DOSSIER
Auteur(s) : CHANTAL BÉRAUD
Une simple recherche sur Internet permet de repérer une dizaine de sociétés françaises qui proposent déjà du conseil vétérinaire en ligne pour une clientèle canine. Il existe aussi deux premiers chatbots vétérinaires, baptisés Askovet et Bolt, qui répondent aux questions des propriétaires. Éclairage sur ces nouvelles pratiques et sur leurs perspectives de développement, du téléconseil à la télémédecine.
Quand faire vacciner mon chaton ? Quel traitement contre les puces ? Quelle alimentation donner à mon vieux chat ? » Sept jours sur sept, 24 h/24, des experts animaliers ou des vétérinaires répondent en ligne à ce genre de questions, posées par des propriétaires de chiens, de chats et de nouveaux animaux de compagnie (NAC). Il suffit de surfer sur la toile pour repérer au moins une dizaine de sociétés de ce style (encadré page 41).
Ces sites prennent généralement bien soin de notifier aux internautes les limites de leur intervention. Un article consacré au vétérinaire en ligne, publié sur Blogcanin.com, stipule ainsi : « Lorsque vous contactez un vétérinaire en ligne, vous obtenez, par exemple, des conseils sur la façon de vous comporter avec votre chien, mais il ne s’agit pas d’une consultation vétérinaire en bonne et due forme. En effet, la loi française interdit aux vétérinaires de pratiquer des consultations à distance. Ainsi, aucun véritable diagnostic ne peut être donné par téléphone, pas plus qu’une prescription médicale ne peut être effectuée (…) Par contre, le vétérinaire en ligne pourra mettre un nom précis sur les symptômes que vous lui décrivez et surtout vous conseiller de montrer, ou non, l’animal à un professionnel (…). Il pourra aussi vous conseiller sur quels soins effectuer vous-même en attendant. » Et l’article d’ajouter : « Vous pourrez aussi faire des économies sur le prix d’une consultation, puisque, selon des statistiques, 80 % des consultations vétérinaires pourraient être évitées. Consulter un vétérinaire en ligne n’est bien sûr pas gratuit, mais, en moyenne, vous dépenserez environ seule ment 15 € » !
Alors, que penser de ces services en ligne ? « Aujourd’hui, il est vrai que cohabitent sur Internet des sites de qualité très différente, qui donnent essentiellement des informations très générales et non personnalisées. Cela peut d’ailleurs engendrer des confusions chez les propriétaires », répond Annick Valentin-Smith, vétérinaire spécialisée en e-santé. Comment voit-elle le futur ? « Je pense que l’on va rapidement évoluer vers la téléconsulation, lorsqu’elle sera autorisée par l’Ordre 1 . Les vétérinaires devront directement la proposer à leurs clients, en plus de leurs services actuels. » Pourquoi ? « Parce que les propriétaires – en particulier ceux de moins de 40 ans qui font partie de la génération du digital – veulent, dans tous les domaines, des solutions immédiates, à tout moment et à distance. De plus, depuis septembre 2018, l’assurance maladie rembourse les actes de téléconsultation humaine réalisés via une vidéotransmission. Bientôt, les clients ne comprendront pas pourquoi ce qu’il est possible de faire avec le médecin généraliste ne l’est pas avec le vétérinaire, en particulier pour des actes simples, comme le suivi d’une consultation. »
Annick Valentin-Smith pense donc que différents types de services iront en se développant : la régulation téléphonique, la téléconsultation, le télésuivi, la télésurveillance des affections chroniques via des objets connectés, et enfin le téléréféré ou téléexpertise. « Dans ce dernier domaine, constate-t-elle, les vétérinaires français n’ont pas attendu la publication des textes ! Il n’est pas rare qu’un vétérinaire échange par téléphone, e-mail ou par WhatsApp avec un confrère spécialisé. Mais qui fait l’acte, qui facture, qu’est-ce qui se passe en cas de problème ? Par ailleurs, de nombreux spécialistes, et même les écoles vétérinaires, proposent déjà de la téléexpertise. C’est toléré. » Et d’ajouter : « Il faudrait donc pour toutes ces évolutions établir un vrai cadre réglementaire, juridique et éthique, pensé, mis en place et encadré par les organisations vétérinaires. C’est à la profession elle-même de s’engager… On parle d’ailleurs d’une révision des textes au niveau parlementaire, qui serait attendue pour avril 2021. Le problème actuel, c’est que toutes ces technologies évoluent beaucoup plus vite que les textes eux-mêmes. Et que l’écart ne fait que se creuser. »
Quels dangers y aurait-il à ne pas vouloir changer, ou même à changer trop lentement ? « Cette évolution pourrait échapper aux acteurs français. Des services de téléconsultation, spécialisés ou généralistes, sont actuellement en train de se mettre en place en dehors de nos frontières. Il suffirait que quelques vétérinaires – français ou parlant français – se joignent à leurs équipes pour que ces services deviennent accessibles au public français. » Autre écueil qu’il convient d’éviter, selon elle : que cette évolution échappe aux mains de la profession. Le conseil vétérinaire en ligne en est déjà un bon exemple : s’il a été parfois développé par des vétérinaires (encadré page 42), il l’est aussi par d’autres acteurs, dont des médias, des mutuelles de santé, des assurances, des marques commerciales, etc.
