Télémédecine vétérinaire : Oniris prend les devants - La Semaine Vétérinaire n° 1825 du 11/10/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1825 du 11/10/2019

ENSEIGNEMENT

ACTU

Auteur(s) : FRÉDÉRIC THUAL 

Avec la mise en œuvre de la première chaire de télémédecine vétérinaire, l’école vétérinaire nantaise entend devenir un centre d’expertise reconnu, et acquérir le leadership de l’enseignement de la télémédecine vétérinaire.

Fruit d’une convention de mécénat avec MSD Santé animale en avril, la toute récente chaire de télémédecine d’Oniris est bel et bien lancée. Sébastien Assié, enseignant-chercheur en médecine des animaux d’élevage, et Laëtitia Dorso, praticienne hospitalière et directrice du centre Autopsie services à Oniris, qui la codirigent, ont présenté le 20 septembre l’état d’avancement de leurs projets. Le premier et le plus abouti, le logiciel Innovative Veterinary Assisted Necropsy (Ivan), est un outil d’aide au diagnostic en autopsie bovine, développé avec le concours de l’ingénieur Vianney Sicart de l’unité de recherche BioEpAR, de l’Institut national de recherche agronomique. Ses performances sont en cours d’évaluation. Le second, Dexter-e-T est un dispositif de téléautopsie bovine, intégrant des lunettes connectées. Il a donné lieu à un partenariat avec l’école IMT Atlantique pour disposer du savoir-faire de ses ingénieurs en matière de connectivité et de réseau, principalement problématique en élevage. Avec ses projets, l’école nantaise apparaît comme un précurseur dans le développement de la télémédecine vétérinaire. « On a démarré très vite. Ce que l’on espère maintenant, c’est un effet de levier pour multiplier les financements et accélérer », indique Sébastien Assié. Cinq axes de travail ont été définis : la téléautopsie bovine, la téléexpertise bovine, l’ouverture de la chaire comme bureau d’études sur les objets connectés, le développement d’expertises pédagogiques et le transfert de compétences vers les autres espèces animales, notamment les animaux de compagnie.

Une ouverture à la formation initiale

Dans l’immédiat, les étudiants interviendront dans la chaire au travers des thèses vétérinaires. Les élèves de 4e et 5e années pourront être associés aux solutions, de manière à ce qu’ils puissent utiliser Ivan ou Dexter-e-T tout au long de leurs études. « D’ici deux ans, nous souhaitons également lancer du monitoring. Lorsque des étudiants iront en visite d’élevage, ils pourront être assistés à distance, avec un mentor à l’école. Petit à petit, on va trouver les solutions techniques et la forme pédagogique adéquate. Cette chaire permet d’avoir les moyens humain et financier. À l’inverse, on aimerait que des confrères qui traitent un cas intéressant puissent entrer en contact avec l’école pour le présenter par télétransmission », détaille Sébastien Assié. Si, en premier lieu, il s’agit de mettre au point des solutions techniques utilisables en clinique, viendra ensuite le temps de proposer un enseignement sous forme d’unités d’enseignement aux étudiants. D’ici là, il faudra encore régler les questions ordinales, la gestion des data, la protection des données… « Ça bouge, mais pas assez pour en faire un enseignement dans l’immédiat », observe Sébastien Assié.

SEBASTIEN ASSIÉ :« CONSACRER DU TEMPS AUX SOLUTIONS PLUTÔT QU’À L’ANALYSE DES DONNÉES »

Comment allez-vous pouvoir aider le praticien à exploiter les données d’élevage ?
Sébastien Assié, codirigeant de la chaire de télémédecine vétérinaire : Il y a au moins deux verrous à l’exploitation des données d’élevage sur lesquels nous souhaitons travailler. Le premier est l’interopérabilité des différents logiciels. Les données d’élevage sont multiples, portées par plusieurs logiciels métiers qui ne peuvent pas ou très peu communiquer ensemble. Le deuxième concerne les outils pouvant traiter automatiquement les données d’élevage. L’idée est que le vétérinaire puisse surtout travailler à trouver des solutions pour son éleveur plutôt qu’à consacrer du temps à l’analyse des données. Bien sûr il existe déjà des logiciels métiers qui le proposent. Pour autant, nous souhaitons développer des collaborations avec toute personne souhaitant améliorer cette étape. Notre force réside dans notre capacité à développer des solutions d’intelligence artificielle comme nous l’avons fait au niveau individuel avec le logiciel Ivan.

Quelle place aura la télémédecine dans la médecine de troupeau ?
S. A. : Le premier avenir que l’on pourrait imaginer pour la “télémédecine de troupeau” serait d’intégrer les données des logiciels d’élevage, celles mesurées en continu dans les bâtiments d’élevage, celles des robots et enfin celles des capteurs embarqués sur les animaux. Leur analyse automatisée fournirait alors au praticien la liste des exploitations, des situations à risque pour lesquelles une intervention est requise. Cette intervention pourrait être une visite de l’exploitation ou une téléconsultation dans le cas de situations moins sévères ou de suivi. Évidemment, l’aspect préventif serait privilégié par rapport à l’aspect curatif dans une telle approche. L’économie de moyens serait évidente, les efforts pouvant être concentrés sur les situations à risque. Les efforts de recherche sont encore importants avant que cela puisse être mis en place…