ÉLEVAGE
PRATIQUE MIXTE
L'ACTU
Auteur(s) : CLOTHILDE BARDE
Maintien de l’élevage herbivore sur le territoire, impact sur la biodiversité et sur l’environnement… Autant d’enjeux forts auxquels doivent répondre les acteurs de l’élevage, dont les vétérinaires ruraux.
Face à la pression sociétale de plus en plus forte exercée sur le monde de l’élevage, les professionnels du secteur doivent se positionner et faire évoluer leurs pratiques. À cet égard, les vétérinaires ont un rôle important à jouer.
Actuellement, les activités d’élevage sont fortement menacées dans les territoires ruraux, selon Laurent Rieutort, professeur de géographie à l’université Clermont Auvergne. Or, « elles ont un fort impact à la fois économique, social, culturel et environnemental ». Suivant les types de ruralités et les modèles d’élevage, « il existe une grande diversité de services “rendus” par l’élevage herbivore. C’est pourquoi des systèmes “durables” doivent être préservés », a-t-il indiqué. Dans cette mobilisation, « par leurs missions de soins et de conseils, les praticiens ruraux ont toute leur place », selon lui. Ainsi, face à la croissance continue depuis 10 ans du nombre d’élevages biologiques en France, les vétérinaires doivent développer des démarches de prévention et de conseils dans une approche globale de la santé de l’élevage, a souligné Catherine Experton, de l’Institut technique de l’agriculture biologique (Itab). En effet, « en agriculture biologique, en cas de troubles sanitaires, l’utilisation de traitements complémentaires (oligoéléments, homéopathie, plantes médicinales) doit être prioritaire selon le cahier des charges », a-t-elle ajouté. Comme en témoigne les résultats d’une étude récente1 l’usage des médicaments allopathiques est réduite de 34 % chez les éleveurs bio par rapport aux conventionnels. Par ailleurs, « pour lutter contre le parasitisme, les éleveurs bio s’orientent vers une diminution drastique, voire une suppression, de l’utilisation des traitements anthelminthiques, avec l’utilisation de méthodes alternatives (rotation rigoureuse du pâturage, utilisation de certaines plantes et évaluation fine des niveaux d’infestation) », selon Catherine Experton. C’est pourquoi, étant donné que « cette démarche demande aux éleveurs d’acquérir une technicité accrue (…), elle se traduit par une sollicitation des vétérinaires dans des domaines où ceux-ci sont généralement peu ou pas formés : gestion du pâturage, phytothérapie, méthodes de traitement sélectif, etc. »
De même, la préservation de la biodiversité est un autre grand enjeu pour le monde de l’élevage. En effet, selon Hélène Soubelet, vétérinaire à la Fondation pour la recherche sur la biodiversité, « nous assistons actuellement à une détérioration globale et sans précédent de la biodiversité, qui va beaucoup plus vite que les extinctions précédentes (vitesse 100 à 1 000 fois supérieure) ». Avec ce phénomène ce sont de nombreux services écosystémiques qui sont menacés. Or, l’agriculture et le prélèvement de la pêche étant les leviers d’action les plus importants et les plus impactants sur la biodiversité, il est nécessaire, selon elle, de développer des programmes adaptés pour les concilier. Bien que peu de vétérinaires travaillent dans ce domaine, ils ont pourtant toute leur place, a-t-elle ajouté. « De par leurs connaissances, ils peuvent se positionner aux interfaces des différentes santés (animale, humaine et environnementale) en s’intéressant notamment à l’impact des animaux domestiques (chat, principalement), dont la biomasse a été multipliée par quatre ces dernières années, sur la faune sauvage. Cette dernière est en effet passée dans le même temps d’un facteur 5 à 10 », a-t-elle indiqué. Enfin, les vétérinaires peuvent agir sur le terrain pour la maîtrise et la prévention des espèces exotiques envahissantes ou l’accompagnement de la transition agricole, avec la mise en place de nouveaux systèmes.
Afin de répondre à ces enjeux, les vétérinaires devront, par conséquent, trouver des méthodes adaptées de facturation de leur activité de conseil, mais aussi acquérir de nouvelles connaissances, a indiqué Catherine Experton. «
Les sollicitations de la part des éleveurs bio seront ainsi une occasion pour le vétérinaire d’expérimenter de nouvelles approches dans la gestion du parasitisme, par exemple, qu’ils pourront réinvestir auprès des éleveurs conventionnels, qui seront confrontés tôt ou tard à des parasites résistants
aux
molécules
anthelminthiques
», selon elle. « Le travail avec des éleveurs en agriculture biologique représente un défi stimulant sur un plan technique, mais aussi par les modalités nouvelles de collaboration qu’il implique pour les vétérinaires », a-t-elle conclu.
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1 Étude menée en région Auvergne-Rhône-Alpes, par la Fédération des éleveurs et vétérinaires en convention (Fevec), dans 292 élevages adhérents aux groupements conventionnés.
QU’EN EST-IL DE L’ENJEU CLIMATIQUE ?
UN PROGRAMME RÉGIONAL POUR LIMITER L’EMPREINTE CARBONE DES ÉLEVAGES BOVINS