Les points forts du congrès européen de médecine interne - La Semaine Vétérinaire n° 1826 du 18/10/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1826 du 18/10/2019

EUROPEAN COLLEGE OF VETERINARY INTERNAL MEDICINE

PRATIQUE CANINE

L'ACTU

Auteur(s) : TAREK BOUZOURAA 4 

Diagnostic et traitement de la maladie mitrale, nouveautés diagnostiques pour la leishmaniose, physiopathologie de l’insuffisance hépatique, place des antiacides en gastroentérologie ont fait partie des thématiques abordées lors du dernier congrès des vétérinaires internistes européens. À l’instar d’autres congrès internationaux, une session a été consacrée au syndrome brachycéphale.

L’European College of Veterinary Internal Medicine-Compagnon Animal (Ecvim-CA) organisait son congrès annuel à Milan, en Italie, entre les 18 et 21 septembre 2019. En voici quelques nouveautés.

Un nouvel outil de diagnostic radiographique de la maladie mitrale

En cardiologie, la prise en charge de la maladie valvulaire dégénérative mitrale reçoit une attention grandissante ayant abouti à la mise en évidence d’un nouvel outil diagnostic radiographique et au renforcement des certitudes thérapeutiques, matérialisées par le dernier consensus de l’Acvim1. Pour affiner le diagnostic, les équipes de cardiologie et d’imagerie médicale de l’université de Davis (États-Unis) proposent l’évaluation du rapport des mesures de l’atrium gauche (repéré spécifiquement sur un cliché radiographique latéral droit) et de la quatrième vertèbre thoracique. L’indice pouvant être nommé score atrial gauche (traduit de l’anglais vertebral left atrial score)2 aurait une sensibilité de détection d’une dilatation atriale gauche accrue lorsque l’échocardiographie n’est pas disponible. Une valeur supérieure à 2,3 est fortement évocatrice d’une dilatation atriale gauche en cours (stade B2 de la classification Acvim). L’initiation d’un traitement est alors recommandée afin de retarder un éventuel épisode congestif futur (stade C). Dans ce contexte de maladie valvulaire dégénérative mitrale de stade B2, les conclusions de l’équipe de cardiologie de l’université de Milan (étude Delay, en cours, qui porte sur l’intérêt d’introduire la spironolactone en phase préclinique) sont encore limitées. En effet, l’intérêt de l’association bénazépril-spironolactone, afin de retarder l’évolution vers un stade C, n’est pas encore avéré (l’Acvim recommande le pimobendane en stade B2, mais le bénéfice des inhibiteurs de l’enzyme de conversion [IECA] n’est pas actuellement unanimement accepté). Cependant, le protocole pourrait possiblement apporter de nouvelles informations dans le futur. Cette option thérapeutique (association IECA et spironolactone) serait alors envisagée en possible adjonction du pimobendane dont l’intérêt dans cette configuration clinique a déjà été souligné3.

Un diagnostic futur de leishmaniose à partir des urines ?

Laia Solano-Gallego, praticienne à Barcelone (Espagne), rappelle la diversité des anomalies cliniques et biologiques de la leishmaniose chez le chien. Elle souligne le passage de l’ADN des leishmanies à travers les glomérules, ce qui suggère un caractère prometteur de la recherche par polymerase chain reaction (PCR) sur les urines dans le cadre du diagnostic. La procédure a déjà été pratiquée dans un cadre prioritairement académique et de recherche en 2007, puis renouvelée en employant des méthodes d’extraction de matériel génétique spécifiques. Cette modalité diagnostique fera certainement l’objet d’études futures.

Insuffisance hépatique : attention à l’hyperammoniémie

Adam Gow, praticien à Édimbourg (Royaume-Uni), rappelle l’impact de l’hyperammoniémie lors d’encéphalose hépatique. Elle a notamment un rôle délétère sur les fonctions immunitaires des polynucléaires neutrophiles, ce qui explique alors le lien avec le syndrome de réponse inflammatoire systémique. Ainsi, le conférencier invite, face à un animal présentant des signes cliniques et biologiques d’insuffisance hépatique, à rechercher et à prendre en charge le cas échéant tout foyer inflammatoire ou infectieux occulte et, a fortiori, tout état inflammatoire généralisé.

Emergence d’une vasculite à expression cutanée

Des vasculites à expression cutanée associées à une glomérulopathie thrombotique sont observées de plus en plus fréquemment. L’affection a été décrite pour la première fois au sein d’un effectif de greyhounds aux États-Unis, puis chez un dogue allemand en Allemagne. L’atteinte se caractérise par des ulcérations cutanées des extrémités digitées, ainsi qu’en regard des babines et de la zone inguinale préalablement à l’apparition de signes cliniques reliés à une azotémie aiguë consécutive. David Walker, praticien à Winchester (Royaume-Uni), rappelle que l’origine de ce syndrome demeure encore méconnue. Les données histologiques témoignent d’une microangiopathie thrombotique et de dommages essentiellement inflammatoires des endothéliums vasculaires. L’approche en pathologie comparée indique qu’il existe chez l’homme un syndrome similaire avec une origine héréditaire ou faisant suite à une toxi-infection alimentaire : c’est le syndrome urémique et hémolytique secondaire à l’activité des shigatoxines produites par les E. coli pathogènes.

