Les discriminations sont encore bien présentes dans la profession vétérinaire - La Semaine Vétérinaire n° 1823 du 27/09/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1823 du 27/09/2019

ROYAUME-UNI

ACTU

Auteur(s) : BÉNÉDICTE ITURRIA  

La British Veterinary Association (BVA) a lancé cet été une nouvelle initiative visant à lutter contre les inégalités et l’exclusion en publiant un rapport sur la discrimination au sein de la profession vétérinaire.

En février dernier, une enquête a été menée à grande échelle au Royaume-Uni pour permettre aux vétérinaires, aux auxiliaires spécialisés vétérinaires, aux étudiants et aux managers de cliniques, victimes ou témoins de discrimination, de témoigner de leur expérience de façon anonyme. Il s’agit de l’un des deux projets de recherche menés par la British Veterinary Association (BVA), présentés dans son rapport publié cet été1. Ce questionnaire a été conçu en collaboration avec des associations vétérinaires, comme la British Veterinary Ethnicity and Diversity Society (BVEDS)2 et le groupe British Veterinary Lesbian, Gay, Bisexual and Transgender+ (BVLGBT+)3, qui luttent au quotidien contre l’exclusion. Il est né du constat de la difficulté des professionnels à partager leurs expériences de discrimination sur un forum public. Au total, 2 445 personnes ont souhaité relater des incidents, un taux de réponse sans précédent ! Le second projet, plus quantitatif, était un sondage. Deux fois par an, la BVA interroge un panel d’adhérents par le biais d’un sondage intitulé “la voix de la profession vétérinaire”4. La discrimination était le thème de celui effectué au printemps. Selon la loi britannique sur l’égalité, les types de discrimination sont l’âge, l’état matrimonial, la grossesse et le congé maternité, l’invalidité, la race, la religion, le sexe, l’orientation sexuelle et le changement de sexe. Le sondage a inclus ces caractéristiques et d’autres formes de discrimination comme le poids et le contexte socio-économique.

Près d’un quart en ont été victimes ou témoins

Les conclusions de ce rapport ont révélé que près d’un quart des personnes interrogées ont été victimes ou témoins de discrimination au cours des 12 derniers mois. « Vraiment choquant » pour la vice-présidente junior de la BVA, Daniella Dos Santos, qui a également déclaré : « Il est totalement inacceptable que tant de membres de la profession vétérinaire soient victimes de discrimination, non seulement de la part de clients, mais aussi de leurs pairs. »

Les collègues plus âgés représentent près de la moitié (47 %) des auteurs de discrimination, suivis par les clients (35 %). 27 % des discriminations ont été constatées en pratique mixte, 26 % en équine, 25 % en rurale et 24 % en canine.

La discrimination fondée sur le sexe (44 % des incidents) et la discrimination raciale (27 %) sont les plus souvent signalées. Le rapport indique aussi que 5 à 6 % des répondants ont été victimes de discrimination du fait de leur orientation sexuelle et que 3 à 4 % le sont en raison d’un changement de sexe.

Les jeunes vétérinaires et les femmes davantage ciblés

Les jeunes vétérinaires sont plus susceptibles d’être victimes de discrimination que leurs confrères plus expérimentés : 27 % des moins de 35 ans en ont fait l’objet, contre 13 % pour les 35-54 ans. Les femmes vétérinaires font environ deux fois plus l’objet de discrimination que leurs confrères masculins (respectivement 19 % et 8 %).

La prévalence de la discrimination est également plus élevée chez les vétérinaires appartenant à des minorités ethniques (26 %, contre seulement 13 % chez les Britanniques “blancs”). Idem pour les confrères décrivant leur orientation sexuelle comme bi, gay ou lesbienne. 27 % d’entre eux ont été victimes d’incidents, contre 15 % pour les personnes hétérosexuelles.

Les témoignages ont montré que l’utilisation d’un langage offensant était la forme de discrimination la plus répandue, les cas de harcèlement physique étant beaucoup moins décrits. Concernant les conditions de travail, les personnes interrogées ont souvent rapporté que la discrimination se traduisait par une charge de travail plus importante, des tâches plus ingrates, un refus d’accéder à certaines requêtes (modifier sa façon de travailler, demander du temps libre), des taux de rémunération plus bas et le manque d’accès à des horaires flexibles ou à une formation. Les incidents impliquant des clients qui refusaient d’accepter les services de vétérinaires présentant des « caractéristiques particulières » ont également été fréquemment rapportés.

