« Dès lors qu’un conseil est personnalisé, il s’agit d’une consultation » - La Semaine Vétérinaire n° 1820 du 20/09/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1820 du 20/09/2019

ENTRETIEN AVEC DENIS AVIGNON

ACTU

Auteur(s) : PROPOS RECUEILLIS PAR TANIT HALFON 

Lors de la journée consacrée à la e-santé animale de l’université d’été de Castres (2 au 4 juilllet), Denis Avignon, vice-président de l’Ordre national des vétérinaires, a mis en garde les praticiens donnant des conseils vétérinaires en ligne personnalisés. Dans ce cadre, il refait le point sur la télémédecine vétérinaire.

Comment définir la télémédecine vétérinaire et quelles sont les différences avec la télémédecine humaine ?

Nous suivons les mêmes définitions qu’en médecine humaine (encadré). Il s’agit de la médecine vétérinaire qui utilise les nouvelles technologies de l’information et de la communication. Elle doit se faire lors d’un contrat de soins, avec un suivi régulier de l’animal. Les délais entre le dernier examen d’un troupeau ou d’un animal et la téléconsultation restent encore à définir, mais, a priori, ils seraient de l’ordre de 6 à 12 mois.

Lors du congrès de Castres, vous avez annoncé que la législation sur la télémédecine ne verrait pas le jour avant 2021. En pratique, cela implique donc encore des interdits. Quels sont-ils ?

Ce qui est théoriquement interdit est la téléconsultation. Il convient donc d’être vigilant sur le téléconseil. Un conseil doit rester général. Dès lors qu’il est personnalisé, il s’agit d’une consultation. En outre, en clinique, en cas d’appel d’un client, la conversation rentre dans le cadre de l’exercice classique d’un établissement de soin. à noter que la télérégulation est autorisée. Cette forme de télémédecine correspond uniquement à des situations d’urgence ou présumées comme telles. Le Conseil de l’Ordre a validé, depuis 2016, plusieurs sociétés d’exercice qui en font et qui sont, de fait, bien inscrites au tableau de l’Ordre.

Qu’en est-il de l’outil chatbot 1 ?

Lorsqu’il se cantonne à des conseils hypergénéralistes et qu’il oriente très rapidement vers le vétérinaire en cas de problème, cet outil est tout à fait envisageable. Cela relève du téléconseil vétérinaire, l’objectif ici étant d’alléger un peu le secrétariat. En revanche, la responsabilité est bien identifiée : il s’agit d’un outil mis en place par un établissement de soins, dans lequel il y a un vétérinaire inscrit à l’Ordre… donc d’un service rendu dans le cadre de la pratique vétérinaire. En cas de dysfonctionnement, le praticien aura sa responsabilité engagée au même titre qu’un mauvais conseil de l’auxiliaire spécialisé vétérinaire.

Au congrès, vous avez évoqué le fait que l’Ordre serait prêt à sanctionner des praticiens qui feraient du conseil vétérinaire personnalisé en ligne. Qu’en est-il ?

Actuellement, nous faisons face à un essor de plateformes spécialisées dans le conseil vétérinaire. Parfois, elles dérapent. Nous veillerons à ce qu’il n’y ait pas de dérives. Si après un premier avertissement, certains confrères continuent à faire du conseil vétérinaire personnalisé, il pourrait y avoir des actions disciplinaires. Pour l’instant, il n’y aucune sanction en cours.

Pourquoi est-ce important de légiférer sur la télémédecine ?

En réalité, ce n’est plus une question. La télémédecine est nécessaire. Technologiquement, tout le monde est prêt. Le propriétaire l’est psychiquement et techniquement. Côté vétérinaire, certains ont compris que c’était un enjeu important. Le modèle économique existe, en témoigne les exemples aux états-Unis et en Australie. Il faut le voir comme un outil supplémentaire dans la trousse du praticien.

1 Un premier chatbot vétérinaire français a été présenté à l’université d’été de Castres.

LES DIFFÉRENTES COMPOSANTES DE LA TÉLÉMÉDECINE

L’Ordre national des vétérinaires entend suivre les définitions du Code de la santé publique concernant la télémédecine. Cette dernière comporte cinq composantes, définies par décret1 :
- la téléconsultation : il s’agit d’une consultation effectuée à distance. Dans ce cadre, et comme il est indiqué dans la définition légale de la télémédecine2, il est possible « d’établir un diagnostic, d’assurer, pour un patient à risque, un suivi à visée préventive ou un suivi post-thérapeutique, de prescrire des produits, de prescrire ou de réaliser des prestations ou des actes (…). »
- la téléexpertise : il s’agit du cas où un professionnel médical sollicite à distance l’avis d’un confrère pour la prise en charge d’un patient. Elle est déjà en place en médecine vétérinaire, notamment pour l’imagerie, et implique un consentement éclairé du client ;
- la télésurveillance médicale : ici, le professionnel médical est autorisé à interpréter à distance les données nécessaires au suivi médical d’un patient, et de prendre des décisions. En médecine vétérinaire, il s’agira notamment du suivi sanitaire permanent des animaux de rente, ou de celui des animaux de compagnie atteints de maladie chronique. Le cadre législatif reste à définir ;
- la téléassistance médicale : elle consiste en une assistance à distance d’un professionnel médical par un autre professionnel de santé, au cours de la réalisation d’un acte. Selon Denis Avignon, vice-président de l’Ordre des vétérinaires, elle aura sa place lorsque la technologie sera suffisamment mature ;
- la régulation médicale : c’est la réponse médicale qui est donnée dans le cadre de l’activité des centres 15. En médecine vétérinaire, elle est autorisée (entretien ci-dessus).
1 bit.ly/2LlmLwd.
2 bit.ly/30Xp7rm.