CONFÉRENCE
PRATIQUE CANINE
Formation
Auteur(s) : GWENAËL OUTTERS
Les corticoïdes topiques ou dermocorticoïdes sont très utilisés en dermatologie vétérinaire. Ils sont retrouvés dans d’assez nombreuses spécialités, seuls ou combinés à des anti-infectieux. Ils possèdent de multiples indications, mais peuvent néanmoins conduire à des effets secondaires locaux et systémiques justifiant leur utilisation raisonnée.
Chez le chien, du fait de leurs effets anti-inflammatoire et antiprolifératif, les dermocorticoïdes sont employés dans de nombreuses affections inflammatoires, dysimmunitaires, voire tumorales : formes très localisées de dermatites atopique, pyotraumatique ou de contact, otites, lupus cutané, pemphigus érythémateux, fistules ou fissures périanales. Lors de processus infectieux concomitants, il convient de choisir une spécialité contenant un anti-infectieux. Ils sont indispensables en otologie, car ils diminuent la sténose auriculaire et facilitent l’action des autres principes actifs (antibiotiques et antifongiques). « Lors de dermatite et/ou d’otite atopiques, l’utilisation proactive des dermocorticoïdes est extrêmement intéressante », souligne la conférencière, Anne Roussel. La commercialisation de produits contenant des dermocorticoïdes seuls non combinés à d’autres substances a largement démocratisé cet usage (acéponate d’hydrocortisone, triamcinolone). La “week-end thérapie” consiste à traiter les zones à risque (oreilles, peau) 2 jours consécutifs dans la semaine (samedi et dimanche, par exemple) en continu (et même en l’absence de lésion) dans le but de diminuer le risque de récidives.
Sur des animaux souffrant d’affections intercurrentes (insuffisance rénale, maladies cardiaques, etc.), l’utilisation des dermocorticoïdes est intéressante du fait de la moindre occurrence des effets systémiques.
Ils sont disponibles en médecine vétérinaire sous différentes formes galéniques (spray, lotion, crème, topique auriculaire), permettant d’adapter leur usage à la localisation des lésions et à l’animal traité. La pénétration cutanée est liée à la forme galénique (crèmes et pommades > lotions > gels > sprays). En médecine humaine, il est reconnu que l’efficacité dépend également de l’épaisseur de la peau, de son état inflammatoire et de l’âge du patient. L’absorption est plus importante au niveau du visage, des plis et des parties génitales. Le choix du dermocorticoïde prend également en compte le degré d’inflammation, la durée du traitement, ainsi que la puissance et la concentration du corticoï̈de. En médecine humaine, les dermocorticoïdes sont répartis en différentes classes en fonction du bénéfice et des risques associés à leur utilisation (faible, modérée, forte, très forte). La plupart des dermocorticoïdes vétérinaires appartiennent à la classe d’activité faible (tableaux) et sont associés à des anti-infectieux.
Les diesters non halogénés comme l’acéponate d’hydrocortisone ont la particularité d’être métabolisés dans le derme profond, minimisant ainsi les effets secondaires locaux et systémiques. Ils possèdent une meilleure tolérance cutanée et une meilleure affinité pour les récepteurs cellulaires aux corticoïdes.
Les dermocorticoïdes ne sont pas recommandés lors de pyodermite, de folliculite pyotraumatique, de dermatophytose et de dermatose parasitaire (démodécie notamment). Cependant, ils peuvent être utiles dans la gestion de certaines dermatoses parasitaires, telles que la gale sarcoptique, la trombiculose, l’otacariose, etc., quand le parasite occasionne une forte réaction allergique prurigineuse. Ils peuvent aussi avoir un intérêt en association avec un traitement anti-infectieux, contre certains syndromes de prolifération microbienne (Malassezia overgrowth, bacterial overgrowth), car l’inflammation non contrôlée et les altérations de la barrière cutanée secondaires au prurit sont à l’origine d’une altération du microbiome cutané (dysbiose). Ils sont contre-indiqués lors de dysendocrinies. Le prurit associé à une calcinose cutanée lors d’hypercorticisme est géré à l’aide de soins topiques (shampooings, application de pommades à base de diméthylsulfoxyde [DMSO], préparation extemporanée en pharmacie). En oncologie, les dermocorticoïdes sont notamment contre-indiqués pour le traitement des histiocytomes.
Leur utilisation est réservée à des zones de faibles étendues. Leur emploi sur de larges surfaces de peau est trop fastidieux, limité par la présence de poils et exposant à plus d’effets secondaires systémiques. Par ailleurs, l’effet de ce type de thérapeutique est généralement plus lent à observer que par la voie systémique. Les effets secondaires systémiques sont rares (syndrome de Cushing iatrogène, inhibition de l’axe corticotrope, etc.) et surviennent généralement après utilisation prolongée de dermocorticoïdes puissants, sur de grandes surfaces et sur des épidermes altérés. Néanmoins, les spécialités auriculaires (dexamé́thasone, bétaméthasone et triamcinolone) semblent entraîner plus facilement des effets systémiques et une suppression de l’axe corticotrope. En outre, les dermocorticoïdes (dont l’acéponate d’hydrocortisone 0,0584 %) inhibent les tests allergologiques cutanés. Les effets locaux sont plus fréquents : atrophie cutanée, effet proinfectieux, vergétures, hémorragies. Le port de gants par les propriétaires lors de l’application, ainsi que les consignes de bon usage (quantité à utiliser, surface), doivent être mentionnés sur l’ordonnance.
À l’instar des autres traitements immunomodulateurs, l’efficacité des dermocorticoïdes, de même que la sensibilité aux effets secondaires, est très variable d’un animal à l’autre. L’utilisation abusive des corticoïdes en médecine humaine et vétérinaire et les sévères effets secondaires en découlant ont conduit tant le vétérinaire prescripteur que les propriétaires d’animaux à une certaine “corticophobie”. Cette peur des corticoïdes peut être responsable d’un certains nombres d’échecs thérapeutiques, notamment dans leur utilisation proactive dans le but de prévenir l’apparition de nouvelles lésions.
•