De nouveaux services vétérinaires grâce aux données d’élevage - La Semaine Vétérinaire n° 1821 du 27/09/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1821 du 27/09/2019

CONFÉRENCE

PRATIQUE MIXTE

Formation

Auteur(s) : CLOTHILDE BARDE 

Le contexte économique actuel contraint l’ensemble de la filière d’élevage de vaches laitières à se réorganiser. Le praticien vétérinaire n’échappe pas à cette règle.

Des données disponibles en grand nombre

En effet, face à l’émergence de nouvelles exploitations dont les troupeaux augmentent en taille, les atteintes subcliniques de groupe, aux répercussions économiques lourdes en l’absence de traitements précoces, sont de plus en plus fréquentes. Pour les identifier et les caractériser, les éleveurs disposent actuellement d’une grande masse de données d’élevage (traite, alimentation, reproduction, génétique, etc.). Or, même si de prime abord ces informations paraissent difficiles d’accès et compliquées à interpréter, elles peuvent permettre aux vétérinaires de compléter leurs observations cliniques. Pour faire face à une concurrence importante d’autres acteurs de l’élevage, ils devront être de véritables “ingénieurs d’élevage” et utiliser les données à disposition. Ils pourront mettre à profit leur formation pour les synthétiser et les interpréter très rapidement, et fournir aux éleveurs des notions techniques utiles, voire indispensable car rentables.

Une vision globale de l’élevage

À cet égard, le conférencier conseille aux praticiens de développer une nouvelle offre de services répondant aux besoins précis de chaque éleveur à l’aide de logiciels de collecte et d’analyse des données d’élevage. Ces derniers permettent de valoriser les informations très rapidement et simplement et de sensibiliser l’éleveur sur les points à améliorer dans son exploitation. Le principe général proposé est, mensuellement, de modéliser les vaches individuellement sous forme de « trois usines : un rumen, un foie et une mamelle ». Puis les données numériques utiles sont ensuite mises à profit pour faire apparaître une vache moyenne virtuelle de l’élevage, baromètre du troupeau, qui permettra d’avoir une idée précise de l’état de santé du rumen, du foie et de la mamelle moyens de l’exploitation dans le temps pour pouvoir ensuite orienter les analyses à effectuer et redescendre au niveau individuel pour traiter.

Mise en application avec Ubroscan

Ainsi, en utilisant le logiciel Ubroscan1, les praticiens obtiennent un tableau de bord mensuel de la santé mammaire, mais aussi une vision d’ensemble de l’élevage d’un point de vue subclinique. Au niveau hépatique, le rapport des taux butyreux (TB) individuels sur celui des protéines (TP) du lait en fonction des jours de lactation en début de lactation révèle un éventuel amaigrissement de la vache par mobilisation des réserves de graisses périphériques vers le foie (teneur en matière grasse plus d’une fois et demie supérieure à celle en protéine). Si plus de 15 % des vaches du troupeau ont un rapport TB/TP supérieur à 1,5, il conviendra de se diriger vers une correction globale du troupeau (stratégie alimentaire au tarissement et en début de lactation). En revanche si le nombre de vaches atteintes est inférieur à 15 %, il conviendra de s’orienter plutôt vers des causes individuelles (non-délivrance, métrite, déplacement de caillette à gauche ou torsion à droite, boîterie, etc.). De même, au niveau ruminal, l’approche est similaire. Si le rapport TB/TP est inférieur à 1,1 pour plus de 20 % des vaches du troupeau, une subacidose ruminale peut être suspectée, qu’il conviendra alors de confirmer ou d’infirmer via d’autres sources d’information. Enfin, l’état de la mamelle de chaque vache en matière d’infection subclinique potentielle peut être identifié au niveau du troupeau et au niveau individuel. Ainsi, à l’échelle du troupeau, l’évolution des concentrations cellulaires individuelles (CCI) sur les 12 derniers mois classés en fonction de leurs niveaux et de leurs durées en infections chroniques, nouvelles ou guéries, l’incidence, le nombre de primipares fraîches vêlées infectées, ainsi qu’un indicateur portant sur les chances de guérison (méthodes américaines de la Cornell University) permettent d’obtenir une évaluation du troupeau. Pour le tarissement, un modèle canadien qui repose sur l’étude du dernier contrôle avant tarissement en fonction du premier contrôle après vêlage sert à distinguer les animaux du troupeau qui sont restés sains durant le tarissement. Au niveau individuel, l’historique des CCI indique pour chaque animal les épisodes leucocytaires potentiellement élevés durant sa lactation actuelle et passée, et surtout donne la possibilité de déterminer depuis combien de temps ces épisodes durent ou ont duré. Les traitements à mettre en place au tarissement et les corrections à apporter pour les futures lactations peuvent alors être rapidement ciblés. Enfin, l’alimentation, la reproduction et la production laitière sont les trois autres paramètres majeurs à étudier concernant le troupeau.

Une offre de service complète

Pour que le vét érinaire joue pleinement son rôle dans la continuité de la maîtrise sanitaire de l’élevage, il pourra alors envoyer par e-mail, mensuellement pour les détenteurs de robots, ou après chaque contrôle laitier, un rapport synthétique qui dresse un état des lieux des maladies subcliniques présentes en élevage et proposer des solutions applicables. Parmi les données utiles, l’étude du bilan sanitaire annuel de l’élevage (BSE) est indispensable. De plus, avec la quantité de médicaments consommée dans l’élevage sur les 12 derniers mois, les données du robot ou des contrôles laitiers, celles provenant de la BDIVet ou encore les résultats d’analyses de laboratoires, le vétérinaire dispose d’une synthèse annuelle objective des événements antérieurs et des erreurs passées dans l’élevage. Il pourra alors cibler dans son compte rendu les maladies majeures de l’élevage et élaborer des protocoles de soins précis portant sur les mammites, la qualité du lait, le tarissement, la reproduction ou encore les diarrhées néonatales (avec réduction de l’utilisation de médicaments en élevage).

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Cédric Debattice Consultant spécialiste en qualité du lait. Article rédigé d’après la conférence présentée lors des journées nationales des groupements techniques vétérinaires à Nantes (Loire-Atlantique) en mai 2019.