ANALYSE
PRATIQUE MIXTE
Formation
Auteur(s) : ANNE COUROUCÉ
Le traitement de la fourbure est un important challenge pour les vétérinaires. Une meilleure compréhension de la pathogénie et du diagnostic de la fourbure a permis de découvrir de nouvelles voies pour le traitement, voire pour la prévention de cette affection. Cet article (Bamford 2019) permet une revue d’un certain nombre d’articles récemment publiés qui représentent un intérêt majeur tant pour la pratique quotidienne des vétérinaires que pour leur approche novatrice et prometteuse pour le futur.
La fourbure endocrinienne souvent associée au syndrome métabolique équin (SME), caractérisé par des équidés obèses et présentant une insulinorésistance, est fréquente dans la population équine.
Morgan et coll. (2016)1 décrivent les mesures pratiques pouvant être mises en place pour traiter des chevaux et des poneys atteints de SME. Les recommandations comprennent un apport réduit de foin à raison de 1,5 % du poids vif, trempé au préalable dans l’eau si possible, la restriction, voire l’interdiction d’accéder à une pâture, et l’apport d’un complément alimentaire pour équilibrer la ration. Un exercice régulier adapté à l’individu représente également un axe primordial du traitement lorsque cela est réalisable. Chez tous les animaux suivis dans cette étude, la note d’état corporel a diminué et la sensibilité à l’insuline s’est améliorée. C’est donc un succès, obtenu grâce à l’approche proactive des auteurs qui a permis d’optimiser la collaboration des propriétaires (éducation dans un premier temps, puis suivi dans un deuxième temps). Ainsi, il apparaît que le contrôle de la ration et l’exercice sont des facteurs clés de la gestion des poneys et chevaux présentant un SME.
Lynden et coll. (2018)2 ont cherché à comprendre le rôle des maréchaux-ferrants dans la prévention de la fourbure au travers d’une enquête menée auprès de maréchaux et de propriétaires. Cette enquête a mis en évidence que les maréchaux tendaient à agir d’une manière technique, alors que les propriétaires étaient plus tournés vers le bien-être de leur animal. Au vu de ces résultats, il semble très important de développer de bonnes relations entre vétérinaires et maréchaux, mais aussi avec les propriétaires, afin de permettre la mise en place de stratégies de traitement mais aussi de prévention de la fourbure.
Le type de ferrure thérapeutique mis en place chez des animaux fourbus chroniques est un domaine assez controversé. Sleutjens et coll. (2018)3 ont étudié l’effet de ferrures thermoplastiques, pouvant se mouler et se fixer avec de la colle sur des poneys shetlands normaux, d’une part, et obèses et présentant une hyperinsulinémie, d’autre part. La cinématique du pied était étudiée en faisant marcher et trotter les poneys sur des plateformes de force, avant et après la mise en place de cette ferrure. Le premier résultat important de cette étude était une différence de poids sur les pieds entre le “pied nu” des poneys normaux et des poneys obèses, indiquant l’existence probable d’une fourbure subclinique chez les poneys obèses. Le second résultat était une amélioration du confort après ferrure, notamment dans le groupe des poneys obèses.
L’échec d’une bonne gestion de la douleur est une raison fréquente d’euthanasie chez des chevaux présentant une fourbure. Des protocoles d’analgésie de chevaux atteints de douleurs aiguës sont bien décrits dans le cadre d’une hospitalisation avec des molécules administrées en perfusion. Toutefois, les options de traitement de la douleur associée à une fourbure chronique chez un cheval sur le terrain sont généralement limitées à des formulations par voie orale. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) sont utilisés fréquemment, mais ils ne permettent pas toujours de gérer la douleur correctement et peuvent présenter des effets secondaires lors d’administration prolongée. Ainsi, il existe un besoin pressant d’identifier des traitements pouvant apporter une analgésie efficace aux chevaux présentant une fourbure chronique.
Le tramadol est un analgésique agissant au niveau central comme un agoniste des récepteurs opioïdes et un inhibiteur de la réutilisation de la monoamine (sérotonine et noradrénaline) au niveau des synapses. La pharmacocinétique et la pharmacodynamique du tramadol ont été étudiées avec attention chez le cheval avec peu d’évidence que cela apporte une analgésie lorsqu’il est utilisé comme monothérapie. Guedes et coll. (2016)4 ont étudié l’effet analgésique potentiel du tramadol chez des chevaux atteints de fourbure chronique. Quatre chevaux fourbus chroniques ont reçu du tramadol par voie orale deux fois par jour pendant 7 jours soit à la dose la plus faible de 5 mg/kg, soit à la plus élevée de 10 mg/kg. Cette dernière a apporté une amélioration modérée de la fréquence de transfert de poids d’un pied sur l’autre. Il n’y avait pas d’amélioration avec la dose la plus faible. Ces données indiquent qu’il est nécessaire de poursuivre les recherches sur le tramadol comme part d’un arsenal thérapeutique multimodal. Il convient également d’évaluer les effets secondaires du tramadol sur le système digestif, car des bruits digestifs diminués et des signes de colique transitoires ont pu être observés.