L’usage des antiacides à raisonner

Kirsten Messenger et Katie Tolbert (Texas, États-Unis) rappellent que la prescription des antiacides est peu maîtrisée en pratique quotidienne. En effet, dans 40 à 70 % des cas, ils sont prescrits sans indication évidente. Par ailleurs, l’adjonction d’un inhibiteur de la pompe à protons lors d’administration d’un anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS) ne “protège” pas spécifiquement l’appareil digestif. Au contraire, l’oméprazole, entre autres, prédispose même à un déséquilibre de flore qui fragilise secondairement l’intestin. Un message fort transmis par les deux conférencières : la muqueuse intestinale est plus sensible aux effets indésirables iatrogènes lors de prescription conjointe d’AINS et d’antiacides. Par ailleurs, les antihistaminiques antagonistes des récepteurs à l’histamine de type 2 (cimétidine, ranitidine, famotidine), qui inhibent la sécrétion acide stomacale, ont une activité rapide mais non soutenue dans le temps. Les études décrivent en effet une perte d’efficacité dès le troisième jour de prescription, ce qui indique soit la nécessité d’utiliser des formes injectables en perfusion continue, soit d’employer en complément un inhibiteur de la pompe à protons.

1 Voir La Semaine Vétérinaire n° 1814 du 21/6/19, pages 30 et 31

2 Malcolm E. L., Visser L. C., Phillips K. L., Johnson L. R. Diagnostic value of vertebral left atrial size as determined from thoracic radiographs for assessment of left atrial size in dogs with myxomatous mitral valve disease. JAVMA, 2018;253:1038-1045.

3 Adrian Boswood dans l’étude Epic (European Prospective Investigation into Cancer and Nutrition) en 2016 et plus récemment dans le consensus de l’American College of Veterinary Internal Medicine (Acvim) de 2019.

4 Diplomate Ecvim-CA.

UNE PROGRESSION DES ANOMALIES CONSÉCUTIVES À LA CONFORMATION DES RACES BRACHYCÉPHALES

Une session complète a résumé l’ensemble des connaissances actuelles relatives aux anomalies respiratoires et digestives rencontrées chez les chiens de race brachycéphale. Une première présentation de Rovena Packer (Grande-Bretagne) a visé à mettre en exergue l’implication éthique de la sélection génétique et l’aide que le vétérinaire peut apporter aux éleveurs dans un contexte complexe de sélection génétique. Une seconde intervention complémentaire par Jeffrey Schoenebeck (Édimbourg, Grande-Bretagne) a résumé les données génétiques disponibles sur le sujet et présente l’impact de la sélection en élevage sur la progression des anomalies conformationnelles et l’aggravation des lésions relevées ces dernières années.


IMPACT DES OBSTRUCTIONS NASOPHARYNGÉE ET OROPHARYNGÉE

Gerhard Oechtering (Leipzig) a rappelé les anomalies observées sur l’appareil respiratoire, dont l’impact majeur de l’obstruction nasopharyngée (protubérance et défaut d’abduction du bulbe nasal avec hypertrophie des cornets nasopharyngés). Après avoir également expliqué l’implication de l’obstruction oropharyngée (longueur et épaisseur excessives du voile du palais mou), laryngée et trachéale, il a insisté sur les conséquences fonctionnelles œsophagogastriques (hernie hiatale, aérophagie, gastropathie hypertrophique pylorique) et a rappelé les singularités raciales. Il a confirmé que les bouledogues français étaient plus fréquemment atteints de troubles digestifs (régurgitations et vomissements), tandis que les carlins présentaient plus souvent des signes respiratoires.


INTÉRÊT DE L’EXÉRÈSE DES CORNETS NASAUX ET NASOPHARYNGÉS

Sa dernière intervention a visé à rappeler les résultats déjà publiés en 2016 et 2017 de ses travaux1. Il a proposé une technique chirurgicale compilant les procédures classiques de rhinoplastie et de palatoplastie antérieurement pratiquées associées à des procédures de retrait de cornets nasaux et nasopharyngés par abord antérograde et rétrograde avec un succès certain. En effet, le taux de récidive et de développement d’excroissances entraînant une réobstruction était d’environ 15 %. Cette approche nécessite une expertise technique et la possession d’un appareillage approprié.



1 Schuenemann R., Pohl S., Oechtering G. U. A novel approach to brachycephalic syndrome. 3. Isolated laser-assisted turbinectomy of caudal aberrant turbinates (CAT Late). Vet. Surg., 2017:46:32-38.