téléConseil vétérinaire : de nouvelles voix - La Semaine Vétérinaire n° 1822 du 04/10/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1822 du 04/10/2019

DOSSIER

Auteur(s) : CHANTAL BÉRAUD 

Une simple recherche sur Internet permet de repérer une dizaine de sociétés françaises qui proposent déjà du conseil vétérinaire en ligne pour une clientèle canine. Il existe aussi deux premiers chatbots vétérinaires, baptisés Askovet et Bolt, qui répondent aux questions des propriétaires. Éclairage sur ces nouvelles pratiques et sur leurs perspectives de développement, du téléconseil à la télémédecine.

Quand faire vacciner mon chaton ? Quel traitement contre les puces ? Quelle alimentation donner à mon vieux chat ? » Sept jours sur sept, 24 h/24, des experts animaliers ou des vétérinaires répondent en ligne à ce genre de questions, posées par des propriétaires de chiens, de chats et de nouveaux animaux de compagnie (NAC). Il suffit de surfer sur la toile pour repérer au moins une dizaine de sociétés de ce style (encadré page 41).

Ces sites prennent généralement bien soin de notifier aux internautes les limites de leur intervention. Un article consacré au vétérinaire en ligne, publié sur Blogcanin.com, stipule ainsi : « Lorsque vous contactez un vétérinaire en ligne, vous obtenez, par exemple, des conseils sur la façon de vous comporter avec votre chien, mais il ne s’agit pas d’une consultation vétérinaire en bonne et due forme. En effet, la loi française interdit aux vétérinaires de pratiquer des consultations à distance. Ainsi, aucun véritable diagnostic ne peut être donné par téléphone, pas plus qu’une prescription médicale ne peut être effectuée (…) Par contre, le vétérinaire en ligne pourra mettre un nom précis sur les symptômes que vous lui décrivez et surtout vous conseiller de montrer, ou non, l’animal à un professionnel (…). Il pourra aussi vous conseiller sur quels soins effectuer vous-même en attendant. » Et l’article d’ajouter : « Vous pourrez aussi faire des économies sur le prix d’une consultation, puisque, selon des statistiques, 80 % des consultations vétérinaires pourraient être évitées. Consulter un vétérinaire en ligne n’est bien sûr pas gratuit, mais, en moyenne, vous dépenserez environ seule ment 15 » !

La téléconsultation à l’horizon

Alors, que penser de ces services en ligne ? « Aujourd’hui, il est vrai que cohabitent sur Internet des sites de qualité très différente, qui donnent essentiellement des informations très générales et non personnalisées. Cela peut d’ailleurs engendrer des confusions chez les propriétaires », répond Annick Valentin-Smith, vétérinaire spécialisée en e-santé. Comment voit-elle le futur ? « Je pense que l’on va rapidement évoluer vers la téléconsulation, lorsqu’elle sera autorisée par l’Ordre 1 . Les vétérinaires devront directement la proposer à leurs clients, en plus de leurs services actuels. » Pourquoi ? « Parce que les propriétaires en particulier ceux de moins de 40 ans qui font partie de la génération du digital veulent, dans tous les domaines, des solutions immédiates, à tout moment et à distance. De plus, depuis septembre 2018, l’assurance maladie rembourse les actes de téléconsultation humaine réalisés via une vidéotransmission. Bientôt, les clients ne comprendront pas pourquoi ce qu’il est possible de faire avec le médecin généraliste ne l’est pas avec le vétérinaire, en particulier pour des actes simples, comme le suivi d’une consultation. »

Annick Valentin-Smith pense donc que différents types de services iront en se développant : la régulation téléphonique, la téléconsultation, le télésuivi, la télésurveillance des affections chroniques via des objets connectés, et enfin le téléréféré ou téléexpertise. « Dans ce dernier domaine, constate-t-elle, les vétérinaires français n’ont pas attendu la publication des textes ! Il n’est pas rare qu’un vétérinaire échange par téléphone, e-mail ou par WhatsApp avec un confrère spécialisé. Mais qui fait l’acte, qui facture, qu’est-ce qui se passe en cas de problème ? Par ailleurs, de nombreux spécialistes, et même les écoles vétérinaires, proposent déjà de la téléexpertise. C’est toléré. » Et d’ajouter : « Il faudrait donc pour toutes ces évolutions établir un vrai cadre réglementaire, juridique et éthique, pensé, mis en place et encadré par les organisations vétérinaires. C’est à la profession elle-même de s’engager… On parle d’ailleurs d’une révision des textes au niveau parlementaire, qui serait attendue pour avril 2021. Le problème actuel, c’est que toutes ces technologies évoluent beaucoup plus vite que les textes eux-mêmes. Et que l’écart ne fait que se creuser. »

Et si rien ne changeait ?

