PROFESSION
ACTU
Auteur(s) : MICHAELLA IGOHO-MORADEL
Le harcèlement sexuel au travail constitue un délit. Christophe Noel, avocat 1 en droit du travail, spécialiste de la question, présente les recours possibles pour la victime.
Pouvez-vous définir ce qu’est le harcèlement sexuel ?
Christophe Noel : La loi est très claire. Le harcèlement sexuel est le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou des comportements à connotation sexuelle ou sexiste. Ceux-ci soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante. Ce genre d’attitude déplacée peut survenir à de multiples reprises durant plusieurs mois. Il s’agit, dans certains cas, d’un chantage effectué lorsqu’une salariée souhaite obtenir une promotion ou une augmentation. En contrepartie, il lui est demandé une faveur sexuelle. Le harceleur peut cesser ses agissements ou non quand il se rend compte qu’il ne parvient pas à ses fins. Le harcèlement sexuel peut alors se transformer en harcèlement moral, afin de faire payer à la victime le fait qu’elle n’ait pas consenti à ses avances.
À qui s’adresser en cas de harcèlement sexuel ?
C. N. : Cette question est très compliquée pour les femmes qui sont en poste. Les médecins du travail ne sont pas formés face à ces situations. De plus, ce type de dénonciation est couverte par le secret médical. Les inspecteurs du travail ont davantage l’habitude de gérer des dossiers liés à des accidents de travail que ceux de victimes qui se plaignent de harcèlement sexuel. Cela reste aujourd’hui très compliqué de dénoncer un harcèlement sexuel au travail. La victime peut craindre de perdre son emploi.
Quelles preuves faut-il apporter ?
C. N. : Une victime n’est pas tenue de “prouver” le harcèlement sexuel. Elle doit simplement ramener des éléments qui permettent au juge de penser qu’effectivement il y a eu des faits ou des propos qui s’assimilent à du harcèlement sexuel. Il est à noter que la charge de la preuve est facilitée pour la victime de harcèlement sexuel. Cette nuance est importante. Jusqu’à présent, il était assez facile de corrompre les harceleurs, car ces derniers n’étaient pas méfiants. L’hystérie qui consiste à harceler une femme va se traduire par des éléments objectifs, c’est-à-dire des SMS, des messages sur les réseaux sociaux, voire des e-mails. Aujourd’hui, il s’agit d’un délit qui est de plus en plus médiatisé. Les harceleurs deviennent plus méfiants. Il est plus compliqué pour les victimes de confondre les auteurs de harcèlement. Plusieurs preuves sont recevables, notamment en matière pénale où la preuve est libre. Il peut s’agir de témoignages de collègues de travail, d’enregistrements audio “clandestins”. En revanche, devant les juridictions civiles telles que le conseil de prud’hommes, ces enregistrements sont parfois écartés. Toutefois, les dossiers de harcèlement sexuel sont rarement vides, il y a toujours des éléments.
À quel moment consulter un avocat ?
C. N. : Très vite. L’affaire doit être portée devant le conseil de prud’hommes dans les cinq ans après la survenance des faits. Ce délai passe à trois ans en matière pénale. Il convient de le faire le plus vite possible, de préférence lorsque la victime est en poste. Il ne faut pas attendre de perdre son emploi ou de démissionner pour consulter un avocat. En effet, il pourrait y avoir des éléments de preuve qui deviendraient inaccessibles, tels que des e-mails ou encore des témoignages. Il est important de dénoncer les faits lorsqu’ils sont en train de se dérouler. Il est toujours plus compliqué de lancer une procédure lorsque les faits datent d’il y a six mois.
•
LES SANCTIONS ENCOURUES