Indications et protocole de pose d’une prothèse intrasclérale - La Semaine Vétérinaire n° 1823 du 27/09/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1823 du 27/09/2019

CONFÉRENCE

PRATIQUE CANINE

Formation

Auteur(s) : GWENAËL OUTTERS 

La prothèse intrasclérale consiste à remplacer le contenu oculaire à la suite de l’éviscération du globe oculaire. Cette technique, utilisée en médecine vétérinaire, consiste à implanter une bille de silicone dans le globe oculaire, alors qu’en médecine humaine la prothèse est une coque posée derrière les paupières après avoir procédé à une énucléation.

Indications et contre-indications

La pose d’une prothèse est indiquée pour les yeux aveugles et/ou douloureux, sur un globe oculaire de taille normale (de petites déformations sont tolérées), en l’absence de processus infectieux ou tumoral et lorsque l’enveloppe cornéosclérale est intègre.

Elle est contre-indiquée en cas d’atrophie du globe oculaire, de tumeur oculaire, d’endophtalmie, de tout processus de destruction de l’enveloppe (kératomalacie, lésion grave de la sclère) ou de perforation du globe.

Matériel et préparation

Le matériel nécessaire à la pose d’une prothèse intrasclérale est simple : porte-aiguille de Mayo, pince de Paufique ou McPherson, pinces clamps, bistouri et lame n° 11, ciseaux de Sevrin-Stevens, microcautère, pince à sucre, fil résorbable tressé 4.0 pour la sclère et 6.0 pour la conjonctive. La prothèse est une bille en silicone, bleue, noire ou transparente, présentée dans un double emballage stérile. Sa taille est déterminée par le diamètre horizontal du globe (mesuré au compas ou à l’échographie) auquel est ôté 1 mm. L’acte est encadré par une antibioprophylaxie classique, une gestion de la douleur, ainsi qu’une prémédication et une anesthésie.

L’animal est placé en décubitus latéral, légèrement en rotation pour que le globe oculaire soit horizontal. La tonte est éventuellement pratiquée, la zone est préparée avec de la povidone iodée pure sur la peau et diluée à 50 % pour l’œil et les sacs conjonctivaux.

Pose

Une incision est pratiquée sur la conjonctive bulbaire à 6 mm du limbe avec les ciseaux de Sevrin-Stevens et la conjonctive est réclinée. Une traction est appliquée sur ces lambeaux conjonctivaux à l’aide de pinces ou de fils de traction. La sclère est mise à nue (une préincision au cautère évite les saignements) à l’aide d’une incision en T. Elle est disséquée de façon minutieuse, à la lame de bistouri inversée, en appliquant une forte traction sur la sclère, pour accéder à la choroïde sans la rompre : si la choroïde est entière, son retrait est facilité et les saignements sont moindres. L’incision verticale du T permet d’obtenir les deux lambeaux qui ouvrent l’accès au globe oculaire. La choroïde est tenue avec une pince de McPherson pour la retirer sans la déchirer. Le vitré et le cristallin sont récupérés en général en même temps que la choroïde. Vient ensuite le temps de l’hémostase avec des compresses et du Ringer lactate.

La prothèse est implantée à l’aide d’une pince à sucre ou de fils de traction en la poussant dans la cavité oculaire ainsi créée. Elle peut être “briochée” ou modelée pour éviter qu’elle ne tourne dans le globe oculaire ou pour l’adapter à la taille du globe. La sclère est suturée par des points simples, la conjonctive par un surjet. La plaie conjonctivale sera masquée par la paupière supérieure.

Suivi postopératoire

Les soins postopératoires sont classiques (anti-inflammatoires non stéroïdiens, antibiotiques). Le port de la collerette dépend de l’animal. L’œil est nettoyé deux fois par jour. Une pommade associant un corticoïde et un antibiotique est appliquée s’il n’y a pas de contre-indication (vérifier la cornée). Le recouvrement par la membrane nictitante est décrit par certains chirurgiens. Un contrôle est prévu au bout de 5 à 7 jours.

Les complications, peu fréquentes, sont une déhiscence de la ligne de suture, un rejet de l’implant ou un ulcère cornéen (ulcère préalable ou mauvaise irrigation de la cornée pendant l’intervention). Un œdème des annexes est plus fréquent. Des saignements sont quasi systématiques en postopératoire, ainsi qu’à moyen terme une fibrose ou une pigmentation cornéenne. L’évolution d’une tumeur non identifiée ou une panophtalmie sont également à craindre. L’analyse histologique du globe oculaire permet d’appréhender une évolution tumorale.

Thierry Azoulay DESV d’ophtalmologie vétérinaire, praticien à Strasbourg. Article rédigé d’après une présentation faite au congrès de l’Afvac à Marseille (Bouches-du-Rhône), en novembre 2018.