COLLOQUE
ACTU
Auteur(s) : AMANDINE GAUTIER
à la préfecture de Marseille, le colloque du 27 septembre sur le maillage vétérinaire a mis en exergue l’urgence d’adopter des solutions efficaces pour maintenir une présence de vétérinaires dans les territoires ruraux. Face à une situation hautement critique, l’enjeu est de savoir s’il n’est pas déjà trop tard pour agir.
Dans deux ans, si cela continue, on aura un problème, on va dans le mur ». Au premier colloque sur le maillage vétérinaire, qui s’est tenu à la préfecture de Marseille (Bouches-du-Rhône) le 27 septembre, les propos de Jacques Guérin, président de l’Ordre national des vétérinaires, ont été sans équivoque. Le maillage est en danger immédiat ! La situation en région Paca (Provence-Alpes-Côte d’Azur) a été, bien sûr, largement évoquée tant elle apparaît critique : dans certains départements, il n’y a quasiment plus de vétérinaires ruraux et le maillage semble véritablement rompu dans plusieurs territoires. Au-delà de cette situation “limite”, plusieurs enjeux ont été soulevés, qui questionnent toute la profession vétérinaire, depuis la formation jusqu’à l’exercice du métier, en passant par les relations avec l’état.« Après une période de partenariat entre vétérinaires et é tat, les prophylaxies ont baissé, tout comme les modes de vie et de travail des vétérinaires ont changé », a constaté Philippe Schonemann, adjoint au secrétaire général pour les affaires régionales de Paca. Selon lui, malgré la mise en place en 2017 de la feuille de route Vétérinaires et territoires, qui était censée avancer dans la mise en œuvre de solutions, la problématique du maillage vétérinaire s’est accrue.
Dans son intervention, Jacques Guérin a souligné que la gestion de la crise de la fièvre aphteuse a constitué la dernière victoire des vétérinaires français, en comparaison avec la situation anglaise sans maillage. Or « ce contrat public/privé qui faisait notre force est en train de se déliter » et « la composante de la profession en animaux de rente va devenir anecdotique ». Ainsi, Laurent Perrin, président du Syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral (SNVEL), est revenu sur l’existence de territoires « en surchauffage » ou en déséquilibre de vétérinaires. Il a insisté sur les soucis de rentabilité des activités vétérinaires. Si la télémédecine et les nouvelles technologies peuvent apporter des améliorations pour le suivi des troupeaux, la proximité et la réactivité restent la base pour répondre aux besoins des éleveurs et aux problématiques de crise. Il constate aussi une baisse des activités historiques, mais aussi des risques émergents avec de nouvelles crises sanitaires. En outre, à la question de l’attractivité des territoires s’ajoute le problème de la permanence et de la continuité des soins. Les gardes et les astreintes posent des difficultés d’organisation entre confrères, avec une pression sociale et économique importante.
Face à ces constats, quelles solutions ? Selon Jacques Guérin, la feuille de route a accouché d’une souris : la contractualisation, qui ne sert que dans les zones où il n’y a pas de problème. Laurent Perrin va dans le même sens : « Il faudrait de nouveaux modèles d’entreprise multidisciplinaires au service de l’élevage, car la contractualisation n’est pas la solution pour les zones à faible maillage. En effet, les éleveurs n’arriveront jamais à faire vivre une compétence vétérinaire qui soit rentable économiquement. » Dans ce contexte, Jacques Guérin en appelle aux élus territoriaux : « Les espoirs sont aujourd’hui tournés vers les élus des territoires, car ils ne trouveront plus de solutions au niveau national, au ministère ». Il poursuit : « Ce qui a sauvé la profession vétérinaire dans l’histoire, c’est la gestion des grandes maladies. L’ é tat sait gérer les crises dans l’urgence, mais maintenir un réseau de surveillance, il ne sait pas faire (…). Le ministre de l’Agriculture n’entend pas la profession : il devrait organiser une réunion à l’automne, mais ça n’avance pas. Il a aussi affirmé l’importance de la permanence et de la continuité des soins : « C’est ce qui pourra sauver le maillage. Soit on le dit et on structure le réseau autour de cette contrainte-là, soit on dit que ce n’est pas important et les vétérinaires vont se désengager. » Au-delà de la nécessaire intervention des collectivités territoriales, d’autres solutions ont été évoquées. Jacques Guérin a, par exemple, proposé de confier aux vétérinaires ruraux des missions en lien avec le ministère de la Transition écologique et solidaire. La question du vétérinaire communal a aussi été posée : celui-ci ne serait pas uniquement occupé par la gestion des animaux de la commune. Laurent Perrin a ajouté que des missions de contrôle pour les circuits courts sous forme de conseil pourraient être confiées aux vétérinaires. Enfin, la délégation de certains actes vétérinaires aux auxiliaires est apparue comme une partie de la solution, du fait de l’amélioration du confort de travail pour le praticien.
