MALADIES ANIMALES TRANSFRONTALIÈRES
PRATIQUE MIXTE
L'ACTU
Auteur(s) : TANIT HALFON
Les maladies animales transfrontalières étaient le thème de l’édition 2019 des journées scientifiques de l’Association pour l’étude de l’épidémiologie des maladies animales. Les exemples de la peste porcine africaine et de l’influenza aviaire ont montré la complexité des actions de lutte.
Contexte de la peste porcine africaine oblige, les journées scientifiques de l’Association pour l’étude de l’épidémiologie des maladies animales (AEEMA), qui se sont tenues du 22 au 24 mai, étaient consacrées cette année aux maladies animales transfrontalières (MAT). « On peut les définir comme des maladies animales transmissibles, à potentiel élevé de diffusion entre pays et à conséquences sanitaires et/ou économiques importantes », a indiqué Jean-Philippe Amat, chef d’unité adjoint à l’unité épidémiologie et appui à la surveillance à l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) de Lyon (Rhône), qui a ouvert la journée du jeudi 23 mai. La liste est longue. Le contrôle, et plus particulièrement la prévention, complexe. Par exemple, s’agissant des maladies transmissibles par le biais de vecteurs aériens ou terrestres, « les oiseaux peuvent franchir de longues distances : il est difficile de prévoir leur arrivée et les agents pathogènes qu’ils transportent », a souligné Stephan Zientara, directeur adjoint du laboratoire de santé animale à l’Anses. Ce qui a, par exemple, abouti à l’émergence de la maladie de West Nile aux états-Unis, avec 1 864 décès répertoriés entre 1999 et 2015. En France, l’année 2018 a été marquée par deux épizooties à virus West Nile et Usutu : le premier a été associé à 13 cas équins et 27 cas humains ; le deuxième à une forte mortalité dans l’avifaune. Autre difficulté et pas des moindres : l’être humain, et l’exemple de l’extension de la peste porcine africaine en Chine ou en Belgique en est une parfaite illustration. « Actuellement, il existe trois hypothèses pour l’introduction de la maladie en Belgique : le sandwich jeté ou oublié, le camp militaire ou l’importation illégale de sangliers », a rappelé Nicolas Rose, directeur adjoint du laboratoire de Ploufragan-Plouzané (Côtes-d'Armor).
« Le contrôle des MAT comprend notamment la sécurisation des introductions », a expliqué Jean-Luc Angot, président de la section prospective, société et international du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux. Plusieurs acteurs y participent, et ce à différents niveaux. à l’échelle mondiale, l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE) en est un acteur majeur. Entre autres missions, elle assure la diffusion d’informations sanitaires, d’une part via son interface Wahis1, d’autre part en exerçant son rôle de délivrance des statuts officiels (mandat Organisation mondiale du commerce ; OMC). Elle développe aussi des normes sanitaires, et évalue la qualité des services vétérinaires dans les pays qui le demandent. L’accord sur l’application des mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS) de l’OMC est un autre dispositif de contrôle des MAT, les normes sanitaires définies servant de référence en cas de litiges à l’OMC. Autre exemple cité, l’European Commission for the Control of Foot-and-Mouth Disease (EuFMD), regroupant 39 pays dont 28 états membres de l’Union européenne, qui élabore des stratégies visant à éviter l’introduction de la fièvre aphteuse au sein de l’Union. à l’échelle de cette dernière, un dispositif de contrôle aux frontières permet de vérifier que les marchandises satisfont aux conditions d’importation. En France, c’est le Service d’inspection vétérinaire et phytosanitaire aux frontières (Sivep) qui en assure la gouvernance, et 28 postes agréés par l’Union européenne procèdent aux inspections des animaux et produits d’origine animale2. Pour autant se pose la question de l’harmonisation des contrôles entre les états membres, comme l’a soulevé un participant. « Si nous disposons de la même base réglementaire et d’une obligation de résultat, chaque pays est libre en matière d’organisation de la surveillance… et il reste encore du chemin à parcourir ! », a confirmé Jean-Luc Angot. Malgré tout, la sécurité aux frontières n’est pas suffisante : « Le plus efficace est l’élimination de l’agent pathogène à sa source, ou mieux la mise en œuvre d’actions de prévention », a-t-il souligné. Dans ce cadre, les pays indemnes doivent aider ceux qui sont infectés à devenir indemnes, via une assistance technique, une coopération internationale et une aide à l’amélioration de la qualité des services vétérinaires.
Plusieurs conférenciers ont rappelé qu’en matière de lutte contre les MAT l’échelon local est primordial, avec notamment le renforcement de mesures de biosécurité des élevages. Pour exemple, la menace de la peste porcine africaine a amené à élaborer un cadre réglementaire strict, pour tous les détenteurs de suidés, à partir d’un seul animal. «
L’objectif est double
: éviter la contamination par des animaux infectés, mais aussi par du matériel, y compris l’aliment
», a expliqué Maxime Delsart, enseignant en pathologie des animaux de production à l’École nationale vétérinaire d’Alfort (ENVA). La liste des obligations est dense et pas forcément facile à appliquer. Se posent ainsi les questions du coût de mise aux normes, particulièrement limitant pour les élevages de plein air, des délais de mises en place, de l’observance, et de la sécurisation des transports. Sans oublier les difficultés spécifiques aux petits détenteurs (porcs de compagnie, races locales)… mais pas seulement. Comme l’a précisé Nicolas Rose, «
dans certains gros élevages de Bretagne, les mesures de biosécurité sont plus que light. C’est structurel
: il y a des exploitations où, à part tout raser et reconstruire, c’est inenvisageable.
». Dans certains cas, le niveau des mesures de biosécurité peut être adapté au risque estimé. Pour exemple, l’élevage avicole pour lequel il y a un confinement des volailles plein air en période de risque d’exposition à de l’avifaune sauvage migratrice infectée, comme l’a indiqué Axelle Scoizec, épidémiologiste à l’unité épidémiologie aviaire à l’Anses. Outre la protection des élevages, les dispositifs de surveillance sont un élément essentiel dans la prévention des MAT. «
En élevage avicole, détecter et gérer au plus vite les foyers réduit au maximum les risques de diffusion
», a expliqué la conférencière. Mais en matière de prévention et de lutte contre les MAT, le plus important ne serait-il pas la coordination de la lutte ? Car comme l’a souligné Guillaume Gerbier, inspecteur en chef de santé publique vétérinaire et épidémiologiste à la direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt du Grand-Est, qui dit maladie transfrontalière dit lutte transfrontalière.
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1 Le World Animal Health Information System, système mondial d’information zoosanitaire, repose sur les déclarations des États membres de l’OIE, qui sont dans l’obligation de déclarer les maladies inscrites sur la liste des maladies terrestres et aquatiques à notifier. Le système permet d’émettre des alertes en temps réel.
2 Le Sivep gère aussi les contrôles sanitaires aux frontières relatifs aux végétaux et produits végétaux, et aux aliments pour animaux d’origine non animale, respectivement assurés par les points d’entrée communautaires (PEC : 34) et les points d’entrée désignés (PED : 19).
VEILLER À L’INTERNATIONAL
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