JURISPRUDENCE
ACTU
Auteur(s) : CÉLINE PECCAVY
Dans un récent jugement concernant la vente d’un chien qui s’est avéré atteint de dysplasie, l’acheteuse a été déboutée de toutes ses demandes de remboursement, mais également sévèrement condamnée. Explications.
Mme V, éleveuse de chiens, a cédé à Mme A, le 27 octobre 2011, un chien de race berger allemand pour la somme de 950 € et pour une destination contractuelle de compagnie.
En juin 2014, un diagnostic de dysplasie moyenne sera établi. Mme A tentera alors à l’amiable d’obtenir le remboursement du prix de vente augmenté des frais vétérinaires passés et futurs.
Aucun arrangement n’ayant été trouvé, l’affaire est venue devant le tribunal de grande instance de Troyes, les demandes étant supérieures à 10 000 €.
L’affaire est lancée le 1er juin 2017 à la fois sur le fondement des vices cachés, du manquement à l’obligation d’information du vendeur et sur le dol. N’aurait pas été signalée l’existence de dysplasie dans la lignée dont est issu le chien.
Les sommes réclamées sont les suivantes : 950 € au titre de la restitution du prix de cession, 882,50 € au titre de la prise en charge des frais vétérinaires actuels et futurs, 15 000 € au titre de la perte de chance de faire reproduire le chien acquis et 10 000 € au titre du préjudice moral.
Un total donc de près de 27 000 €. Un cas à vrai dire assez rare en matière de dysplasie du chien. En cours de procédure, le total sera porté à près de 33 000 € eu égard à l’augmentation des frais vétérinaires.
La procédure devant le tribunal de grande instance est une procédure écrite et stricte. Les magistrats sont donc attachés aux textes de loi. Le présent jugement en est une bonne illustration.
Dans le cadre des débats, Mme A a demandé à ce que soit constaté le caractère abusif d’une clause figurant dans l’acte de vente. La demande avait bien été formulée dans le corps des conclusions, mais non reprise à la fin de celles-ci. Le tribunal a été sans pitié : conformément à l’article 753 du Code de procédure civile, le tribunal est lié par le dispositif des conclusions. La demande n’y figurant pas, il ne sera pas statué dessus.
Autre débat : celui de la convention contraire de l’article L.213-1 du Code rural et de la pêche maritime (CRPM). Le Code de la consommation étant ici prescrit, la demanderesse a tenté d’aller sur le terrain du vice caché. Son argumentation sort de l’ordinaire : selon elle, il y a convention contraire implicite du fait qu’elle a engagé une action estimatoire et non rédhibitoire. Une argumentation cependant qui avait fort peu de chance d’aboutir favorablement. En premier lieu, l’acheteur n’avait pas demandé à restituer l’animal, certes, mais avait tout de même formulé une demande de remboursement intégral. On ne saisit donc pas bien où est le côté estimatoire de la requête. En second lieu, et comme l’a justement jugé le tribunal, le fait d’agir sur un fondement estimatoire n’est pas une circonstance pouvant à elle seule avoir l’effet d’écarter le régime spécial du CRPM.
La question du dol : le tribunal va tout d’abord interpeller la demanderesse sur ses fondements juridiques. En effet, tout en arguant de la réticence dolosive, l’acheteuse n’a pas visé l’article 1382 du Code civil, mais l’article 1147, relatif à la responsabilité contractuelle. Or, ce dernier est inapplicable au litige. Pour finir, le tribunal va relever qu’en tout état de cause aucune preuve de manœuvres n’est rapportée.
La question de l’obligation d’information : ici, le jugement est aussi particulièrement intéressant. Rappelons que, par arrêt du 20 septembre 2017, la Cour de cassation avait jugé que tout chien de compagnie devait pouvoir reproduire. Ici, le tribunal confirme que cette jurisprudence est isolée et juge qu’il n’existe aucune présomption d’acquisition aux fins de reproduction qui puisse « se déduire du seul fait que le chien acquis soit un chien avec pedigree ».
Au final, une acheteuse déboutée de toutes ses demandes, mais également sévèrement condamnée au titre de l’article 700 avec pas moins de 5 000 € à verser à l’éleveuse défenderesse.
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Source : commentaire du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Troyes (Aube) le 30 avril 2019.