Alimentation des veaux laitiers jusqu’à 6 mois : comment optimiser la croissance ? - La Semaine Vétérinaire n° 1823 du 27/09/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1823 du 27/09/2019

CONFÉRENCE

PRATIQUE MIXTE

Formation

Auteur(s) : NOÉMIE RAUT AVEC CLOTHILDE BARDE  

La conduite alimentaire des génisses laitières pendant les six premiers mois de vie est un élément essentiel à considérer pour assurer une croissance et une carrière laitière optimales. Or, meilleure est la croissance du veau et plus le niveau de production de l’animal adulte est optimisé. La croissance étant particulièrement importante avant 65 jours, les conférenciers Gilbert Laumonnier, Philippe Arzul et Olivier Crenn ont exposé leurs recommandations de rationnement à ce stade au travers de trois cas concrets.

Comme ils l’ont indiqué, l’objectif est que la génisse vêle à 24 mois avec un poids de plus de 650 kg avant vêlage. La génisse devra ensuite atteindre son poids adulte au moment de la deuxième lactation. Pour estimer régulièrement cela, les conférenciers préconisent de peser les animaux à 2 mois (juste avant le sevrage), à 6 mois et au vêlage.

Rationnement et mortalité des veaux

Dans un premier audit réalisé dans un élevage de 80 vaches laitières (VL), présenté par Gilbert Laumonnier, l’objectif était de définir les facteurs conduisant à une mauvaise fréquentation des veaux au distributeur automatique de lait (DAL) et à une mortalité importante de leur naissance au sevrage. Dans cet élevage, les veaux femelles sont placés en case individuelle pendant 15 jours à 3 semaines puis dans deux cases collectives, avec un accès double à un DAL unique. L’éleveur ne rencontre aucun problème sur les animaux en case individuelle mais dès que les veaux passent en case collective, il observe des retards de croissance, des pneumopathies, et de la mortalité sur 20 à 30 % du lot. La distribution du colostrum respecte ici les recommandations. Ensuite, les veaux sont nourris avec du “baby lait” (taux protéiques [TP] : 23 % ; taux butyreux [TB] : 18 %) dans lequel la source de protéine majoritaire est le lactosérum, ce qui permet une digestion plus rapide, mais provoque aussi plus de troubles digestifs1. La source principale de matières grasses (MG) est l’huile de palme ; la source secondaire de MG est l’huile de coprah, intéressante pour son apport énergétique rapidement métabolisé2. Gilbert Laumonnier a précisé qu’il manque dans cet aliment une huile permettant l’apport d’acide gras contenant des oméga 3, comme l’huile de soja, et la part de protéines végétales (environ 20 % des apports protéiques) est un peu élevé. Cependant, selon lui, sa composition reste correcte et n’est certainement pas à l’origine de la mortalité observée dans l’élevage attribuable à la ration donnée à partir de 15 jours au DAL. Ainsi à cet âge, les veaux, qui doivent conserver un accès en libre-service à de l’eau, peuvent être nourris au DAL3. Or, la poudre de lait utilisée doit se mélanger à plus de 55 °C et ne convient pas pour être distribuée au DAL où la température maximale est de 46 à 47 °C, car à plus haute température le lait distribué serait trop chaud.