Quels dangers y aurait-il à ne pas vouloir changer, ou même à changer trop lentement ? « Cette évolution pourrait échapper aux acteurs français. Des services de téléconsultation, spécialisés ou généralistes, sont actuellement en train de se mettre en place en dehors de nos frontières. Il suffirait que quelques vétérinaires français ou parlant français se joignent à leurs équipes pour que ces services deviennent accessibles au public français. » Autre écueil qu’il convient d’éviter, selon elle : que cette évolution échappe aux mains de la profession. Le conseil vétérinaire en ligne en est déjà un bon exemple : s’il a été parfois développé par des vétérinaires (encadré page 42), il l’est aussi par d’autres acteurs, dont des médias, des mutuelles de santé, des assurances, des marques commerciales, etc.

Des vétérinaires formés à ces nouvelles tâches

« Cette transformation ne m’apparaît pas comme une menace pour la profession, mais comme une opportunité, à condition d’encadrer ces nouveaux outils, conclut Annick Valentin-Smith. Je pense qu’ils permettront même aux praticiens de récupérer la partie de clientèle qui a actuellement tendance à s’écarter du monde vétérinaire. Les cliniques ne seront plus comme aujourd’hui réactives, centrées sur l’animal malade. Demain, elles seront devenues proactives, garantes de la bonne santé de l’animal. Par là, j’entends qu’elles seront désormais capables de faire davantage de prévention et de suivi (notamment à distance) des soins. La téléconsultation permettra de garder contact avec le client, à la fois plus tôt et plus tard. Elle remplacera heureusement le “D r Google”, dans de nombreux cas. Ce qui sera à la fois bénéfique pour l’animal, son propriétaire et le vétérinaire. » Bien sûr, cette évolution nécessitera également une formation et une adaptation des vétérinaires. Ainsi qu’une éducation thérapeutique des clients…

1 Dans La Semaine Vétérinaire n° 1820 du 6/9/2019, page 15, Denis Avignon, vice-président de l’Ordre national des vétérinaires, a répété que « ce qui est théoriquement interdit est la téléconsultation. Il convient donc d’être vigilant sur le téléconseil. Un conseil doit rester général. Dès lors qu’il est personnalisé, il s’agit d’une consultation ».

QUI SONT LES ACTEURS DU CONSEIL EN LIGNE ?

Voici une liste non exhaustive de quelques-uns des acteurs du conseil vétérinaire en ligne : Lecongres.com (avec des réponses pour toutes les professions, dont auprès de Mlle vétérinaire Christelle), Santevet.com (ce spécialiste de l’assurance santé animale permet, via une simple inscription gratuite en ligne, de recevoir régulièrement les conseils de Valérie Dramard, vétérinaire comportementaliste). Quant à Tiendanimal.fr, il s’agit d’un spécialiste de produits pour les animaux, dont le siège est en Espagne, qui, dans sa rubrique “Des questions, nous vous aidons”, propose aussi des « consultations vétérinaires gratuites ». Pour sa part, Wanimo.com propose trois services gratuits : Questions@Véto, Tchat@Véto (tous les mercredis de 14 à 16 heures sur la page Facebook de Wanimo.com) et News@Véto (des informations d’experts envoyées mensuellement par e-mail). Enfin, sur Lebonchien.fr, il existe un outil, baptisé Veto-check, qui propose de « trouver à partir des symptômes de votre chien la maladie qu’il a », sachant « qu’il n’a aucune vocation à remplacer un service vétérinaire. Ce site va, au contraire, vous indiquer quand consulter votre médecin, dans quel délai, et avec quel niveau d’urgence ».

TÉMOIGNAGE D’ÉRIC TRÉNEL (CONSEILS-VETO.COM)

« MON SITE DE CONSEILS SE VEUT SYNERGIQUE DES CLINIQUES VÉTÉRINAIRES »

Éric Trénel (L 03) a travaillé jusqu’en 2012 en tant que vétérinaire canin, avant de se réorienter dans le digital, en créant le site Conseils-veto.com. Pourquoi ? « Parce que j’ai constaté que le conseil vétérinaire en ligne correspondait à un réel besoin. En clinique, à l’époque, beaucoup de mes clients faisaient référence à Doctissimo.fr (rubrique “Conseils vétérinaires”). Ils arrivaient souvent avec des questions déjà orientées, voire avec un diagnostic médical déjà posé, même si ce n’était souvent pas le bon… J’ai senti qu’ils étaient aussi à la recherche de solutions applicables à la maison, souvent pour agir plus vite, mais aussi, parfois, afin d’éviter d’emmener leur animal chez un vétérinaire, alors que cela était nécessaire ! »
Clairement, il lui apparaît également que le besoin d’information des clients excède ce qui peut leur être dit lors d’une consultation d’un quart d’heure ou d’une demi-heure. « D’après une étude menée par Bayer Healthcare, plus de 80 % des clients consultent d’abord Internet avant de se rendre chez leur praticien. Et près de 35 % d’entre eux retournent sur le Web après leur visite ! Souvent parce qu’ils ressentent un besoin de davantage de vulgarisation, mais également parfois parce qu’ils émettent des doutes sur le diagnostic de leur praticien. C’est pourquoi il est important qu’une source internet fiable vienne renforcer le discours du vétérinaire traitant. »
« Je suis un vétérinaire digital »
« Mon site favorise clairement le lien entre le propriétaire et la clinique, argumente Éric Trénel. Dans 80 % des cas, nous conseillons aux gens de se rendre à la clinique, car ils ont besoin d’y aller ! » Par ailleurs, les articles vétérinaires de Conseils-veto.com sont uniquement rédigés par des vétérinaires rémunérés pour le faire… Le public y voit-il une marque de qualité ? « Mon objectif est effectivement de parvenir à être bien référencé sur Google, pour que les gens aient ainsi accès à des informations de qualité. Car malheureusement, effectivement, je pense que peu de personnes perçoivent la différence entre un conseil qui émane d’un média, d’une marque commerciale ou bien d’un vétérinaire ! Sous ma casquette de vétérinaire digital, j’ai donc un gros travail de référencement à accomplir. »