Sans vétérinaires, pas d’élevages. « On a besoin de vétérinaires pour faire des bilans sanitaires », a déclaré Claire-Lise Bonneau, éleveuse de bovins dans le département des Alpes-de-Haute-Provence, et élue à la fédération régionale des groupements de défense sanitaire (FRGDS) de la région Paca. Au colloque, le monde de l’élevage a également insisté sur l’urgence d’améliorer la situation. Jacques Courron, éleveur d’ovins en Paca, a souligné que c’est le bien-être des animaux en cas d’absence de soins qui va poser problème. Le manque de vétérinaires peut aussi conduire à des pertes d’animaux, comme l’a indiqué Philippe Sulpice, animateur de la Fédération des éleveurs et vétérinaires en convention (Fevec), au sujet de certains territoires de la Drôme et de l’Ardèche qui avaient connu un hiver sans vétérinaires. Pour y remédier, les éleveurs aussi se mobilisent. Pour exemple, les groupes vétérinaires conventionnés, qui sont des cabinets vétérinaires avec un collectif d’éleveurs réunis, en général, sous la forme d’une association. Ces groupes correspondent à une forme de contractualisation « globale, collective, formalisée », a expliqué Philippe Sulpice. Claire-Lise Bonneau a insisté par ailleurs sur la difficulté pour les GDS d’être autonomes et de maintenir une activité sans passer par les FRGDS. Selon elle, le pilier des démarches reste le vétérinaire sanitaire : « La FRGDS ne peut pas le remplacer, on a besoin de vétérinaires pour aller dans les élevages faire des bilans sanitaires d’élevage ». Ce constat est partagé par Coline Vermandé, directrice de la FRGDS de Paca, qui a souligné que la fédération a recruté des vétérinaires qui lui permettent de mettre en place de plans de surveillance et de proposer des conseils, des formations et un suivi technique aux éleveurs.
Une partie de la solution pourrait passer également par la formation initiale, et sur cette question du maillage, les écoles nationales vétérinaires sont apparues fortement mobilisées. Emmanuelle Soubeyran, directrice de VetAgro Sup, le reconnaît : «
Il faut mieux sélectionner
», à partir d’autres compétences comme la motivation, la communication, la connaissance du monde vétérinaire et pas seulement les connaissances académiques. Un problème comparable à celui des médecins, selon Véronique Billaud, directrice-adjointe de l’Agence régionale de santé de la région Paca : «
Il y a une sursélection des jeunes de milieux urbains et aisés, et les médecins recrutés de nos jours ne sont plus adaptés au métier d’aujourd’hui ». En attendant, des stages tutorés en cliniques rurales ont été mis en place. à Vet-Agro Sup, les étudiants de 1re année assistent aussi en début d’année à un module sur la place des vétérinaires au xxie siècle, ainsi qu’à un jeu de territoires pour les aider à réfléchir sur les modalités d’installation dans une zone donnée. Enfin, les promotions ont augmenté de l’équivalent d’une cinquième école vétérinaire, comme l’a expliqué Jérôme Coppalle, sous-directeur de l’enseignement supérieur à la Direction générale de l’enseignement et de la recherche (DGER). De fait, le besoin pour les animaux de production est couvert au niveau de la formation. 120 jeunes vétérinaires en sortent tous les ans pour travailler en rurale, sans compter ceux issus des autres écoles vétérinaires européennes. Le nombre d’élèves titulaires de BTS agricole recrutés dans les écoles vétérinaires a été multiplié par trois. Ainsi, pour lui, le problème n’est pas quantitatif mais une question hyper-territoriale et un sujet de modèle économique. Il se pose au niveau des collectivités locales et de leur capacité à étendre des dispositifs de soutien aux cliniques vétérinaires dans un contexte de maillage tendu : «
Si on déployait le modèle de subvention du département des Alpes-Maritimes à une quarantaine de départements
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200 cabinets concernés
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qui ont des problèmes de maillage, ça ne coûterait pas grand-chose. Il faut juste une mobilisation…
» Selon lui, la profession a intérêt à viser le ministère des collectivités locales, en autorisant notamment ces dernières à financer le maintien des activités, à délivrer des bourses ou encore à financer des maisons vétérinaires.
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L’EXEMPLE EN SANTÉ HUMAINE
RETOURS DE TERRAIN