C’est pourquoi, le conférencier recommande de choisir des poudres de lait adaptées au DAL à mélanger à moins de 50 °C et faciles à mélanger car l’agitation du mélange par le DAL est peu énergique. D’autre part dans l’élevage, la température de l’eau avant mélange est de 40,6 °C ce qui conduit à distribuer du lait reconstitué trop froid a-t-il ajouté (température de distribution préconisée : 40 °C). Il propose alors de diluer un peu plus le lait que dans le plan d’alimentation pour en faciliter le mélange. Par ailleurs, le DAL en double accès peut être un facteur influençant la moindre fréquentation, car l’accès y est effectivement réduit à 35 cm de largeur pour chaque case. Une fois ces éléments pris en compte, afin d’obtenir un GMQ égal à 900 g/j (soit 1 kg de poudre de lait par jour) comme recommandé, plusieurs plans de rationnement peuvent être imaginés. En effet, en considérant que les veaux n’ont pas de DAL avant la troisième semaine, il serait possible de leur donner 135 g de poudre par litre de buvée avec 8 l de buvée jusqu’à 7 semaines et 4 l jusqu’au sevrage. D’autre part, les veaux doivent avoir accès à un aliment concentré adapté (non acidogène) dès la naissance. Ce dernier doit comporter des sucres rapides en quantité limitée, indispensables au développement des papilles ruminales. Par exemple, un aliment “démarrage” avec un taux de matières azotées totales (MAT) de 18 % est correct. Il convient de distribuer la paille (de préférence non traitée avec des raccourcisseurs) à l’auge dès la troisième semaine d’âge en veillant à la hauteur et aux espaces entre les barreaux (> 12 cm) du râtelier et le veau doit avoir un accès en libre-service à de l’eau avec de préférence des abreuvoirs à pipette. Enfin, pour optimiser la croissance, le sevrage doit se faire pour des animaux de 90 kg minimum et de 1 m de tour de poitrine. Si les seuils ne sont pas atteints, il est nécessaire de poursuivre la distribution de lait avec le volume distribué lors de la dernière semaine du plan d’alimentation5. Le veau doit alors manger 2 kg de concentré afin d’éviter de perdre du poids après le sevrage.

Rationnement et production laitière

Philippe Arzul a ensuite exposé le cas d’un élevage de 220 prim’holstein produisant 9 000 kg de lait par an dans lequel la croissance des génisses est jugée insuffisante : 160 kg à 6 mois pour un objectif de 200 kg. De plus, l’analyse de la production des primipares a mis en évidence que leur production de lait ne représente que 73 % de celle des adultes alors qu’elles devraient être d’au moins 85 %. Dans cet élevage, l’éleveur distribue pendant la phase colostrale 4 l de colostrum de qualité (protéines totales sanguines à 58,5 g/l) par drenchage une à 12 heures suivant la naissance. La phase colostrale ne semble donc pas être à l’origine des retards de croissance observés. Puis, au quatrième jour, le veau ne reçoit qu’un seul repas par jour avec des lactoremplaceurs (20 % de protéines à base de lactosérum et 18 % de MG), soit 35 kg de poudre de lait. Or, les recommandations orientent vers 50 kg de poudre sur la phase lactée, soit 1 kg de poudre de lait par jour, et vers un lait contenant un minimum de 22 %, voire 27 % de protéines. La ration donnée dans cet élevage peut donc conduire à un gain moyen quotidien (GMQ) moindre. De plus, comme l’indiquent les recommandations, les veaux reçoivent des concentrés dès la première semaine et de l’eau, puis du foin. Dans ce contexte, plusieurs corrections sont possibles : passer à deux repas par jour au lieu d’un seul avec un dosage de 170 g de poudre par litre, proposer une poudre de lait à 27 % de protéine et 17 % de MG, démarrer avec un aliment veau premier âge à 20 % de protéines et distribuer de la paille en râtelier, enfin distribuer jusqu’à 5 kg d’aliment en un seul repas avec de la paille en complément pendant la phase post-sevrage.

À travers ces cas concrets, les conférenciers ont donc insisté sur l’importance de réaliser une bonne distribution du colostrum, de surveiller les concentrations et les volumes de lait distribués, de veiller au bon apport en eau dès la naissance, de concentrés puis de paille, de s’assurer du respect des conditions d’hygiène et enfin d’effectuer un sevrage correct.

1 SNGTV, fiche 44, 2016.

2 SNGTV, fiche 44, 2016.

3 SNGTV, fiche 45, 2016.

4 SNGTV, fiche 46, 2016.

5 SNGTV, fiche 43, 2016.

Gilbert Laumonnier, Philippe Arzul et Olivier Crenn Vétérinaires membres de la commission laitière de la SNGTV. Article rédigé d’après un atelier pratique animé lors des journées nationales des GTV, du 15 au 17 mai.