Les epoxy fatty acids (EpFAs), produits par le métabolisme de l’acide arachidonique par les époxygénases, ont été étudiés avec attention, car il a été reconnu qu’ils réduisent la douleur et l’inflammation. Les EpFAs sont métabolisés en des molécules moins bioactives en soluble époxyde hydrolase (sEH), et donc l’inhibition de la sEH a été étudiée dans des modèles expérimentaux pour le traitement de l’inflammation et de la douleur neuropathique. Guedes et coll. (2017)5 ont envisagé la sEH comme une cible thérapeutique pour apporter de l’analgésie aux chevaux présentant de la fourbure chronique. Ils ont tout d’abord mis en évidence une augmentation de l’activité de la sEH au sein des lamellae des chevaux avec fourbure chronique comparés aux chevaux normaux. Dix chevaux atteints de fourbure ont reçu une dose d’inhibiteur de la sEH par voie intraveineuse, tandis que les traitements prescrits par leur vétérinaire étaient poursuivis. La douleur évaluée par un score de douleur et la fréquence de piétinement d’un pied sur l’autre, était améliorée de façon mineure chez certains chevaux traités avec l’inhibiteur de la sEH. L’absence de groupe de contrôle, le fait que d’autres médicaments étaient administrés parallèlement et qu’il n’y a pas eu d’évaluation en aveugle ont été reconnus comme des facteurs limitants de cette étude par les auteurs. Néanmoins, ces données apportent une base encourageante pour effectuer d’autres études sur le sujet.
L’hypothermie des pieds est la seule intervention thérapeutique prouvée pour réduire la sévérité du sepsis lié à la fourbure lors d’études expérimentales et pour diminuer l’incidence de la fourbure chez des chevaux présentant des colites. L’évidence actuelle soutient les recommandations qu’une hypothermie efficace doit résulter en une température en dessous de 10 °C pendant le traitement. Ainsi, le choix de la méthode permettant d’atteindre une telle hypothermie au niveau du pied est un élément essentiel pour les vétérinaires équins. Dans une étude récente, van Eps et Orsini (2016)6 ont comparé sept méthodes visant à refroidir le pied du cheval. La température du sabot (hoof wall surface temperatures ou HWST) était mesurée chez quatre chevaux soumis à chacune des méthodes de cryothérapie dans une étude randomisée. L’application de pains de glace sur le sabot seulement ou sur le sabot et la portion distale du membre était peu efficace et permettait d’atteindre avec difficulté une température en dessous de 20 °C. Une “botte de glace” incorporant le membre distal mais pas le sabot était également inefficace pour baisser la température en dessous de 20 °C. L’immersion du pied et d’une partie distale du membre dans de l’eau avec de la glace a permis d’atteindre d’excellents résultats pour maintenir la température du pied en dessous de 5 °C. Un prototype de botte incorporant un circuit réfrigérant a également donné de bons résultats. Burke et coll. (2018)7 ont évalué ces “bottes de glace” sur la partie distale du membre mais pas sur le pied. Ils ont mesuré la température au sein des lamelles du pied en insérant des thermocouples dans les lamellae dorsales. À l’inverse de van Eps and Orsini, qui ont trouvé que ces bottes étaient inefficaces pour faire diminuer la température du pied en dessous de 20° C, la température au sein des lamelles étaient d’environ 10 °C, tant chez les chevaux normaux que chez ceux recevant des endotoxines par voie intraveineuse. L’hypothèse était que le sang artériel était suffisamment refroidi avant qu’il ne rentre dans le pied et qu’il ne perfuse les lamellae. D’autres études seront nécessaires pour comparer la température du pied et des lamelles dans ce type d’études.
La thérapie génique est un domaine de recherche pour le traitement d’un certain nombre d’affections chez l’homme, incluant des affections génétiques et des cancers. Mason et coll. (2017)8 ont publié une étude qui recherche des marqueurs géniques dans le pied du cheval. En utilisant des vecteurs viraux recombinants administrés par perfusion régionale sur les membres distaux, la présence de transgènes a pu être mise en évidence dans de nombreuses régions du pied incluant les lamellae. L’objectif de ce groupe de recherche, à long terme, est de développer des thérapies géniques pour la prévention de la fourbure d’appui, mais également toute autre forme de fourbure.
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1 Morgan R.A., Keen J. A., McGowan C.M. Treatment of equine metabolic syndrome: a clinical case series. Equine Vet J. 2016;48(4):422-426.
2 Lynden J., Ogden J., Hollands T. Contracting for care - the construction of the farrier role in supporting horse owners to prevent laminitis.
Equine Vet J. 2018;50(5):658-666.
3 Sleutjens J., Serra Bragança F. M., van Empelen M. W. et coll. Mouldable, thermoplastic, glue-on frog-supportive shoes change hoof kinetics in normal and obese Shetland ponies. Equine Vet. J. 2018;50(5):684-689.
4 Guedes A., Knych H., Hood D. Plasma concentrations, analgesic and physiological assessments in horses with chronic laminitis treated with two doses of oral tramadol. Equine Vet. J. 2017;49(3):345-351.
5 Guedes A., Galuppo L., Hood D. et coll. Soluble epoxide hydrolase activity and pharmacologic inhibition in horses with chronic severe laminitis. Equine Vet. 2017;49(3):345-351.
6 van Eps A.W., Orsini J. A. A comparison of seven methods for continuous therapeutic cooling of the equine digit. Equine Vet. J. 2016;48(1):120-124.
7 Burke M. J., Tomlinson J. E., Blikslager A.T. et coll. Evaluation of digital cryotherapy using a commercially available sleeve style ice boot in healthy horses and horses receiving i.v. endotoxin. Equine Vet. J. 2018;50(6):848-853.
8 Mason J. B., Gurda B. L., Van Wettere A. et coll. Delivery and evaluation of recombinant adenoassociated viral vectors in the equine distal extremity for the treatment of laminitis. Equine Vet J. 2017;49(1):79-86.
Article rédigé d’après Bamford N. J., « Clinical insights: treatment of laminitis ». Equine Vet. J. 2019;51(2):145-146.
LES CONCLUSIONS CLINIQUES