche de la courbe d’Arneth, compatible avec un processus inflammatoire actif. Les valeurs de thyréostimuline (TSH) et T4 sont dans les normes. Des radiographies thoraciques sont réalisées afin d’explorer les anomalies respiratoires.
Description des radiographies
Deux lignes opaques, une dorsale et une ventrale, sont notées dans le thorax caudo-dorsal sur la radiographie de profil, se retrouvant en position centrale et symétrique sur la vue de face (lignes œsophagiennes). Elles se retrouvent dans le médiastin caudal et forment un “V” sur la radiographie de face. L’œsophage ainsi anormalement dilaté par de l’air contribue à augmenter le contraste sur l’aspect caudo-dorsal du thorax : aorte et vaisseaux pulmonaires anormalement bien “visualisés” (signe d’hyperclarté pulmonaire). La paroi dorsale de la trachée est rendue visible par l’opacité médiastinale aérique, tout comme la limite ventrale des muscles longs du cou (se traduisant par une bande d’opacité tissulaire, homogène, ventralement aux premières vertèbres thoraciques). La trachée est déviée ventralement. Ces éléments permettent d’établir un diagnostic de mégaœsophage.
Une augmentation d’opacité est notée dans le thorax cranio-ventral, masquant l’aspect cranial de la silhouette cardiaque, ainsi que la vascularisation pulmonaire. Cette opacité se retrouve latéralisée à droite sur la vue de profil. Des ramifications aériques terminales sont notées au sein de cette opacité (bronchogrammes), lui conférant un aspect hétérogène. Il s’agit donc d’une opacification pulmonaire de type alvéolaire cranio-ventrale, sur l’aire de projection des lobes cranial droit et moyen droit. Ces éléments sont en faveur d’une bronchopneumonie par fausse déglutition en première hypothèse.
L’examen des structures extrathoraciques montre une spondylose sur l’ensemble des vertèbres thoraciques et lombaires craniales.
Étiologie et symptômes
Le mégaœsophage peut être congénital ou acquis. De nombreuses races telles que le berger allemand, le dogue allemand et le labrador retriever sont prédisposées aux formes congénitales. Les formes acquises sont les plus courantes et sont d’origine neuromusculaire (myasthénie grave, polymyosite, polymyopathie, tétanos, etc.), consécutives à des phénomènes obstructifs (d’origine néoplasique, corps étrangers, sténoses œsophagiennes distales, etc.), toxiques (plomb, notamment) ou à des affections systémiques (hypothyroïdie, maladie d’Addisson, par exemple) ou idiopathiques.
Les signes cliniques les plus couramment rapportés sont des régurgitations (associées à la prise d’un repas), un amaigrissement, ainsi que des signes respiratoires (toux, dyspnée, etc.) secondaires à des lésions de bronchopneumonie par aspiration, qui est la complication la plus fréquente du mégaœsophage.
Diagnostic radiographique
Les signes radiographiques d’un mégaœsophage sont pathognomoniques. L’œsophage, entièrement dilaté par de l’air, se traduit par une bande d’opacité aérique centrale, parcourant le médiastin dorsal dans ses parties craniale, moyenne et caudale. La présence d’air dans la lumière de l’œsophage fournit un contraste pour les structures médiastinales adjacentes, c’est pourquoi la paroi dorsale de la trachée (tracheal stripe sign) et la limite ventrale des muscles longs du cou sont observées.
Sur la vue de face, les parois de l’œsophage sont représentées par deux lignes d’opacité tissulaire en région centrale du thorax, il est possible de voir deux indentations dans la paroi latérale gauche et latérale droite de l’œsophage en regard du médiastin moyen, correspondant respectivement au passage de l’aorte et de la veine azygos.
Une dilatation modérée et focale de l’œsophage est souvent observée chez le chien sain, dorsalement et juste en avant de la bifurcation trachéo-bronchique. Lors d’anesthésie ou de polypnée sévère, une dilatation modérée de l’ensemble de l’œsophage est également couramment retrouvée.
La bronchopneumonie est la complication la plus fréquente du mégaœsophage. Elle se traduit sur les radiographies thoraciques par une opacification alvéolaire des lobes cranio-ventraux, à tendance lobaire, le plus souvent asymétrique. Une opacification pulmonaire alvéolaire se manifeste par une augmentation d’opacité mal délimitée effaçant la vascularisation pulmonaire et les bords de la silhouette cardiaque (“signe de silhouette positive”, ou “image de continuité”).
Les ramifications aériques terminales (ou bronchogrammes) peuvent être identifiées au sein de cette opacification alvéolaire. Lorsque l’opacification alvéolaire a une distribution lobaire, une ligne lobaire peut être mise en évidence. Elle n’a pas de réalité anatomique, traduisant simplement l’interface entre un lobe d’opacité augmentée (opacification alvéolaire) et un lobe pulmonaire sain d’opacité radiotransparente.
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Bibliographie
« Handbook of Small Animal Radiology and Ultrasound : Techniques and Differential Diagnoses », R. Dennis, R. M. Kirberger, F. Barr, R. H. Wrigley. 2nd edition, 2010.
« BSAVA Manual of Canine and Feline Thoracic Imaging », T. Schwarz, V. Johnson. 2008.
“Textbook of Veterinary Diagnostic Radiology”, D. Thrall. 6th edition, 2013.
POINTS CLÉS