Données d’élevage : la ruée vers l’or ? - La Semaine Vétérinaire n° 1821 du 27/09/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1821 du 27/09/2019

PROFESSION

ACTU

Auteur(s) : MICHAELLA IGOHO-MORADEL 

De quelle façon le vétérinaire peut-il valoriser les données collectées en élevage afin de les partager avec des acteurs qui ne sont pas du domaine de la santé animale ? Des pistes à explorer ont été présentées par des représentants du secteur.

Comment le vétérinaire peut-il être présent sur le marché des données agricoles ? Pour tenter de répondre à ces interrogations et proposer des solutions concrètes, une table ronde a été organisée, le 15 mai dernier, à Nantes (Loire-Atlantique), lors des journées nationales des groupements techniques vétérinaires. Discussions et collaborations avec les acteurs clés, création de passerelles entre les données des éleveurs et celles des vétérinaires, prise en compte des attentes du consommateur final, transformation digitale, etc. Le vétérinaire est invité à prendre le virage du numérique. Tout un changement de culture et d’approche pour transformer son modèle économique. L’ensemble des intervenants se rejoignent sur un point : il est primordial pour la profession de travailler avec les acteurs clés du marché des données agricoles. Une action collective est nécessaire afin de faciliter la fusion des informations.

Des passerelles entre deux mondes

L’une des premières pistes de réflexion suppose la mise en place de plateformes d’échanges de données. Théo-Paul Haezebrouck, d’Api-Agro, une plateforme de mise en relation entre émetteur et récepteur de la donnée dans le domaine agricole, propose de se servir des modèles existants ou de créer une base de données commune ou individuelle. Concernant la valorisation de ces éléments, il envisage la signature de conventions avec des organismes ou des fédérations pour cadrer la collaboration entre les différents acteurs. Du côté des industriels, David Lussot (MSD) indique travailler à la mise sur le marché d’un outil qui permette de mettre en commun les données d’éleveurs et de vétérinaires. Timothée Audouin, vétérinaire consultant en e-santé animale, envisage d’autres pistes à explorer pour la profession, telles que la production d’une traçabilité des médicaments délivrés, l’informatisation du vétérinaire ou encore le suivi du bien-être animal. Mais la question du financement reste en suspens.

Un parcours semé d’embûche ?

Si l’objectif est identifié, le chemin pour y parvenir semble semé d’embûche. Pour Éric Lejeau (Syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral, SNVEL), l’enjeu principal est de repositionner le vétérinaire au cœur de ces données, afin qu’il puisse alimenter son offre de services et aider l’éleveur à être plus rentable. « Aujourd’hui, nous nous heurtons à un fantasme. Les éleveurs croient détenir une mine d’or qu’ils veulent valoriser très cher. Nous devons faire un inventaire large de toutes les solutions qui existent. Il y a un travail politique à continuer à mener auprès des organisations professionnelles au niveau national », souligne Éric Lejeau. Afin de sortir de l’impasse, il propose l’organisation d’un symposium avec les acteurs clés pour construire les prémices d’une base de données standardisée. Pour Jean-François Labbé (Société nationale des groupements techniques vétérinaires, SNGTV), il ne faut pas oublier l’éleveur dans cette équation, son consentement est primordial. « C’est le maillon indispensable. Les éleveurs sont propriétaires des données. Il est nécessaire d’aller vers des systèmes qui vont favoriser et faciliter la certification. Cela doit rapporter à l’éleveur. »

UN TOURNANT NUMÉRIQUE À PRENDRE

Comment amener les vétérinaires vers la transformation numérique ? Éric Lejeau (SNVEL) indique que le vétérinaire a déjà entamé un changement de son modèle économique en axant son activité sur le conseil. Il rappelle qu’il ne faut pas oublier que le vétérinaire est un chef d’entreprise omnipotent. De son côté, Jean-François Labbé (SNGTV) retient que la profession n’aura d’autre choix que de prendre ce tournant. Selon lui, les obligations réglementaires vont amener les vétérinaires vers le numérique. Il cite notamment les remontées des délivrances d’antibiotiques qui obligeront certains outils à communiquer ensemble. « Il va falloir qu’on fasse de ces obligations légales une opportunité. Par ailleurs, le bilan sanitaire d’élevage est une donnée facile à partager.Ces deux leviers à activer n’engendrent pas des révolutions majeures dans la profession », indique-t-il.