DROIT DU TRAVAIL
ÉCO GESTION
Auteur(s) : FRANÇOISE SIGOT
CDD, contrats de mission, contrats saisonniers et autres sont sur la sellette, et pourtant, ils sont indispensables pour faire face à bon nombre de situations qui jalonnent la vie de toutes organisations. Seul leur usage abusif est amené à subir quelques modifications, les contrats courts conclus dans les règles ont encore de beaux jours devant eux.
On aura rarement autant entendu parler des contrats courts que ces derniers mois. En cause ? Une réforme annoncée par le gouvernement visant à taxer le recours à ce type de contrats. Du moins, certains cas de recours, car l’objectif n’est pas de mettre fin à ces contrats dits courts, mais bien de prévenir des usages abusifs. Il faut dire que nombre d’employeurs privilégient aujourd’hui le contrat à durée déterminée (CDD) au contrat à durée indéterminée (CDI) puisque, selon une étude de la Direction de l’animation et de la recherche, des études et des statistiques (Dares), le service de statistiques du ministère du Travail, 87 % des embauches se font aujourd’hui en contrat court et un tiers de ceux-ci durent une journée. Enfin, par rapport à l’ensemble des salariés en CDD ou en mission d’intérim, les personnes en contrat court sont plus souvent en situation de sous-emploi et expriment davantage le souhait d’avoir un autre emploi. L’idée est donc de mieux cibler les situations justifiant ce type de contrat et, par ricochet, de sanctionner les entreprises qui ne respecteront pas ces règles. Un système de bonus-malus sur les contrats courts sera donc mis en place le 1er janvier 2020 dans sept secteurs de l’économie1 (encadré), mais il ne s’appliquera qu’aux entreprises de plus de 11 salariés. Par ailleurs, les CDD d’usage seront taxés.
La première étape est d’abord de bien cibler le terme “court”. Le plus simple est de procéder par défaut en classant sous ce terme tous les contrats qui ne sont pas des CDI. « En matière d’embauche, le principe énoncé dans le Code du travail est le CDI, les contrats dont la durée est déterminée sont des exceptions et les cas dans lesquels il est permis d’employer des salariés en CDD sont strictement encadrés par la loi. D’ailleurs, une entreprise prend beaucoup plus de risque à proposer un contrat court qui l’enferme dans une durée, même si elle rencontre un problème avec le salarié, que de faire un CDI qui peut être rompu à tout moment dès lors que l’on est face à un motif le justifiant », rappelle Nathalie Lailler, avocate au barreau de Caen. Le contrat court le plus connu et le plus utilisé reste le CDD, mais on trouve aussi les contrats d’intérim, saisonniers, d’apprentissage et autres contrats de professionnalisation. A priori, les changements à venir ne concerneront pas ces derniers qui visent des situations bien particulières. Le recours à un CDD ou à l’intérim pour des situations prévues par la loi (remplacement, surcroît de travail, etc.) n’est pas non plus dans le viseur du gouvernement. En revanche, les situations abusives devraient être mieux « chassées » et faire l’objet de sanctions. Les entreprises qui auront recours à un CDD, de façon ponctuelle et pour des motifs prévus par la loi, n’ont pas de souci à se faire, puisque les règles de bases restent les mêmes.
CDD comme contrat d’intérim peuvent être conclus pour remplacer un salarié absent, ou dont le contrat de travail est suspendu. De même, un passage provisoire à temps partiel peut être complété par un CDD ou un intérimaire. Dans l’attente de l’entrée en service effective d’un salarié recruté en CDI, il est possible d’employer un CDD ou un intérimaire, pour une période n’excédant pas neuf mois. Le CDD doit obligatoirement comporter une mention indiquant la durée pour laquelle il est conclu, à travers l’indication soit d’un terme précis (en stipulant sa durée, les dates de prise d’effet et de fin) ou d’un terme imprécis s’il est établi pour le remplacement d’un salarié absent ou dont le contrat est suspendu. Toutefois, le CDD à terme imprécis doit prévoir une durée minimale avant laquelle l’employeur ne pourra pas rompre le contrat. Comme les CDI, les CDD doivent comporter des mentions obligatoires relatives au lieu de travail, à l’identité des deux parties, la fonction et classification de l’employé, le nom et l’adresse de la caisse de retraite complémentaire et de prévoyance. Les salariés en CDD bénéficient par ailleurs des dispositions légales et conventionnelles, mais aussi de celles résultant d’usage en place pour les salariés en CDI. Enfin, au terme du CDD et du contrat d’intérim, le salarié doit bénéficier d’une l’indemnité de précarité ou de fin de mission pour les intérimaires. En Intérim, ces mêmes droits et devoirs s’imposent au salarié, mais c’est la société d’intérim qui se charge de rédiger le contrat et de réaliser l’ensemble des démarches administratives. « Il n’existe pas de cas prévu par la loi où l’intérim peut être privilégié au CDD, l’employeur exerce là son arbitrage personnel entre ces deux solutions, en sachant que s’il désire garder le pouvoir disciplinaire sur le salarié, il ira vers le CDD, puisqu’en intérim l’employeur demeure l’entreprise de travail temporaire », précise l’avocate.
Comme toute relation entre l’employeur et le salarié, le contrat court, qu’il soit CDD ou intérim, peut faire l’objet de sanction s’il ne respecte pas la loi. «
Les situations les plus conflictuelles résident dans la notion de durée. Il est préférable de signer un contrat de date à date pour le remplacement d’un salarié malade et de le prolonger au gré des arrêts de travail. D’autres contentieux naissent d’un manque de précision sur la nature des missions demandées au salarié en CDD. Or s’il existe une différence de rémunération entre celle du salarié remplacé et son remplaçant en CDD, il faut être très précis dans la définition des missions pour justifier cette différence
», égraine Nathalie Lailler. La vigilance est également de mise sur le laps de temps entre la prise de fonction du salarié en CDD et la signature de son contrat. En effet, passé 48 heures de présence à son poste de travail, toute personne n’ayant pas signé de CDD sera réputée en CDI. Comme pour tout contrat de travail, les conflits entre employeurs et salariés en CDD ou en Intérim se règlent devant le conseil de prud’hommes, mais éviter les litiges est toujours préférable.
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1 Les secteurs concernés : l’agroalimentaire (denrées alimentaires, boissons, tabac), les “activités scientifiques et techniques” telles que la publicité, l’hébergement et la restauration, l’assainissement des eaux et la gestion des déchets, le transport et l’entreposage, la fabrication de caoutchouc et de plastique, le travail du bois, l’industrie du papier et l’imprimerie.
LE CDD D’USAGE TAXÉ