Préparer sa retraite et réussir la transmission de son patrimoine - La Semaine Vétérinaire n° 1814 du 21/06/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1814 du 21/06/2019

PATRIMOINE

ÉCO GESTION

Auteur(s) : JACQUES NADEL  

Mieux vaut préparer la transmission de ses biens et réaliser suffisamment tôt des arbitrages sur son patrimoine, afin de pouvoir générer des revenus pour compléter sa retraite, préserver son train de vie, protéger son conjoint et transmettre une partie de son patrimoine à ses enfants dans les meilleures conditions financières. Le cas présenté ici est réel et celui d’un vétérinaire bientôt sexagénaire qui a tardé à se préoccuper de ces questions. Heureusement, le conseil sollicité va l’aider à réaliser ces différents objectifs.

Plusieurs outils juridiques permettent de les atteindre tout en bénéficiant du meilleur régime fiscal possible et sans se démunir inconsidérément. Ils offrent la possibilité d’éviter des erreurs ou même de rattraper celles déjà commises, comme c’est le cas pour ce vétérinaire quelque peu négligent qui, à quelques années de la retraite et parce qu’il vient d’hériter d’un de ses parents, commence à se soucier de la protection de son conjoint du même âge qui ne travaille plus depuis 30 ans et de la transmission du patrimoine familial à ses deux enfants.

Ayant réalisé plusieurs investissements au cours de sa carrière outre son installation en clinique vétérinaire (acquisition avec son conjoint de sa résidence principale et de deux biens immobiliers locatifs, détention d’une assurance-vie et d’un plan d’épargne en actions [PEA] à titre personnel), il décide de réaliser un audit patrimonial, fait appel pour cela à un conseil afin d’avoir également une réflexion globale sur la stratégie patrimoniale à mettre en œuvre.

Analyse du régime matrimonial

Lors de cet audit, la première analyse a porté sur le régime matrimonial du vétérinaire (la séparation de biens compte tenu de l’acquisition d’une clinique vétérinaire). Il en résulte que les biens acquis en commun sont en réalité ceux que le couple possède en indivision. Lors du premier décès, seuls seront retenus les biens du conjoint décédé. Le partage se fera entre les héritiers (enfants et conjoint survivant). L’indivision va perdurer avec d’autres détenteurs des droits. Cette situation peut fragiliser le conjoint survivant, notamment sur la résidence principale. Lors du premier décès, sans acte complémentaire favorisant le conjoint survivant, et en présence de deux enfants, il aura le choix entre l’usufruit de l’ensemble du patrimoine ou un quart en pleine propriété. Afin qu’il puisse rester autonome financièrement, le choix de l’usufruit est recommandé par les notaires. Lors du premier décès et en prenant cette option, il aura donc la pleine propriété de la moitié de la résidence et l’usufruit de l’autre moitié. Cette situation peut toutefois être pénalisante si le conjoint survivant décide de la céder pour se loger ailleurs.

Le régime matrimonial et le déséquilibre des patrimoines entre les deux époux peuvent entraîner une fragilité financière suivant l’ordre de décès. Le conseil du vétérinaire propose au couple de mettre en place une société d’acquêts qui a pour objet de créer une poche de communauté dans son régime séparatif (plutôt qu’un changement très coûteux de régime matrimonial) et, si ce n’est pas encore fait, une donation au dernier vivant. Cette dernière option permettra au conjoint survivant des choix plus larges dans la répartition du patrimoine du conjoint décédé.

Estimation de la retraite et des besoins futurs

Dans l’état actuel des textes, ce vétérinaire né en 1960 doit travailler 167 trimestres pour avoir une retraite pleine. Son relevé arrêté à 2018 totalise 142 trimestres, il en reste donc 25 à acquérir, soit 6 ans et un trimestre. Dans l’hypothèse où les 167 trimestres sont acquis, la rente de retraite sera valorisée au taux plein. Cependant, il devra attendre la fin de sa période d’activité pour connaître sa rente du régime complémentaire. Malgré tout, sur la base du document à fin 2017, la rente annuelle déjà acquise est de l’ordre de 28 800 €.

