La leucose bovine enzootique suscite des inquiétudes à La Réunion - La Semaine Vétérinaire n° 1822 du 04/10/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1822 du 04/10/2019

MALADIE RÉGLEMENTÉE

PRATIQUE MIXTE

L'ACTU

Auteur(s) : CLOTHILDE BARDE 

Un mouvement de boycott de la viande de bœuf local (bœuf péï ) agite La Réunion depuis quelques mois après que des associations locales ont accusé l’État d’avoir « délaissé » la gestion des maladies réglementées, dont la leucose bovine enzootique (LBE). Dans ce contexte, la Daaf de la Réunion rétablit la vérité et annonce de nouvelles mesures.

Campagne de boycott de la consommation de viande de bœuf réunionnaise, cadavres de vaches déposés devant les locaux de la Direction de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (Daaf), vétérinaires retenus sur une exploitation… sont parmi les actions “coup de poing” menées ces derniers mois par l’Association de défense des agriculteurs de La Réunion (Adefar) pour « dénoncer le fort taux de contamination des bovins de l’île par la leucose bovine enzootique (LBE) ». Et cela porte ses fruits, car depuis quelques mois la consommation de viande de bœuf péï a chuté de 50 % sur l’île1.

Une forte prévalence

Contrairement à la France métropolitaine qui est indemne de LBE, le taux de vaches immunisées contre ce rétrovirus est important sur l’île (100 % des 60 cheptels laitiers comportaient des animaux positifs et 45 % des 330 cheptels allaitants adhérents à une coopérative étaient négatifs en 2018)2. Ces chiffres s’expliquent par l’absence de mesures de prophylaxie et d’éradication obligatoire sur l’île, situation dénoncée par des associations locales. Ainsi, la LBE, maladie de catégorie 2 en France métropolitaine pour des raisons d’export3, a été déclassée en 2015 en catégorie 3 à La Réunion. Depuis 2017, la prophylaxie a été rendue obligatoire sur tous les bovins de 12 mois et les autorités sanitaires de l’île sont dispensées de mettre en place des mesures de police sanitaire4. En effet, les bovins réunionnais n’étant pas exportés, l’abattage massif des cheptels aurait eu des conséquences économiques importantes.

Une maladie non transmissible

La LBE n’est pas zoonotique et « ne présente aucun danger pour la santé des consommateurs », selon les autorités5. Les résultats d’une étude menée par le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) ont montré qu’« aucune maladie observée chez l’homme n’a été mise en relation avec le virus de la leucose sur la base de recherches scientifiques » 6. Les travaux de recherche américains (université de Berkeley, 2015) et australiens (université de Sydney, 2017) suggérant l’existence d’un lien entre cancer du sein et leucose, mis en avant par les associations d’agriculteurs et de consommateurs réunionnaises, sont ainsi contestés par la communauté scientifique internationale et par le Cirad7.

Des produits et des animaux sains

« La viande et le lait des animaux porteurs sains sont, par conséquent, parfaitement consommables et leurs qualités organoleptiques sont maintenues », rappellent les autorités1. Néanmoins, conformément aux règles communautaires, les services d’inspection vétérinaires effectuent des contrôles réguliers en inspection permanente à l’abattoir pour « écarter du circuit de commercialisation les denrées présentant des lésions (soit seulement 0,04 % des animaux abattus chaque année sur l’île) » 1. De plus, selon Loïse de Valicourt, contrairement aux accusations de l’Adefar, « la leucose n’est pas responsable du fort taux de mortalité bovine observé à La Réunion actuellement : il n’y a pas d’épidémie de LBE ni de “nouveau variant du virus” sur l’île ». Selon elle, « le modèle laitier s’essouffle 8 , la productivité globale est faible et la mortalité observée en élevage de bovins est surtout liée à des problèmes d’hémoparasitose, d’accidents, notamment au vêlage, et de boiterie (maladie de Mortellaro) ». Elle recommande d’agir sur ces leviers, cela permettrait « d’augmenter la productivité et de diminuer la mortalité, quand bien même le virus de la LBE est présent. »

Des mesures prochaines

Cependant, compte tenu de l’impact de la perte de confiance des consommateurs, un comité de pilotage Leucose a été installé en 2018. Une cartographie précise annuelle de la prévalence de la LBE a alors été réalisée afin d’établir, avant la fin de l’année 2019, un plan global de maîtrise sanitaire comportant l’assainissement des quatre maladies prioritaires de l’île. « Nous attendons prochainement une validation de ces mesures de gestion et des financements répartis entre le conseil départemental, régional, les filières, le ministère de l’agriculture et de l’alimentation et celui de l’outre-mer », conclut Loïse de Valicourt.

1 bit.ly/2kiT4SK

2 Résultats de la campagne de prophylaxie leucose au 31 décembre 2018, bit.ly/2kiT4SK.

3 Réglementée par l’arrêté ministériel du 31 décembre 1990.

4 bit.ly/2knxrAV.

5 Communiqué de la Daaf du 27 août 2019, bit.ly/2klm7oM.

6 bit.ly/2mmmK27.

7 Buehring et coll 2003 ; Baltzell et coll., 2018 ; Martinez Cuesta et coll., 2018.

8 Yvane Marblé, Claire Aubron et Mathieu Vigne, Le Développement des Hauts de la Réunion par l’élevage bovin laitier : un modèle à bout de souffle, Cirad 2018.