DOSSIER
Auteur(s) : JEAN-PAUL DELHOM
Le haut-commissaire à la réforme des retraites a terminé ses consultations et devrait rendre son rapport sur la réforme des retraites prochainement. La Caisse autonome de retraites et de prévoyance des vétérinaires (CARPV) est engagée aux côtés d’autres caisses de retraite de professionnels libéraux au sein de l’association Pro’Action Retraite et souhaite participer aux débats indispensables qui doivent accompagner le projet de réforme en cours. Dans ce cadre, un colloque a été organisé le 25 juin à Paris.
Les consultations sont terminées. Le rapport du haut-commissaire à la réforme des retraites, Jean-Paul Delevoye, est désormais attendu. Après une période de discussions et d’arbitrages, un projet de loi sera soumis au parlement début 2020. La Caisse autonome de retraites et de prévoyance des vétérinaires (CARPV), engagée aux côtés d’autres caisses de retraite de professionnels libéraux, au sein de l’association Pro’action Retraite souhaite participer aux débats. Dans ce cadre, un colloque rassemblant près de 500 personnes a été organisé le 25 juin au palais Brongniart à Paris, intitulé : « La protection sociale des indépendants et libéraux : quelle réforme des retraites ? »
Dans son programme présidentiel, Emmanuel Macron, s’est engagé à réformer le système de retraite, à renforcer les solidarités, l’équité, à apporter la garantie d’une lisibilité pour rétablir la confiance de tous, a rappelé en introduction Béatrice Créneau-Jabaud, présidente de Pro’Action Retraite. L’autre grand changement de la réforme sera le remplacement du système par annuités par un système par points : un actif cotise et accumule chaque année un nombre de points qui sera transformé en pension mensuelle une fois l’âge de la retraite atteint. Cette réforme pourrait aussi créer un âge pivot de départ à la retraite. « Le principe d’équité serait entaché si l’on exige des professionnels indépendants qu’ils contribuent, sans contrepartie, au financement des pensions servies à des retraités partis en retraite à 57 ans, hors situation de pénibilité, a expliqué Béatrice Créneau-Jabaud. Pro’Action Retraite souhaite s’ins crire dans le processus du président. Depuis 18 mois, les spécificités des indépendants non prises en compte, la stratégie de communication laissant présager un passage en force, ont participé à la création de Pro’Action Retraite qui, si elle ne refuse pas la réforme, demande une démarche ouverte en fonction des attentes des professionnels indépendants et libéraux » 1. Ils supportent seuls leurs investissements et leurs retraites. Les caisses de retraite ont généré des réserves qui participent à l’économie du pays : pourquoi vouloir les supprimer ?
En matière de retraites, l’universalité qui préside à la réforme ne doit signifier en aucun cas unicité ou uniformité. Les professionnels indépendants sont attachés à un système de retraite qui prend en compte tout à la fois les spécificités de leurs activités et l’indépendance de leurs modalités d’exercice.
Ils sont attachés à la gouvernance par leurs pairs de ce système et soulignent l’importance du lien entre leur capacité contributive (investissements) et le développement de leurs activités depuis la création jusqu’à la cessation d’activité, voire au-delà avec la retraite et la réversion.
Depuis la crise de 2008, la croissance faible est devenue une nouvelle normalité. L’endettement record français continue de croître, contrairement à la moyenne des pays européens. Une incertitude croissante génère une diminution de la confiance. En revanche, les taux d’intérêt durablement faibles favorisent les investissements.
Le rapport démographique se détériore, déplaçant le problème du chômage vers celui de la retraite. La richesse est détenue essentiellement par les seniors. Il existe une inégalité professionnelle devant l’espérance de vie à 35 ans, selon les catégories professionnelles, et aussi selon le parcours (33 ans pour les hommes inactifs, contre 45 ans pour les employés).
Pour Denis Ferrand, directeur général de COE-Rexecode, la démographie, la diminution de la productivité, le niveau d’endettement record et la présence plus importante des états dans l’économie, la globalisation, la contagion des crises financières impactent durablement les cycles économiques. Si la réduction des dépenses s’impose, la baisse du nombre de fonctionnaires ou la désindexation des retraites peut générer des manifestations. L’allongement de la durée de cotisation diminuera les dépenses et augmentera les recettes.
Aujourd’hui, l’économie numérique change complètement la donne (différentes manières de consommer, d’être actif, augmentation des métiers de proximité). Il est nécessaire d’y associer des outils de protection sociale pour s’adapter à cette nouvelle économie et ne pas passer à côté des espoirs de croissance.
Pour Bertrand Candelon, de l’Institut Louis-Bachelier, les quatre piliers de la retraite sont :
- pilier 1 : le minimum vieillesse,
- pilier 2 : les pensions liées aux cotisations passées,
- pilier 3 : l’épargne individuelle,
- pilier 4 : les revenus du travail (cumul emploi retraite).
Le pilier 1 lutte contre la pauvreté, c’est un système de solidarité. Il ne prend pas en compte les inégalités professionnelles. Il s’agit d’une gestion étatique.
La retraite complémentaire obligatoire, grâce à la contribution employeurs-employés, permet de prendre en compte les inégalités professionnelles. L’État peut garantir une partie des fonds et impose un taux de couverture minimum. Un système équivalent doit être mis en place pour les inactifs et pour les fonctionnaires (l’État étant employeur).
