CONFÉRENCE
PRATIQUE CANINE
Formation
Auteur(s) : GWENAËL OUTTERS
Les complications de l’immobilisation et du décubitus sont multiples, l’animal n’étant plus capable de gérer ses fonctions vitales. Bien que chronophage, la physiothérapie est un réel atout dans la gestion des animaux en décubitus et améliore grandement leur moral.
- L’animal en décubitus présente un fort risque de ralentissement du transit digestif : retard de la vidange gastrique, iléus paralytique et constipation. Il est aggravé par des facteurs de risque comme le stress, les médicaments dont les morphiniques, la douleur, la période postopératoire, et les troubles neuromusculaires. Cliniquement, les animaux présentent des douleurs et distensions abdominales, une absence de borborygme, un retard nutritionnel, des reflux, des œsophagites et des bronchopneumonies par aspiration, complication la plus fréquente.
- Le traitement vise en premier lieu la maladie sous-jacente. Puis la réalimentation précoce est particulièrement importante et doit être intégrée dans le plan thérapeutique, en utilisant des systèmes qui limitent les risques. Le positionnement est primordial, l’animal doit être en décubitus sternal et la gamelle est donnée, au début à la main, toujours sous surveillance. Les gavages sont à proscrire. Les sondes d’alimentation sont utilisées sur les animaux qui refusent de manger (sonde nasogastrique ou d’œsophagostomie). La remobilisation précoce améliore le transit digestif. Lorsque cela est possible, il convient d’éliminer progressivement les médicaments susceptibles de générer un ralentissement du transit tout en maintenant un état de confort pour l’animal. Ensuite, le métoclopramide, gastrokinétique, est utilisé en perfusion à raison de 1-2 mg/kg/j, avant ou en même temps que la réalimentation pour éviter les reflux. Le citrate de maropitant a une action antinauséeuse et analgésique digestive intéressante. La ranitidine aurait une action gastrokinétique.
- L’atélectasie pulmonaire est rapidement visible radiologiquement, même si elle est assez peu symptomatique. Il est donc important de changer régulièrement les animaux de côté, surtout ceux de grand format chez qui le poids des organes pèse sur le lobe pulmonaire du dessous. La bronchopneumonie par aspiration est la plus grave et la plus fréquente des complications.
- Anticiper la bronchopneumonie consiste à surélever l’avant-main des animaux et à leur administrer des traitements gastrokinétiques avant la réalimentation. L’intubation peut être nécessaire chez les animaux hospitalisés n’étant plus capables de protéger leurs voies respiratoires (coma, anesthésie longue, etc.). Lorsque la bronchopneumonie survient, le traitement de soutien est l’oxygénothérapie, l’antibiothérapie à large spectre par voie intraveineuse (IV) et les nébulisations. La kinésithérapie respiratoire a été développée à partir de techniques réalisées chez les bébés : des pressions manuelles sur le thorax augmentent le flux expiratoire et aident l’animal à expectorer. Une main est placée en arrière du diaphragme, sur le sternum, de façon à ce que la pression exercée sur le thorax reste sur celui-ci et que le flux expiratoire se dirige vers l’extérieur et non vers l’abdomen. La seconde main épouse la forme et la direction des côtes de manière à accompagner et à forcer l’expiration. L’efficacité de la technique s’évalue par l’apparition de toux ou de déglutitions des sécrétions. Des séries de 5 à 10 expirations forcées, 3 à 4 minutes de chaque côté du décubitus, sont réalisées, et ce de quatre à six fois par jour en fonction de la gravité. La séance se termine par une toux forcée en palpant la trachée pour finir d’expectorer. Cette technique améliore singulièrement le confort et la respiration de ces malades. Elle est d’autant plus efficace sur les animaux très encombrés.
- L’animal en décubitus souffre rapidement de phénomène d’ankylose, de raideur et de fonte musculaire, d’œdèmes et parfois d’escarres. Un décubitus prolongé fragilise les structures musculo-squelettiques ; le cartilage est rapidement altéré. En effet, la nutrition du cartilage est accomplie grâce à la succession des mises en charge et décharge des articulations. La diminution de la densité osseuse et de l’élasticité ligamentaire et tendineuse, ainsi que la fibrose musculaire entraînent une perte des schémas posturaux et moteurs. L’ensemble de ces complications peut être limité par l’utilisation de physiothérapie précoce.
- La kinésithérapie passive consiste à faire effectuer des mouvements à l’animal qu’il n’est pas en mesure de réaliser seul. Elle doit être précoce, trois à quatre fois par jour et aussi longtemps que l’animal est incapable de se déplacer seul. La kinésithérapie passive est constituée de massages sous forme d’effleurage tout d’abord, puis de pressions glissées, puis de pétrissage. La séance se poursuit par des mobilisations passives avec des mouvements de flexion et d’extension des articulations, soit articulation par articulation, soit sur l’ensemble du membre, puis par la réalisation du pédalage qui reproduit le mouvement de la marche.
Les mobilisations actives assistées sont pratiquées sur des ballons en forme de cacahuète (ou rouleau de papier essuie-tout pour les petits formats) : les membres touchent le sol et le chien est balancé légèrement d’avant en arrière et de droite à gauche, afin de stimuler les schémas posturaux, de l’équilibre et de la proprioception. Des exercices de squat verticaux sont pratiqués en appuyant légèrement sur le bassin de sorte à forcer le chien à se maintenir sur ses postérieurs et à reprendre ses appuis sur le sol. Ensuite, le déplacement est stimulé à l’aide de harnais ou de chariot.
Inopérante sur la fonte et la fibrose musculaires lors d’inactivité du muscle, la kinésithérapie passive doit être complétée de kinésithérapie active ou d’électrothérapie. Cette dernière consiste à faire passer un courant électrique de part et d’autre d’un groupe musculaire, afin de provoquer une contraction et ainsi réduire l’amyotrophie et entretenir la contractilité du muscle, à raison d’une séance par jour.
Les œdèmes des parties distales des membres sont le reflet d’un défaut de retour veineux secondaire à l’immobilisation. Les animaux sont donc changés de position toutes les 2 à 4 heures. La cryothérapie (poches froides pendant 10 à 15 minutes), ainsi que les massages favorisent le retour veineux.
Les escarres de décubitus, parfois d’apparition très rapide (24 heures), sont dues à une pression forte et prolongée sur la peau et les pointes osseuses (coudes, pointes des hanches, pointes des fesses, talons) qui provoque une ischémie et une nécrose tissulaire.
Pour les éviter, il convient d’utiliser des couchages adaptés (matelas rembourrés ou transats), des coudières de protection, de changer les animaux de position régulièrement et de leur assurer une hygiène correcte (ne pas laisser les souillures urinaires et fécales). Certains “patients” peuvent bénéficier d’une sonde urinaire. Les massages favorisent la vascularisation et la circulation des zones susceptibles de devenir des escarres. Celles-ci sont traitées par des pansements en forme de “donut” pour supprimer l’appui sur la zone et des soins de plaie classiques. Les ultrasons et la thérapie laser sont des aides à la cicatrisation en favorisant la vascularisation et la fabrication de facteurs de cicatrisation.
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