Une grande partie des ressources futures vont provenir des droits financiers de retraite accumulés au fur et à mesure du temps. Sous réserve de nouvelles dispositions, le couple disposera d’une rente annuelle brute (avant impôts sur le revenu) estimée environ à 55 000 € (50 000 € net), à laquelle il convient d’ajouter environ 12 000 € de revenus fonciers nets provenant de la location des deux appartements. Les besoins actuels du couple sont estimés à 100 000 €. Il y a donc un complément de ressources futures à trouver pour conserver le même train de vie, soit 38 000 €. Pour ce faire, il sera nécessaire de s’appuyer sur les capitaux déjà placés (assurances vie, PEA) et les capitaux futurs (héritages, vente des parts de la clinique vétérinaire, des biens immobiliers locatifs, etc.) pour que les fruits de l’ensemble puissent approcher l’objectif fixé. Le couple devra être attentif à ce que seuls les revenus (intérêts, plus-values, revenus fonciers nets) soient consommés et pas une partie du patrimoine. Bien sûr, il sera libre de puiser dans le capital à sa convenance, mais la contrepartie, c’est l’appauvrissement des ressources futures.

Estimation des placements et de leur rendement

À l’âge de 65 ans, les prêts sur les biens immobiliers locatifs seront remboursés, ceux-ci ou le placement du produit de leurs ventes compléteront les revenus nécessaires pour financer le train de vie du couple. Il est donc nécessaire d’avoir une bonne vision du rendement réel, net avant impôts, de ces biens. Le constat d’un faible rendement ne doit pas pour autant précipiter la vente des biens locatifs, mais il faut apprécier le flux financier réellement disponible au moment de la retraite.

L’assurance-vie doit rester une épargne de protection (il faut penser avec l’âge à changer le niveau de risque) pouvant servir de complément de revenus, sans perdre de vue sa capacité à transmettre un capital aux enfants et ses avantages fiscaux (aucune taxation pour le conjoint survivant qui en est le bénéficiaire, abattement de 152 500 € par enfant pour les primes versées avant 70 ans, 20 % au-delà et jusqu’à 700 000 €).

Les trois pistes envisagées : assurances-vie, SCPI et donations

La stratégie envisagée est donc de diversifier les assurances-vie tout en restant attentif au profil (équilibré de préférence) et aux choix des supports (fonds en euros, unités de compte, investissement immobilier via des parts de sociétés civiles immobilières [SCI], de sociétés civiles de placement immobilier [SCPI] ou d’organismes de placement collectif immobilier [OPCI], etc.). Le conseil du vétérinaire suggère sur ces nouveaux contrats un démembrement de la clause bénéficiaire afin de permettre une meilleure transmission aux enfants. Il recommande aussi d’acheter des parts de SCPI au travers d’une société civile patrimoniale (SCP) constituée et cogérée par le couple, afin de permettre au conjoint survivant, au premier décès, de percevoir les revenus de la société (taux de rendement net avant impôts en 2018 en moyenne de 4,40 % sur les 178 SCPI existantes). Une opération qui doit s’inscrire sur le long terme. Pour cela, le vétérinaire fera une donation de 80 724 € à son épouse en franchise de droit pour qu’elle puisse entrer à parité dans le capital de la SCP qui sera soumise à l’IS (pour profiter des 38 120 premiers euros de résultats taxés à 15 %).

Enfin, dernier point évoqué, les dons aux enfants (dons d’argent dits “Sarkozy” de 31 865 € par parent et par enfant en franchise de droits, donations notariées avec un abattement cette fois de 100 000 €, les deux renouvelables tous les 15 ans, dons de parts de la SCP qui sera logée dans la société d’acquêts). Il est recommandé de transmettre (de préférence sous forme de donation-partage) une partie des biens grâce au démembrement de propriété (au décès du donateur, l’usufruit rejoint la nue-propriété sans nouveau coût). Des actes juridiques importants à programmer dans le temps.