MANAGEMENT
ÉCO GESTION
Auteur(s) : FRANÇOISE SIGOT
Peur de devoir modifier à grands frais son organisation, crainte de mal faire, difficultés à bien appréhender les obligations : l’emploi des travailleurs handicapés souffre de mille et un tabous qui freinent son développement. Les idées reçues sont comme souvent bien loin de la réalité.
Selon les chiffres du ministère du Travail, le nombre de travailleurs handicapés progresse légèrement ces dernières années. Ainsi, en 2016, le taux d’emploi direct des travailleurs handicapés était de 3,5 % en équivalent temps plein, soit une augmentation de 0,5 % par rapport à 2011. Pour autant, ce taux reste faible et même si la loi l’impose (encadré) aux entreprises de plus de 20 salariés, l’embauche de personnes porteuses d’un handicap n’est pas encore vraiment une réalité. Loin de la discrimination, les freins sont semble-t-il souvent liés à une méconnaissance des dispositifs d’accompagnement financiers et autres qui sont à disposition des entreprises. De fait, beaucoup d’employeurs imaginent que l’embauche et l’intégration ou le maintien dans l’emploi d’un travailleur handicapé sont un parcours du combattant, alors qu’il s’agit d’un exercice plutôt bien accompagné.
L’accompagnement débute dès les premières démarches avec des interlocuteurs spécialisés dans l’embauche de ce type de public. « Pour réaliser une recherche de candidats ciblée sur les travailleurs handicapés Cap emploi est l’interlocuteur de référence qui se charge de l’accompagnement des personnes en situation de handicap. Il est également possible de s’adresser à Pôle emploi ou aux missions locales », explique Hugues Defoy, directeur de la mobilisation du monde économique et social à l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des handicapés (Agefiph). La procédure de recrutement, de l’entretien à la signature du contrat de travail, se déroule parfaitement à l’identique de toute démarche de ce type. Il en va de même pour le contrat de travail. « L’employeur embauche d’abord un salarié, donc il n’existe aucune procédure de recrutement particulière et le contrat de travail obéit lui aussi aux mêmes règles que celles qui sont fixées pour tous les contrats de travail, que celui-ci soit un CDI ou un CDD à temps partiel ou à temps complet », souligne Hugues Defoy. Ainsi, le recrutement d’un travailleur handicapé répond aux mêmes exigences et aux mêmes enjeux que celui de n’importe quel autre collaborateur, c’est pourquoi les questions liées au handicap ne doivent qu’intervenir dans un second temps. Une fois que le profil correspondant aux besoins du poste aura été identifié. Car travailleur handicapé ou pas, l’objectif d’un recrutement est bien de parvenir à une parfaite adéquation entre les compétences et le poste de travail.
Parmi les sujets à aborder en marge de l’embauche, figure bien évidemment celui de l’accompagnement financier. L’intégration d’une personne handicapée exige parfois des adaptations dans le temps de travail ou le poste, ces aides permettent de les réaliser. Celles de l’Agefiph s’adressent à toutes les entreprises privées, qu’elles soient soumises ou non à l’obligation d’emploi de personnes handicapées. En revanche, elles ne sont pas systématiques, sauf pour les contrats de professionnalisation ou d’apprentissage d’au moins six mois. Il s’agit dans ces cas de 3 000 € pour un contrat d'apprentissage et de 4 000 € pour un contrat de professionnalisation. La plupart du temps, ce sont les organismes qui ont accompagné la procédure de recrutement (Cap emploi, Pôle emploi, etc.) qui prescrivent ces aides. Elles sont délivrées par l’Agefiph au terme d’une procédure d’instruction d’un dossier de demande de l’aide souhaitée. « Ces aides visent à faciliter l’intégration des travailleurs handicapés. L’Agefiph les accorde au regard de différents critères d’éligibilité », précise le directeur de la mobilisation du monde économique et social à l’Agefiph. Les aides les plus mobilisées (qui peuvent d’ailleurs se cumuler) sont l’aide à l’emploi des travailleurs handicapés (AETH) et l’aide à l’accueil, à l’intégration et à l’évolution professionnelle d’un travailleur handicapé. Le montant de la première est calculé sur la base du salaire, tandis que celui de la seconde est forfaitaire.
L’employeur d’un travailleur handicapé peut également bénéficier d’aides pour lui permettre d’adapter le poste de travail, ou l’organisation afin de pallier le handicap de son salarié. Mais là aussi, contrairement aux craintes d’une majorité d’employeurs, près de 90 % des travailleurs handicapés n’ont pas besoin d’un aménagement de poste. Dans d’autres cas, seules de légères adaptations sont nécessaires (modification des horaires de travail, réorganisation physique de l’espace de travail, etc.) pour aider ces personnes à mener à bien leurs missions quotidiennes. Par ailleurs, si ce besoin se fait sentir, au-delà des aides financières, il est aussi possible de bénéficier d’un accompagnement technique et de conseils en organisation du travail afin de bien paramétrer les aménagements aux besoins de la personne handicapée. Et en la matière, le sur-mesure est souvent indispensable. « Nous sommes en mesure de financer à la fois la prestation d’un conseil et aussi des adaptations du poste de travail. Le montant de l’aide à l’adaptation du poste de travail n’est pas plafonné, l’objectif étant de calibrer notre réponse au plus près des besoins », explique Hugues Defoy.
Ces dispositifs permettent de déployer les mesures pour bien accueillir un travailleur handicapé, mais parfois, il ne s’agit pas d’intégrer une personne nouvelle, mais de répondre à un accident de la vie amenant un handicap à l’un des collaborateurs déjà présents. Ces mêmes dispositifs peuvent alors être mis en œuvre. Les mêmes acteurs sont impliqués avec le renfort du médecin du travail qui peut lui aussi apporter des conseils sur la façon d’aménager le poste de travail. Reste enfin une dernière étape visant à suivre l’évolution du travailleur handicapé dans son emploi. En effet, l’état de santé de ce collaborateur peut nécessiter le rajustement au fil du temps de certains aménagements. Là encore, le médecin du travail et l’Agefiph restent les acteurs de référence pour conduire ce travail.
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