« Cette transformation ne m’apparaît pas comme une menace pour la profession, mais comme une opportunité, à condition d’encadrer ces nouveaux outils, conclut Annick Valentin-Smith. Je pense qu’ils permettront même aux praticiens de récupérer la partie de clientèle qui a actuellement tendance à s’écarter du monde vétérinaire. Les cliniques ne seront plus comme aujourd’hui réactives, centrées sur l’animal malade. Demain, elles seront devenues proactives, garantes de la bonne santé de l’animal. Par là, j’entends qu’elles seront désormais capables de faire davantage de prévention et de suivi (notamment à distance) des soins. La téléconsultation permettra de garder contact avec le client, à la fois plus tôt et plus tard. Elle remplacera heureusement le “D
r
Google”, dans de nombreux cas. Ce qui sera à la fois bénéfique pour l’animal, son propriétaire et le vétérinaire.
» Bien sûr, cette évolution nécessitera également une formation et une adaptation des vétérinaires. Ainsi qu’une éducation thérapeutique des clients…
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1 Dans La Semaine Vétérinaire n° 1820 du 6/9/2019, page 15, Denis Avignon, vice-président de l’Ordre national des vétérinaires, a répété que « ce qui est théoriquement interdit est la téléconsultation. Il convient donc d’être vigilant sur le téléconseil. Un conseil doit rester général. Dès lors qu’il est personnalisé, il s’agit d’une consultation ».
QUI SONT LES ACTEURS DU CONSEIL EN LIGNE ?
TÉMOIGNAGE D’ÉRIC TRÉNEL (CONSEILS-VETO.COM)
« MON SITE DE CONSEILS SE VEUT SYNERGIQUE DES CLINIQUES VÉTÉRINAIRES »
BOLT ET “ASKO”, DEUX ROBOTS CONVERSATIONNELS FRANÇAIS
UNE INFORMATION FIABLE, INSTANTANÉE ET GRATUITE
Quel est l’intérêt d’un tel outil ? Toujours de donner des conseils de manière fiable, instantanée et gratuite au grand public, mais cette fois-ci en créant un lien quasi direct entre la clinique et le propriétaire. « Cela évitera aux auxiliaires spécialisés vétérinaires de répondre toujours aux mêmes questions, ajoute Marion Chaussonnet. Sans compter que c’est un gain de temps précieux pour tous. » Le robotBolt délivre, automatiquement et 24 h/24, des réponses à des interrogations sur les chats, les chiens et les lapins, avec 312 catégories de conseil différents.LE PRATICIEN PREND LE RELAIS DU ROBOT
« Bolt est actuellement capable de donner une réponse précise à une question basique, précise la fondatrice. En revanche, si la demande est formulée de manière trop complexe, il demande au public de se tourner vers son vétérinaire habituel. Bolt continuera à s’améliorer au fur et à mesure de son utilisation, sachant qu’il est déjà capable de répondre à environ 80 % des questions les plus fréquentes posées par le grand public. » Ce chatbot intègre donc aujourd’hui à la fois une partie consacrée au conseil vétérinaire, ainsi qu’une autre spécifique concernant les informations pratiques de la clinique (horaires, tarifs, etc.).AVEC D’AUTRES OPTIONS DISPONIBLES
Rappelons que Marion Chaussonnet a développé son premier chatbot en 20172. Baptisé Askovet ou “Asko”, il concernait uniquement les propriétaires de lapins. Aujourd’hui, sa cible s’est étendue également aux propriétaires de chiens, de chats et de chevaux (sur le mode d’une connexion gratuite). Sur Facebook Messenger, tous les mercredis, la société envoie un message de conseil à lire pour les propriétaires. Conseil qui peut aussi être mis en lien vers une boutique en ligne… Bolt propose un service identique aux cliniques vétérinaires, sous la forme d’une option. Avec pour objectif d’aider à l’optimisation de la communauté de clients, ainsi qu’à la promotion de la clinique et de ses produits.