ANALYSE
PRATIQUE MIXTE
Formation
Auteur(s) : ANNE COUROUCÉ
Les leptospires sont des bactéries spirochètes minces, mobiles et hélicoïdales, présentes dans tous les continents et pratiquement toutes les espèces de mammifères. Les chevaux s’infectent quand ils consomment de l’eau contaminée contenant de l’urine d’animaux porteurs. Bien que l’exposition soit courante chez les chevaux, l’expression clinique de la maladie est rare.
Les leptospires sont des bactéries complexes. Les données épidémiologiques et cliniques font référence à la classification historique identifiant deux espèces phénotypiques selon leur caractère saprophyte (Leptospira biflexa s.l.) ou pathogène (Leptospira interrogans s.l.). La complexité antigénique de ces deux espèces a été mise en évidence par la diversité des anticorps agglutinants qu’elles induisent. Ainsi, a été établie la classification phénotypique dont le taxon de base est le sérovar. Pour la seule espèce pathogène, plus de 200 sérovars différents sont regroupés en plus de 20 sérogroupes différents en fonction de l’importance de leur communauté antigénique. En Europe, les principaux sérogroupes de leptospirose sont Icterohaemorrhagiae, Bratislava, Grippotyphosa, Australis, Canicola et Sejroe. En Amérique du Nord, le serovar Pomona est le plus fréquent et le plus pathogène. L. Grippotyphosa a également été décrit.
Le cheval semble être l’hôte d’entretien de Bratislava. Concernant les autres sérovars, L. icterohaemorrhagiae est hébergé par le rat, le surmulot, le rat musqué ; L. grippotyphosa par le campagnol et autres petits rongeurs. Parmi les mammifères pouvant servir de réservoirs aux espèces de Leptospira en Europe figurent également les hérissons (L. Australis) et les blaireaux. En Amérique du Nord, les ratons-laveurs, les mouffettes rayées, les opossums et les renards gris sont reconnus comme hôtes pouvant héberger le sérovar Pomona.
Le nombre de cas de leptospirose humaine a augmenté ces dernières années en Europe, en particulier dans les zones urbaines. Chez les chevaux, les données épidémiologiques font défaut. Des études sérologiques effectuées dans un certain nombre de pays européens suggèrent que l’exposition est commune, avec des séroprévalences dans la population générale et en bonne santé entre 9,4 et 41,9 %, en utilisant le test de microagglutination (MAT) et un titre de 1:100 comme référence. Dans certaines études, la prévalence est beaucoup plus faible (1,5 % en Italie) ou, au contraire, nettement plus élevée (72,2 % en Irlande du Nord). Cette variation importante de la prévalence pourrait être due aux conditions climatiques dans les différents pays européens, bien que la plupart des facteurs de risque associés à Leptospira, comme le climat tropical et les inondations fréquentes, ne sont pas typiquement rencontrés en Europe. Néanmoins, des pics épidémiques ont été récemment associés à des phénomènes climatiques comme les inondations en République tchèque. Une tendance saisonnière a aussi été montrée avec une prévalence plus élevée de titres positifs détectés en été. La différence de séroprévalence dans les diverses régions européennes peut également être expliquée par les variations du nombre et du type d’hôte porteur. L’âge, le sexe et l’élevage (vie à l’extérieur) sont également des points à considérer. Toutefois, il n’existe pas de consensus à ce sujet.
L’infection à Leptospira peut survenir à la suite d’un contact direct avec la bactérie, de l’urine contaminée, des liquides reproducteurs ou des réservoirs de l’environnement comme l’eau et le sol. Les chercheurs suggèrent que les bactéries pénètrent dans les muqueuses ou par voie transdermique sur une peau humide ou écorchée de par leur importante motilité. Après le contact initial avec les muqueuses, une bactériémie peut apparaître dans les 2 à 20 jours. De la fièvre peut aussi survenir pendant cette phase et durer de 2 à 7 jours. Certains chevaux infectés sont également apyrétiques ou brièvement fébriles sans signes cliniques, alors que d’autres présentent une fièvre pendant plus de 7 jours. Leptospira, comme d’autres bactéries Gram-, contient de la lipopolysaccharide (LPS) et peut avoir une activité endotoxinique qui demeure néanmoins relativement faible. Elle induit indirectement, chez certains sujets, une coagulation intravasculaire disséminée (CIVD) en provoquant des lésions au niveau des cellules endothéliales, une aggrégation plaquettaire et une activation du facteur XII. Elle produit également des cytotoxines, dont une hémolysine responsable des destructions cellulaires, notamment des érythrocytes. Les bactéries sont disséminées du sang vers les organes trophiques. Les lésions primaires d’une leptospirémie aiguë comprennent des dommages aux cellules endothéliales de petits vaisseaux sanguins, l’inhibition de la coagulation systémique et l’inflammation dans les tissus.
Le pouvoir pathogène de la leptospire est essentiellement lié à sa capacité́ à adhé́rer aux tissus et à pénétrer dans les cellules (cellules endothéliales et é́pithéliales), é́chappant ainsi au système immunitaire. Cette adhérence dépend de certaines protéines spécifiques. L’internalisation des bactéries a aussi pour conséquence de limiter l’effet des antibiotiques qui n’ont pas d’activité́ intracellulaire. En outre, il a été́ montré́ que les leptospires é́taient susceptibles d’induire une apoptose ou “mort cellulaire programmée” de certaines lignées cellulaires, dont les cellules immunitaires, notamment les macrophages.
Après pénétration cutanéo-muqueuse dans l’organisme, les leptospires se multiplient activement dans le sang et gagnent tous les organes (foie, tractus génital, œil, etc.), plus particulièrement les reins. Quelle que soit l’espèce considérée et, a fortiori, quelle que soit sa sensibilité, cette infection induit une réponse sérologique. La colonisation rénale se traduit chez certains individus par une insuffisance rénale, mais peut n’être associée à aucun signe chez de nombreux animaux, notamment ceux n’appartenant pas à des espèces sensibles. L’animal devient alors porteur rénal et excréteur urinaire de leptospires pathogènes pendant plusieurs jours, voire des mois. Ainsi, tout animal infecté, qu’il ait développé ou non un épisode clinique, devient un excréteur potentiel de leptospires. De plus, les leptospires pathogènes ainsi éliminés avec les urines des animaux porteurs ont la capacité de survivre en dehors de leur hôte dans tout milieu humide, de pH neutre voire légèrement basique, abrité des ultraviolets. Des températures de 20 à 30 °C leur sont favorables et expliquent l’impact sanitaire en zone tropicale.
Une deuxième phase de la maladie peut survenir plus tard dans l’œil et peut être provoquée par la réponse immunitaire de l’hôte plutôt que par la virulence de l’organisme.
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Article rédigé d’après :
- Divers T. J., Chang Y. F., Irby N.L. et coll. Leptospirosis: an important infectious disease in North American horses. Equine Vet. J. 2019;51(3):287-292.
- Malalana F. Leptospirosis in horses: a European perspective, Equine Vet. J. 2019;51(3):285-286.