Actualités sur l’antibiothérapie des mammites des vaches laitières (1 re partie) - La Semaine Vétérinaire n° 1813 du 14/06/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1813 du 14/06/2019

CONFÉRENCE

PRATIQUE MIXTE

Formation

Auteur(s) : CLOTHILDE BARDE 

Les mammites représentent un défi majeur d’un point de vue sanitaire et économique en élevages de vaches laitières1. Cette inflammation de la mamelle est actuellement la maladie dont le traitement requiert le plus l’utilisation d’antibiotiques dans ces élevages. Or ces médicaments peuvent conduire à l’apparition de résistances bactériennes dans le troupeau et se retrouver dans les produits alimentaires2. C’est pourquoi, en s’appuyant sur ces données, Guillaume Lequeux a fourni, lors d’une conférence proposée à l’International Summit on Dairy Cattle en mars, les dernières recommandations à suivre pour l’utilisation des tests de sensibilité aux antibiotiques (antibiogrammes) dans l’élaboration de programmes de gestion raisonnée des mammites.

Des pathogènes mammaires globalement peu résistants

Dans les troupeaux français de bovins laitiers, les souches pathogènes les plus fréquemment isolées lors de mammites sont les Staphylococcus aureus (germes contagieux), les Streptococcus uberis et dysgalactiae (germes environnementaux ou contagieux) et les entérobactéries (germes environnementaux). Suivant le germe, la sensibilité aux antibiotiques diffère mais, globalement, comme l’a indiqué le conférencier, les données obtenues sur le terrain ont permis de constater que les pathogènes responsables de mammites présentent peu de résistance comparativement à ceux responsables de maladies respiratoires ou digestives3. Ainsi, les entérobactéries sont sensibles à la plupart des antibiotiques, à l’exception d’une résistance naturelle de Klebsiella à l’amoxicilline et de Serratia marcescens à l’amoxicilline, l’amoxicilline-acide clavulanique, aux céphalosporines de première génération, à la céfoxitine, au céfuroxime, à la tétracycline et à la colistine. Les S. uberis sont les plus sensibles aux antibiotiques (20 % des souches sont résistantes à certaines familles d’antibiotiques) et les principales résistances observées sont dues aux mécanismes de résistance croisée entre macrolides et lincosamides (phénotype macrolides lincosamides synergistines B, ou MLSb). De même, seules 25 % des souches de S. aureus et de staphylocoques à coagulase négative (CNS) isolées dans les cas de mammites bovines sont résistantes à la pénicilline et, parmi cette famille d’antibiotiques, la résistance à la méthicilline (gènes MEC) est très rare (inférieure à 1 % des souches isolées). à l’inverse, les S. dysgalactiae sont, pour 80 % d’entre eux, résistants aux tétracyclines.

Par ailleurs, les études ont pu montrer que, parmi les CNS, les souches résistantes sont relativement différentes entre les espèces, avec des taux plus élevés de résistance aux pénicillines pour les espèces S. epidermidis (62 %), chromogène (38 %) et S. haemolyticus (28 %) comparées à S. xylosus (11 %)4 (technique MALDI-TOF de spectrométrie de masse).

Des tests de sensibilité fiables

Pour classer une souche bactérienne donnée en fonction de sa résistance ou de sa sensibilité à un antibiotique donné, il existe en laboratoire des tests de sensibilité aux antibiotiques (AST) qui reposent sur l’estimation par diffusion (méthode des disques) ou par détermination par microdilution des concentrations minimales inhibitrices (MIC) de l’antibiotique et qui les comparent à des seuils validés. Ces tests sont adaptés à la plupart des agents pathogènes isolés dans les échantillons de laits individuels en cas de mammites. D’une façon globale, les données obtenues ont permis de montrer que le taux de succès thérapeutique est de 90 % lorsque les souches sont sensibles et de 60 % lorsqu’elles sont résistantes.

La réussite d’un traitement est difficilement prévisible

Cependant, comme l’a indiqué Guillaume Lequeux, même si l’on peut envisager que, lors de mammites, les seules données d’AST puissent permettre de prédire de façon fiable et constante l’issue d’un traitement, ce n’est en réalité pas le cas car de nombreux autres facteurs entrent en jeu. En effet, la guérison des mammites dépend aussi de la pharmacodynamie et de la pharmacocinétique des molécules antibiotiques dans le lait, de leur posologie, de l’état du tissu mammaire (nécrose, micro-abcès, etc.) ou de facteurs de prédispositions de l’animal5, 6. Par conséquent, il semblerait que les AST utilisés seuls ont un intérêt limité comme facteur de décision thérapeutique lors de mammites7, 8, 9. Ainsi, par exemple, dans une étude portant sur des mammites cliniques et subcliniques à Gram +, les taux de guérison observés in vivo avec un traitement par de la céphapirine ne sont pas corrélés avec les résultats de sensibilité des AST obtenus in vitro. De même, selon une autre étude10, des taux de guérison bactériologiques assez similaires sont observés pour des germes sensibles (85 %), intermédiaires (89 %) ou résistants (100 %) au test AST. Enfin, dans leurs travaux de recherche, Owens et coll. ont montré que pour des souches bactériennes sensibles in vitro à une association de pénicilline et de novobiocine, les taux de guérison clinique observés avec ce traitement varient fortement selon les espèces bactériennes et ils dépendent de la durée de l’infection : 70 % de guérison pour les germes S. aureus dans les mammites aiguës et jusqu’à 35 % pour les germes présents de façon chronique (> 4 semaines).

1 Hossain M. K., Paul S., Hossain M. M. et coll. Bovine mastitis and its therapeutic strategy doing antibiotic sensitivity test. Austin J. Vet. of Sci. & Anim. Husbandry. 2017;4(1):1030.

2 National Mastitis Council. Bovine mastitis pathogens and trends in resistance to antibacterial drugs. NMC Annual meeting Proceedings. 2014.

3 Lubbers B. V., Hanzlicek G. A. Antimicrobial multidrug resistance and coresistance patterns of Mannheimia haemolytica isolated from bovine respiratory disease cases - a three year (2009-2011) retrospective analysis. J. Vet. Diagn. Invest. 2013;25(3):413-7.

4 Benoît F., Bareille S., Lebœuf F., Ridremont B. Synthèses des antibiogrammes pour les bactéries issues de laits de mammites bovines en 2015 et 2016 au Labeo Manche Proceedings des JNGTV Reims 2017.

5 Giguere S., Prescott J. F., Dowling P. Antimicrobial Therapy in Veterinary Medicine, fifth edition. 2013.

6 Gonzalez R. Antimicrobial susceptibility testing plays role in mastitis treatment. 2008.

7 Wagner S., Erkine R. Antimicrobial drug use in mastitis. 2013.

8 Constable P. D., Morin D. E. Treatment of clinical mastitis. Using antimicrobial susceptibility profiles for treatment decisions. Vet. Clin. of North Am. Food Anim. Pract. 2003;19(1):139-55.

9 Hoe F. G., Ruegg P. L. Relationship between antimicrobial susceptibility of clinical mastitis pathogens and treatment outcome in cows. J. Am. Vet. Med. Assoc. 2005;227(9):1461-8.

10 Kasravi et coll.

Guillaume Lequeux Vétérinaire au Labocea, à Fougères (Ille-et-Vilaine), membre de la commission vaches laitières de la SNGTV. Article rédigé d’après une présentation faite lors de l’ International Summit on Dairy Cattle , organisé par le laboratoire Bayer à Nantes (Loire-Atlantique), du 5 au 7 mars.