L’art de bien déléguer - La Semaine Vétérinaire n° 1822 du 04/10/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1822 du 04/10/2019

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ÉCO GESTION

Auteur(s) : TANIT HALFON  

Pour éviter de crouler sous la multitude des tâches à accomplir, le praticien a tout intérêt à en confier une partie. D’autant plus que la délégation est une source de motivation pour les collaborateurs.

Gain de temps, développement de l’esprit d’équipe, motif de fierté et d’émulation interne… La délégation est une source non négligeable de profits pour un établissement de soin. À condition de se poser les bonnes questions, comme le souligne Pierre Mathevet, consultant et président de Tirsev, qui a réalisé un exposé sur le sujet aux dernières journées nationales des groupements techniques vétérinaires1. À commencer par : pourquoi ? Ainsi, il ne s’agit pas de « se défiler devant ses responsabilités », ni de « refiler les tâches merdiques aux autres pour s’en débarrasser », précise-t-il. Suivent ensuite les questions : à qui ? Quoi ? Comment ?

Choisir la personne adéquate

Déléguer implique « une relation de confiance entre le délégant et le délégataire, souligne Pierre Mathevet, avec qui il sera possible d’échanger facilement pour suivre l’avancée de la délégation ». De plus, celle-ci doit faire appel à des collaborateurs volontaires, mais aussi « en capacité » d’accomplir le travail en question, du fait soit de leur disponibilité, soit de leurs compétences déjà acquises ou facilement assimilables. Il convient aussi de déléguer à une seule personne et non à plusieurs, sauf à prévoir quelqu’un en remplacement en cas d’absence de la personne désignée. Enfin, il est impératif de le faire savoir à l’ensemble de l’équipe. Déléguer ne dispense pas de ses responsabilités : aussi, il est primordial de féliciter ou, au contraire, de manager si le résultat n’est pas au rendez-vous.

Déléguer des projets complets

Savoir ce qu’il convient de déléguer est un « élément essentiel » pour le consultant. Et la priorité doit être donnée aux projets complets, comme la réfection de la salle d’attente. « Cela permet de développer la motivation et la compétence des collaborateurs, mais aussi évite le contrôle incessant de petites tâches. » De plus, il vaut mieux déléguer les tâches que l’on maîtrise. « Cela évite de donner l’impression d’abdiquer de ses responsabilités, permet d’expliquer plus rapidement et efficacement le résultat attendu et de suivre l’avancement », poursuivit-il. Notamment de se faciliter la gestion d’éventuelles complications. Sans oublier que bien déléguer implique forcément un temps préalable d’explication, « pour en gagner plus tard ».

Une bonne communication

Savoir déléguer implique un minimum de communication. « Il faut être clair dans sa demande », souligne le conférencier, que ce soit au niveau des enjeux, du résultat attendu, des délais des moyens donnés (temps, financiers, formations), des modalités de suivi et des limites de la délégation. Au risque d’aboutir à un sentiment de frustration. En clair, il convient de faire preuve de précision.

Plusieurs clés de réussite

Une fois la délégation instaurée, encore faut-il que le succès soit au rendez-vous. Pour ce faire, Pierre Mathevet a identifié cinq facteurs clés. D’abord, il est nécessaire d’avoir « un cadre de travail avec une ambiance qui repose sur la confiance et la bienveillance », caractérisé par le droit à l’erreur, l’autonomie, l’entraide et l’esprit d’équipe. Le management n’est pas non plus à négliger, et suppose « une reconnaissance explicite des réussites », « une aide concrète pour les difficultés », mais aussi « une sanction pour les incompétences réitérées ». Une communication interne très claire est indispensable, entre associés pour discuter de la délégation, avec le délégataire, mais aussi avec l’ensemble de l’équipe. Il est également important de ne pas négliger les conséquences possibles de la délégation dans les relations au sein de l’équipe. Ainsi, il convient de ne pas choisir toujours les mêmes délégataires, mais de regarder plutôt du côté des compétences et de la motivation. De plus, attention à bien anticiper les tensions des collègues (frustrations, jalousie). Pour finir, le consultant conseille de mettre en place une stratégie d’amélioration continue, dans laquelle le plus grand nombre est impliqué pour rechercher des solutions.

1 Du 15 au 17 mai 2019 à Nantes (Loire-Atlantique).

URGENCE ET IMPORTANCE, DEUX FACTEURS CLÉS DE LA DÉLÉGATION

Déléguer ne se fait pas n’importe comment. Comme le propose Pierre Mathevet, pour les situations urgentes et pas importantes, il est possible de déléguer à une personne immédiatement opérationnelle. Pour les situations non urgentes et pas importantes, cette tâche peut être confiée à une personne en cours d’apprentissage ou peu fiable. Pour les cas non urgents mais importants, il conviendrait de déléguer à une personne de confiance, ou qui aurait développé ses compétences en ce sens. Enfin, pour les sujets d’importance et nécessitant une réponse rapide… ne pas déléguer et s’y atteler reste encore la meilleure des solutions !

QUELQUES EXEMPLES DE DÉLÉGATION

- Gestion des plannings
- Communication externe et réseaux sociaux
- Gestion des commandes et des stocks
- Animation de l’espace d’accueil
- Gestion du rayon “accessoire”
- Suivi des animaux hospitalisés ou en réveil
- Encours clients
- Tournées de prophylaxie
- Gestion des déchets d'activités de soins à risques infectieux (Dasri)
- Management du pôle des auxiliaires spécialisés vétérinaires
- Construction des données économiques de pilotage

LES PRÉREQUIS POUR DÉLÉGUER

Pierre Mathevet rappelle qu’en matière de délégation un certain nombre de conditions sont requises. Il est nécessaire d’être entouré de suffisamment de collaborateurs afin de laisser le temps nécessaire pour la réalisation des tâches déléguées, sans conséquences pour le reste de l’équipe. En clientèle rurale, il est estimé que le rapport 1 auxiliaire spécialisé vétérinaire (ASV) pour 1 vétérinaire est le minimum. En clientèle canine, il est recommandé entre 1,2 et 1,5 équivalents temps plein pour 1 vétérinaire. Il convient aussi de disposer dans son équipe d’un certain nombre de collaborateurs talentueux. Enfin, la clinique doit être très organisée, avec des fiches de poste et des missions bien définies, 1 manager pour 7 à 8 personnes au maximum, une bonne gestion des plannings, et la possibilité que d’autres auxiliaires reprennent des tâches à celui qui aurait été désigné comme délégataire.