Peu de signalements

Deux tiers des incidents n’ont pas été signalés aux autorités compétentes, et ce pour différentes raisons : les victimes ne savaient pas vers qui se tourner, préféraient ignorer l’incident ou se résignaient (« Cela fait partie du métier »). Certaines ont aussi déclaré n’avoir pas assez confiance en elles pour entamer une procédure ou craindre les représailles. Seulement 12 % des personnes interrogées ont été satisfaites de la manière dont leur incident a été réglé, ce chiffre atteignant 23 % parmi celles qui se sont senties capables de le signaler.

Le rapport démontre que les discriminations sont toujours d’actualité dans le milieu vétérinaire. Cependant, seulement 56 % des membres de la profession ont répondu être préoccupés par ce phénomène. Ce pourcentage inquiète la BVA et le groupe BVLGBT+. Les deux associations concluent qu’il existe clairement un manque de prise de conscience de la profession à l’égard de la discrimination et de son niveau inacceptable. Le rapport a, de ce fait, incité la BVA à lancer une « grande discussion sur l’égalité et l’inclusion dans la profession vétérinaire », invitant les membres de toutes les équipes vétérinaires du Royaume-Uni à s’exprimer en participant à des sessions en ligne via les réseaux sociaux. Elle exhorte aussi ses quelque 18 000 membres à donner leur point de vue via leurs représentants régionaux. Pour le groupe BVLGBT+, « il est essentiel que ces résultats incitent notre profession à s’interroger et à évoluer. Chacun de nous a la responsabilité de contribuer aux changements nécessaires pour rendre notre profession moderne, ouverte et surtout plus sûre. Il est primordial de créer une culture professionnelle qui accueille, encourage et adopte la diversité, ce qui nous permettra à tous d’appartenir à une profession dont nous sommes non seulement fiers, mais où nous nous sentons en sécurité ».

1 bit.ly/2kQ75aY

2 bveds.com

3 bvlgbt.co.uk

4 https://bva.co.uk/voice

DES GROUPES DE SOUTIEN

Les groupes de soutien comme la BVEDS1, BVLGBT+2 ou Vet Life3 offrent actuellement une oreille attentive aux confrères victimes de discrimination. D’autres moyens supplémentaires ont récemment été mis en place pour comprendre et ainsi mieux lutter contre la discrimination. La British Veterinary Association (BVA) a créé le groupe de travail The Good Place WorkingGroup, qui vise à garantir la qualité de tous les lieux de travail des vétérinaires. Une partie de son activité consistera à examiner la diversité, l’égalité et l’inclusion. Les résultats qui en découleront, associés à leurs autres études, contribueront à l’élaboration de recommandations. Le Royal College of Veterinary Surgeon (RCVS), équivalent britannique de l’Ordre national des vétérinaires, a aussi mis en place un groupe de travail sur la diversité et l’inclusion, appelé The Diversity and Inclusion Working Group. Ce dernier, qui a tenu sa première réunion en avril dernier, a pour objectif de supprimer les barrières en matière de sélection, de recrutement et de maintien des effectifs afin d’encourager une plus grande diversité au sein de la profession, y compris, sans toutefois s’y limiter, la diversité ethnique, socio-économique et sexuelle. Le groupe va rassembler des informations pour mieux appréhender la situation actuelle, à travers notamment une meilleure compréhension des obstacles structurels, sociétaux et culturels, afin d’obtenir des pistes pour améliorer la diversité dans le futur. Comme le dit justement le président du RCVS, Niall Connell, « la population du Royaume-Uni devient de plus en plus diversifiée, tout comme les propriétaires d’animaux. En tant que tel, il est important que la profession vétérinaire reflète l’ensemble de la société à qui elle offre ses services. »
1 British Veterinary Ethnicity and Diversity Society.
2 British Veterinary Lesbian, Gay, Bisexual and Transgender+.
3 https://vetlife.org.uk