RECHERCHE
PRATIQUE MIXTE
Formation
Auteur(s) : KARIM ADJOU
L’entéropathie épizootique du lapin (EEL) est une maladie fréquente en élevage, associée à des taux élevés de mortalité (30 à 95 %). Malgré de nombreux travaux de recherche, l’agent pathogène de la maladie reste à ce jour inconnu. Si l’hypothèse virale a été rapidement écartée, l’origine bactérienne est toujours d’actualité. En effet, l’usage de certains antibiotiques (bacitracine, tiamuline) sur le terrain permet de réduire sensiblement l’expression de la maladie dans les élevages. Par ailleurs, la dysbiose, observée chez les lapins infectés, pourrait jouer un rôle majeur dans le développement de la maladie. Dans ce contexte, une équipe espagnole s’est penchée sur le rôle des bactéries intestinales dans le développement de la maladie1.
Trente-trois lapins, issus d’un croisement entre des lapins blancs et californiens de Nouvelle-Zélande, ont été inclus dans l’étude2 et divisés en trois groupes (trois expérimentations). Une surveillance des signes de la maladie, associée au contrôle de la consommation alimentaire était effectuée, une forte diminution de la consommation alimentaire étant considérée comme le premier signe détectable de la maladie. De plus, à la différence de précédentes études qui n’avaient évalué la composition du microbiote fécal qu’après le début d’apparition de la maladie, les chercheurs ont collecté des cæcotrophes3 chez un même individu avant le sevrage, 1 jour après, et tous les jours durant les 20 jours suivants. Au final, lors de la première expérience, 2 animaux sur 9 ont développé une EEL après le sevrage ; 5 lapins sur 14 dans la deuxième, et 4 lapins sur 10 dans la dernière. La maladie a été confirmée par autopsie. Tous les lapins ayant présenté une nette baisse de la prise alimentaire, ainsi que des signes compatibles avec la maladie (prostration, diarrhée), présentaient des lésions macroscopiques compatibles avec l’affection. Au contraire, aucune lésion pouvant être reliée à la présence d’autres troubles intestinaux ou maladies systémiques n’a été détectée chez les lapins malades.
Les analyses ont confirmé que la maladie était associée à une dysbiose prononcée des communautés bactériennes résidant dans le gros intestin. Ainsi, les lapins malades présentaient une moins grande diversité microbienne que ceux en bonne santé, ainsi qu’une plus grande abondance de certains taxons. De plus, les analyses ont montré qu’avant même l’apparition des premiers symptômes de la maladie (réduction de la prise alimentaire), le seul changement identifié dans le microbiote était la colonisation intestinale par une nouvelle espèce de Clostridium, détectée exclusivement chez les lapins malades4. L’espèce identifiée, nommée Clostridium cuniculi par les chercheurs, code pour plusieurs toxines putatives et est phylogénétiquement liée aux deux agents pathogènes C.
botulinum et C.
perfringens, suggérant une origine infectieuse de la maladie plutôt que liée à la dysbiose. Malgré tout, les chercheurs n’ont pas réussi à reproduire la maladie en inoculant la souche à des lapins sains, ce qui montre la nécessité de poursuivre les études afin de confirmer le rôle de la bactérie dans le développement de la maladie. Pour les auteurs, «
les résultats indiquent que la dysbiose détectée après l’initiation de la pathologie est une conséquence plutôt que la cause initiale de la maladie
». De plus, C. cuniculi apparaît comme «
un candidat potentiel impliqué dans l’initiation de l’EEL
».
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2 Sevrage à 30 jours et régime alimentaire standard, sans antibiotiques ni coccidiostatiques.
3 Les cæcotrophes ont une composition chimique et microbiologique similaire au contenu du cæcum, dans lequel ont lieu la plupart des changements pathologiques.
4 Cette bactérie a été détectée dans tous les échantillons des lapins malades avant ou le jour d’apparition de l’EEL, à l’exception d’un individu où elle a été repérée uniquement après le développement de la maladie.