L’épargne individuelle non obligatoire, mais avec une incitation fiscale, flexible pour le budget public, peut inciter les jeunes à l’épargne. L’épargne et le travail volontaire sont neutres pour le budget public et permettent d’intégrer l’expérience des seniors dans l’économie d’un pays. Des questions se posent quant au poids à attribuer à chaque pilier, à l’arbitrage entre revenu et âge de départ à la retraite et à la façon d’assurer la période de transition.
« Cette réforme, si elle semble obligatoire, doit être juste, efficace et courageuse, a estimé Xavier Bertrand, ancien ministre, président du conseil régional des Hauts-de-France. C’est une réforme que je suis prêt à accompagner, mais pas à n’importe quel prix ». Et de poursuivre : « En matière de retraites, l’équation est très simple : soit vous touchez moins, soit vous travaillez un peu plus longtemps. » Il y a deux façons de le faire : « Soit l’allongement de la durée de cotisation, soit le relèvement de l’âge légal », a-t-il ajouté, exprimant sa préférence pour la première option, qui « dégage très clairement des marges de manœuvre beaucoup plus importante ».
Elles faciliteront une mise à terme de nombreuses injustices, comme la compensation des inégalités salariales hommes/femmes. Elles permettront de tenir compte de la pénibilité de certaines professions et de reconsidérer le montant indécent des pensions de certains indépendants, sans parler des femmes de commerçants, même avec un statut de collaborateur.
L’ancien ministre a prévenu, bien que favorable au système par points : « Ce serait facile d’ajuster les choses le plus discrètement possible en fonction de la valeur du point », avec un risque d’une baisse généralisée des pensions. C’est la raison pour laquelle ce système « doit être piloté de façon indépendante et en dehors du pouvoir politique », puisque « la responsabilité n’est pas l’apanage du monde politique ».
L’effort demandé doit être fait par tous et doit prendre en compte clairement le problème des régimes spéciaux et de la fonction publique.
« Je suis pour qu’il y ait une garantie constitutionnelle, afin qu’on puisse sanctuariser, sacraliser dans la constitution le niveau de vie des retraités ».
Xavier Bertrand n’est pas convaincu par la piste d’un « âge d’équilibre » avancée par le gouvernement, qui pourrait se traduire par une décote-surcote au-delà de l’âge légal maintenu à 62 ans.
D’autre part, le président des Hauts-de-France affirme que la justice sociale est avant tout de ne plus financer les retraites par de la dette.
René-Paul Savary, sénateur de la Marne, estime qu’une réforme universelle et non unique doit tenir compte des régimes spécifiques. Le système à trois plafonds annuels de la Sécurité sociale (Pass) laisse peu de place à la capitalisation.
Pour Pierre Mayeur, directeur général de l’Organisme commun des institutions de rente et de prévoyance (Ocirp), la population étant formée de salariés (70 %), de fonctionnaires (25 %) et d’indépendants, un régime universel ne serait pas juste et ne pourrait donner la confiance nécessaire à la population. Pour les grands principes (chômage, maladie, maternité), il y aura toujours consensus de l’ensemble des professionnels.
François Courouble, de la Caisse autonome de retraites et de prévoyance des vétérinaires (CARPV), estime que de nombreux indépendants cotisent déjà à plusieurs caisses au cours de leur vie professionnelle et une unification pour simplifier est souhaitable. Une très grande majorité d’indépendants souhaitent conserver leurs pairs comme interlocuteurs. À cotisation égale, compte tenu de la démographie, les pensions vont baisser. Le passage d’un taux de 14 à 28 % est impossible à tenir (absence de la part employeur chez les indépendants). La proposition est d’avoir une solidarité avec l’ensemble des travailleurs jusqu’à une fois le Pass, avec un taux de cotisation qui ne peut être le même pour les libéraux et les salariés.
Hervé Novelli, ancien ministre, estime que la révolution numérique va augmenter le nombre de micro-entrepreneurs et donc la proportion des indépendants dans notre pays. La réforme universelle considère l’ensemble des actifs comme une seule classe de travailleurs, mais la philosophie d’un indépendant n’est pas celle d’un salarié. « Il faut donc penser à la protection sociale de ces nouveaux statuts : dans une économie de service, le plus important, c’est la prestation et non pas le nombre d’heures travaillées. Les politiques doivent prendre en compte le rapport des forces sans oublier l’évolution sociétale. »
Éric Chevée, vice-président de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), propose un système de base avec une gouvernance large (partenaires sociaux, gouvernement, parlementaires). En revanche, le système complémentaire serait géré par les caisses de chaque branche.
Pour le représentant de Force ouvrière (FO), Philippe Pihet, un système à trois Pass « tuera » le régime Agirc-Arcco (Association générale des institutions de retraite des cadres-Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés), et n’a d’autres intérêts que d’éviter la formation d’une caisse complémentaire pour les fonctionnaires. FO est opposé à un système par capitalisation obligatoire.
Pour Jean-Claude Spitz, président de la Caisse d’assurance vieillesse des experts-comptables et des commissaires aux comptes (Cavec), l’enjeu est aussi sociétal : voulons-nous une société tout étatique ou ayant une part de flexibilité ?
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1D’après l’enquête de mars 2019 réalisée auprès de 160 000 indépendants. Voir La Semaine Vétérinaire n° 1802 du 29/3/2019, pages 10 et 11.
SONDAGE HARRIS INTERACTIVE : 88 % DES INDÉPENDANTS DÉFENDENT LES SPÉCIFICITÉS DE LEUR SYSTÈME DE RETRAITE
LE SCÉNARIO ALTERNATIF DE PRO’ACTION RETRAITE