DOSSIER
Est-ce si grave, docteur ? Les violences à l’encontre des professionnels de santé, y compris les vétérinaires, sont croissantes et parfois banalisées. Injures, menaces, coups, vols, etc. La qualité de soins et la relation client ne sont pas toujours à l’origine de ces situations. Le Conseil national de l’Ordre des vétérinaires sensibilise les vétérinaires afin qu’ils signalent toute agression ou incivilité afin de ne pas les banaliser.
Au quotidien, le vétérinaire peut faire face à des comportements inappropriés, pouvant aller de l’incivilité à l’agression physique. Il peut se trouver confronté à une vulnérabilité certaine face à un client ou à un visiteur malintentionné. La dramatique affaire du docteur vétérinaire Alain Ribbens (A 77) illustre cette situation. Ce praticien a été mortellement blessé à l’arme blanche, le 13 décembre 2005, par un homme déséquilibré. Ce fait divers avait particulièrement ému la profession. Que faire ? Qui contacter pour être accompagné à la suite d’une agression ou d’une incivilité ? Le Conseil national de l’Ordre des vétérinaires (CNOV) rappelle qu’il est important de signaler et de réagir afin de ne pas banaliser la violence. L’Observatoire des agressions et des incivilités, encore appelé Observatoire Ribbens, a été créé par l’Ordre des vétérinaires en 2005. Son objectif est d’assurer un suivi statistique des agressions et incivilités que subissent les vétérinaires dans leur exercice quotidien. « Les données recueillies ne sont transmises à aucun organisme et les déclarations ne figurent pas dans le dossier ordinal du vétérinaire », précise Corinne Bisbarre, conseillère à l’Ordre en charge de l’Observatoire Ribbens. Elle ajoute que les statistiques permettent au CNOV d’intervenir et de justifier certaines demandes auprès des pouvoirs publics, comme la mise en place, puis actuellement la réactivation, dans chaque département, du protocole de sécurité publique applicable aux professionnels de santé.
En 2018, le formulaire de déclaration en ligne de l’Observatoire Ribbens a été enrichi de deux rubriques. Le vétérinaire déclarant peut, via son espace privé sur le site internet du CNOV, estimer la gravité ressentie de son agression sur une échelle de 1 (peu grave) à 10 (extrêmement grave) et accepter ou refuser d’être rappelé par le référent social du conseil régional de l’Ordre des vétérinaires (Crov) de sa région ordinale dans les jours suivants. Le CNOV indique que 188 vétérinaires ont fait une déclaration d’incivilité en 2018, contre 75 en 2017. Pour l’Ordre, cette augmentation prouve que « la profession a saisi l’importance de la démarche et que désormais elle tend vers la “tolérance zéro” en matière d’agressions (verbales, comportementales, jusqu’aux menaces physiques de plus en plus souvent) et d’incivilités (celles-ci allant du fait de pas honorer un rendez-vous donné en horaire d’urgence nocturne au refus de payer ou aux propos sexistes, voire racistes). » Sur la même période, le CNOV relève que les déclarations sont dans la majorité des cas effectuées dans les 48 heures suivant l’agression ; dans 10 % des cas, l’agresseur revient à la charge dans les jours qui suivent (menaces téléphoniques ; retour à la clinique pour menacer) et l’agression donne lieu à une seconde déclaration.
Ces grandes tendances permettent à l’Ordre de prendre le pouls de la profession. Il retient notamment qu’il n’y a pas de différence significative en lien avec le mode d’exercice (rural ou canin) ou l’âge du vétérinaire agressé (de nombreuses déclarations sont faites par des vétérinaires hommes, de plus de 40 ans, exerçant en rurale). Il s’intéresse surtout à la nature des agressions qui « apparaissent comme étant de plus en plus violentes : cris, impolitesses, injures, détérioration de matériel, voire gifles. Les agressions sur Internet et le cyberbashing ou les menaces de dénigrement sur les réseaux sociaux sont en forte augmentation ». Il note que les motifs principaux ayant amené au comportement agressif sont la remise en cause des diagnostics et pronostics, le refus de payer, le fait de ne pouvoir obtenir de médicament sans examen clinique et les temps d’attente. « Environ un tiers des déclarations donnent lieu au dépôt d’une main courante, voire d’une plainte », souligne le CNOV. Enfin, désormais, les vétérinaires agressés n’hésitent plus à utiliser l’article R.242-48 alinéa V du Code de déontologie (version du 15 mars 2015) les autorisant, en dehors des cas d’urgence, à informer les propriétaires que, désormais, ils refuseront de prodiguer des soins à leur animal ou à leur troupeau.
Corinne Bisbarre indique que les vétérinaires victimes d’agressions ou d’incivilités peuvent bénéficier du protocole de sécurité des...