ENTRETIEN AVECJEAN-LUC ANGOT
ACTU
Auteur(s) : PROPOS RECUEILLIS PAR TANIT HALFON
Le ministre en charge de l’agriculture, Didier Guillaume, a annoncé le 24 mai le maintien du Comité national d’éthique des abattoirs. Jean-Luc Angot, inspecteur général de santé publique vétérinaire, en assure toujours la présidence, avec à ses côtés Pierre Le Neindre, vice-président, directeur de recherche honoraire de l’Inra, éthologue et zootechnicien. Il fait le point sur les missions dévolues au comité.
Le comité avait été mis en place en juillet 2017 pour une mission précise (encadré ci-dessous) (encadré ci-dessous) . Dorénavant, quel sera son rôle et pour combien de temps ?
Rattaché au Conseil national de l’alimentation, le Comité national d’éthique des abattoirs (CNEAb) avait pour objectif de produire un avis. Ce dernier, assez ambitieux, regroupe un noyau dur de recommandations, au nombre de 12, dont la première demandait la pérennisation du comité, aucune autre structure ne réunissant toutes les parties prenantes1. Désormais, le comité est une structure pérenne. Plusieurs sujets prioritaires ont été définis, à savoir un travail sur l’harmonisation des grilles d’évaluation du bien-être animal en abattoir, un accompagnement de la mise en place des décrets sur l’expérimentation vidéo et l’abattage mobile, l’élaboration d’un plan de communication à destination du grand public, notamment des jeunes, ainsi qu’une réflexion sur l’information à délivrer au consommateur, que ce soit via un étiquetage ou par tout autre moyen possible. Le comité, dont les membres ont été élargis à des représentants des régions, des départements et des collectivités territoriales, se réunira en tant que de besoin afin d’éclairer le ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation. Ce nouveau mandat doit être encore validé par le Conseil national de l’alimentation, qui se réunira le 5 juin.
D’autres é tats membres de l’Union européenne disposent-ils de leur comité d’éthique pour les abattoirs ou d’un équivalent ?
Non, le CNEAb est unique en Europe et certainement dans le monde.
Pourquoi un tel comité est-il nécessaire alors qu’il existe déjà des services vétérinaires fixes en abattoir, ainsi que des contrôles ponctuels des directions départementales de la protection des populations ?
Les services vétérinaires assurent une mission de contrôle ; le comité, lui, a l’avantage de réunir toutes les parties prenantes autour de la table. Nous échangeons de manière constructive sur des sujets extrêmement sensibles, notre ambition à tous étant de continuer à travailler ensemble, afin d’aboutir à l’élaboration de mesures concrètes, et non d’un énième règlement (encadré ci-dessus).
Les recommandations clés de l’avis seront-elles suivies d’effet ?
Des annonces sont prévues par le ministre à ce sujet. Elles concerneront notamment la formation et le renforcement des services de contrôle dans les abattoirs.
Dans le contexte actuel où des images de maltraitance animale en abattoir ont circulé sur les réseaux sociaux, pensez-vous que le contrôle vidéo soit accepté par les personnels des abattoirs ?
Les syndicats au niveau national y sont opposés, mais certains établissements d’abattage le mettent en œuvre. Peut-être que le renforcement des services vétérinaires impliquera une moins grande nécessité de recourir à la vidéosurveillance.
La question de l’abattage rituel fait également l’objet de vifs débats. Sera-t-elle abordée par le comité ?
Oui, il est prévu un dialogue avec les représentants des cultes afin de faire évoluer les pratiques et d’envisager au moins un soulagement post-jugulation. Il est vraisemblable par ailleurs que la question de l'étiquetage permettant de différencier abattage rituel et non rituel reviendra sur la table.
Avez-vous connaissance de dispositifs innovants qui améliorent les conditions d’abattage ?
L’Allemagne et les pays du Nord utilisent des technologies permettant d’alléger le travail physique des salariés en abattoir [NDLR : et donc le risque de développer des troubles musculo-squelettiques], comme les exosquelettes ou encore des machines de découpe des carcasses. Le développement de la recherche en abattoir fait d’ailleurs partie des recommandations de l’avis du CNEAb2.
En conclusion, pensez-vous possible de réconcilier le consommateur à l’abattoir ?
C’est notre ambition. Il ne faut pas nier la finalité de l’élevage, la mort des animaux devant être réalisée dans d’excellentes conditions. Notre tâche sera de l’expliquer simplement et calmement au consommateur. Au Danemark, par exemple, le ministère de la Santé a édité un fascicule à destination des élèves des écoles primaires et de collèges qui explique la réalité de l’élevage et de l’abattoir. Aujourd’hui, il y a matière à progresser.
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1 Le CNEAb regroupe plus de 50 membres, dont des professionnels du secteur viande, des associations de protection animale, des organisations vétérinaires, des représentants des cultes, des chercheurs, etc.
2 Développer une approche transversale de la recherche sur les abattoirs (recommandation n° 12).
UN COMITÉ CRÉÉ DANS UN CONTEXTE TENDU
LA PROTECTION ANIMALE EN ABATTOIR EST STRICTEMENT ENCADRÉE