Vos pensions n’augmenteront pas autant que vos cotisations - La Semaine Vétérinaire n° 1821 du 27/09/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1821 du 27/09/2019

RÉFORME DES RETRAITES

ACTU

Auteur(s) : JACQUES NADEL 

Les libéraux sont présentés comme les grands perdants du projet de régime universel. Face au nouveau barème de cotisations annoncé, les conséquences sont variables d’une profession à l’autre. Au jeu des simulations, les vétérinaires ne seront pas ni les plus ni les moins pénalisés au regard de leur régime actuel de retraite.

Une nouvelle bataille commence en cette rentrée agitée. Alors que le “monsieur Retraite”, Jean-Paul Delevoye, est entré au gouvernement pour finir le “job” sur la mise en œuvre du régime universel (RU) et alors que s’ouvre la deuxième phase de négociation, le terrain est toujours aussi miné. Les professionnels libéraux, par la voix de l’Union nationale des professions libérales (Unapl), ont lancé, mercredi 4 septembre, une dernière alerte avant l’orage.

Dans une motion adoptée ce jour-là par son conseil national, l’organisation patronale, représentative des métiers de la santé, du droit, des techniques et du cadre de vie, a rejeté le projet de réforme présenté en juillet par le haut-commissaire à la réforme des retraites (HCRR). Prêts à négocier jusqu’au bout et déterminés à défendre bec et ongles les intérêts et spécificités des professions libérales, elle pose cinq conditions : le maintien dans le RU de la spécificité de la retraite des professions libérales ; celui des caisses complémentaires ; la préservation des réserves (27 milliards d’euros) constituées au fil des ans par des générations de libéraux afin d’anticiper les fluctuations démographiques de leurs effectifs ; des garanties pour les professions de santé conventionnées et la participation de professions libérales décisionnaires dans la nouvelle gouvernance du RU.

Si, au terme de la nouvelle phase de négociation qui s’engage, « les exigences légitimes des professions libérales, portées depuis plusieurs mois par l’Unapl, ne trouvent pas de traduction concrète dans les nouvelles propositions attendues du gouvernement, le conseil national décidera alors d’organiser une mobilisation nationale réunissant toutes les professions libérales », met en garde Michel Picon, président de l’Unapl.

Il le redit : « Les professionnels libéraux ne sont pas contre cette réforme, mais ils sont opposés à la réforme telle qu’elle est proposée par le HCRR 1 . »

En particulier, ils refusent l’assiette et le taux des cotisations du futur RU. L’institution d’un RU avec un plafond de cotisation élevé à trois fois le plafond annuel de Sécurité sociale (Pass), avec un taux de 28,12 % de cotisation jusqu’à 1 Pass (environ 40 000 €), comme il est envisagé, entraînerait, selon l’Unapl, « un déséquilibre majeur ». Certains libéraux verraient leurs cotisations presque doubler, d’autres constateraient la réduction de leurs pensions.

Plus de cotisations pour un peu plus de pensions

Dans quelle catégorie se trouvent les vétérinaires ? L’Unapl s’est livrée à des simulations pour chaque profession libérale. Elle a pris les taux cibles du RU (28 % et 13 %), a calculé les nouveaux montants de cotisations sous 1 Pass, puis les a comparés à ceux résultant des taux actuels de cotisation (19,38 % pour les vétérinaires sous 1 Pass). Enfin, elle a calculé le montant des pensions sous RU en prenant en compte le taux de rendement de chaque profession libérale (7,5 % pour les vétérinaires).

Les vétérinaires figurent dans la catégorie des libéraux à cotisations inférieures aux taux cibles du RU (sous 1 Pass) et à rendement élevé. « La perspective des vétérinaires dans le futur RU est de percevoir des pensions plus importantes mais pas à proportion de l’augmentation de leurs cotisations », explique Yves Decalf, président de la commission prévoyance et retraite de l’Unapl. L’explication tient à la baisse du taux de rendement qui, pour les vétérinaires, passera de 7,5 à 5,5 %. Mais ce dernier rendement affiché ne tient pas compte de la part non contributive de la future cotisation. « Le rendement ne sera pas de 5,50 %, mais de 4,95 % (à 1 Pass), puisqu’il faut retrancher la cotisation de solidarité de 2,81 % non contributive de droits, d’où un impact sur la pension », corrige Yves Decalf.

Dans les taux présentés par le HCRR est inclus le taux de solidarité de 2,81 %. Conséquence : les pensions ne seront pas calculées sur la base du taux total de la cotisation acquittée (28 % et 13 %), mais sur cette dernière moins 2,81 % (taux non contributif), soit 25,31 % jusqu’à 1 Pass, puis 10,13 % à 2 et 3 Pass.

« Sous l’effet cumulé du taux de 2,81 % et de la correction à la baisse du taux de rendement, les vétérinaires seront pénalisés surtout au niveau de leurs pensions », constate-t-il.

Il ajoute : « C’est aussi le rendement qui indique en combien de temps on récupère l’ensemble des cotisations qui ont été versées. » La période de transition entre le système actuel et le nouveau sera longue, pour les vétérinaires, entre 15 et 20 ans.

Préserver un espace viable pour les complémentaires

De manière générale, l’Unapl refuse toute augmentation du niveau des cotisations qui amputerait d’autant le revenu net d’activité des professionnels libéraux. Elle demande que le plafond de cotisation soit limité au maximum à 1,5 Pass, « sinon les professionnels libéraux n’auront plus les moyens financiers d’adhérer à des régimes complémentaires par capitalisation qui seraient, de fait, voués à disparaître », grince Michel Picon.

L’heure est à la confrontation des chiffres. Il attend maintenant que Jean-Paul Delevoye joue cartes sur table et dévoile des calculs précis et sincères, établis sur des durées de cotisation comparables. « Nous réclamons la vérité des chiffres de l’impact pour les libéraux, or, nous n’avons pas de simulations de la part du HCRR. Quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup ! »

C’est donc par un débat éclairé reposant sur le partage des informations que le président de l’Unapl espère, aux côtés de l’organisation interprofessionnelle, l’Union des entreprises de proximité (l’U2P, qui rassemble au niveau patronal artisans, commerçants et professionnels libéraux), trouver des aménagements pour que les professions libérales ne soient pas déséquilibrées économiquement, et donc moins attractives.

1 Haut-commissaire à la réforme des retraites.