Une information gratuite
Son service est sans frais pour le grand public. « Je finance autant que possible ce travail en nouant des partenariats qui mettent en avant des services liés au monde animal », explique-t-il. Quant aux questions des gens, elles doivent être posées par écrit, et il leur est répondu de même, via les commentaires des articles et une page Facebook. Ces demandes sont d’ordre varié : elles concernent des questions de comportement à la maison, des notions d’éducation, les problèmes de santé courante… « Mais, insiste Éric Trénel, jamais le site n’établit de diagnostic médical, jamais il n’est donné de second avis. Car le rôle de Conseils-Veto.com n’est pas de se substituer au vétérinaire traitant. » Et de conclure : « Les vétérinaires qui le souhaitent peuvent relayer gratuitement en ligne les informations que nous publions. Ce peut être un moyen de renforcer leurs relations clients, via un média indépendant, même si certains praticiens le font déjà avec les articles de Wamiz, qui est, je le rappelle, un média animalier dont les parts appartiennent aujourd’hui en majorité au groupe commercial Nestlé. »

BOLT ET “ASKO”, DEUX ROBOTS CONVERSATIONNELS FRANÇAIS

Depuis début 2019, les cliniques vétérinaires peuvent souscrire un abonnement mensuel, sans engagement, à Bolt, un robot vétérinaire conversationnel mis au point par une société française1. Cet outil peut être ajouté sur le site internet et la page Facebook de la clinique. Sa fondatrice, Marion Chaussonnet, explique qu’est aujourd’hui associée à son développement une vétérinaire (Marie-Dominique Vaillant) et qu’elle est aussi « en train de constituer un comité scientifique de validation du contenu, associant des praticiens généralistes et des spécialistes ».


UNE INFORMATION FIABLE, INSTANTANÉE ET GRATUITE

Quel est l’intérêt d’un tel outil ? Toujours de donner des conseils de manière fiable, instantanée et gratuite au grand public, mais cette fois-ci en créant un lien quasi direct entre la clinique et le propriétaire. « Cela évitera aux auxiliaires spécialisés vétérinaires de répondre toujours aux mêmes questions, ajoute Marion Chaussonnet. Sans compter que c’est un gain de temps précieux pour tous. » Le robotBolt délivre, automatiquement et 24 h/24, des réponses à des interrogations sur les chats, les chiens et les lapins, avec 312 catégories de conseil différents.


LE PRATICIEN PREND LE RELAIS DU ROBOT

« Bolt est actuellement capable de donner une réponse précise à une question basique, précise la fondatrice. En revanche, si la demande est formulée de manière trop complexe, il demande au public de se tourner vers son vétérinaire habituel. Bolt continuera à s’améliorer au fur et à mesure de son utilisation, sachant qu’il est déjà capable de répondre à environ 80 % des questions les plus fréquentes posées par le grand public. » Ce chatbot intègre donc aujourd’hui à la fois une partie consacrée au conseil vétérinaire, ainsi qu’une autre spécifique concernant les informations pratiques de la clinique (horaires, tarifs, etc.).


AVEC D’AUTRES OPTIONS DISPONIBLES

Rappelons que Marion Chaussonnet a développé son premier chatbot en 20172. Baptisé Askovet ou “Asko”, il concernait uniquement les propriétaires de lapins. Aujourd’hui, sa cible s’est étendue également aux propriétaires de chiens, de chats et de chevaux (sur le mode d’une connexion gratuite). Sur Facebook Messenger, tous les mercredis, la société envoie un message de conseil à lire pour les propriétaires. Conseil qui peut aussi être mis en lien vers une boutique en ligne… Bolt propose un service identique aux cliniques vétérinaires, sous la forme d’une option. Avec pour objectif d’aider à l’optimisation de la communauté de clients, ainsi qu’à la promotion de la clinique et de ses produits.


1 Pour une structure vétérinaire, l’abonnement de base à Bolt coûte 34 € HT/mois, sans engagement, ou 30 € HT/mois, avec un engagement d’un an, le robot étant disponible à la fois sur le site internet et sur la page Facebook propres à chaque clinique. Des démonstrations en ligne sont possibles. Pour en savoir plus : Bolt.askovet.com, marion@askovet.com et 06 69 03 40 06.
2 Voir l’article « Les start-up qui émergent dans la profession », publié dans La Semaine Vétérinaire n° 1724 du 16/6/2017.